Réponse au ministre Lambert MENDE OMALANGA suite à son article sur les cadeaux offerts au couple Albert II et intitulé : « Le gouvernement congolais en colère », Par Fweley Diangitukwa

Pour quelle
raison, vous êtes-vous donné la peine
d’écrire cette mise au point ? Car vous confirmez les faits relatés
dans
la presse belge. Si la première dame s’est empressée d’offrir un
collier en
diamant que les Congolaises ne portent pas et ne porteront jamais car
trop
cher, en votre qualité de porte-parole du gouvernement, vous ne
mentionnez
nulle part le cadeau que la reine Paola a apporté aux Congolais après
cinquante ans de séparation. Etait-elle venue bredouille ? Ou
sommes-nous
encore dans la logique des Nègres qui veulent toujours montrer leur
générosité
débordante et idiote, comme à l’époque coloniale où l’indigène
catholique
tuait son meilleur coq pour accueillir le missionnaire alors que
celui-ci ne
lui a rien apporté à part la parole de l’évangile selon Saint Jean qui

l’obligera à se soumettre aux ordres du
missionnaire ?

Je trouve contradictoire que le Congo qui n’est
pas
devenu « un paradis que l’on chercherait en vain partout ailleurs sur
la
planète terre » offre un cadeau si luxueux au point où les milieux
belges
se sentent choqués. Embarrassés, ils veulent même faire garder ce
diamant sans
un musée.

 

Monsieur le
Ministre,

 

Le gouvernement que vous
servez se
glorifie d’avoir invité
quinze Chefs d’Etat. Mais combien d’acteurs congolais, encore vivants
et ayant
joué un rôle, si mineur soit-il, en 1960, ont reçu les mêmes honneurs
et la
même considération que vos quinze Chefs d’Etat ? Vous refusez
d’affirmer
que le Congo est un « mauvais élève » que le Souverain aurait dû
admonester en
tapant du poing sur la table. Si cela ne relève pas de la
responsabilité du
roi des belges, ayons l’honnêteté de reconnaître que nous n’avons rien
fait
d’extraordinaire pendant cinquante ans. Que pensent aujourd’hui les
Congolais
qui n’ont ni salaire ni revenu minimum après cette importante
commémoration
qui « a dû coûter énormément » alors que nous sommes un Etat
pauvre ? N’aurait-il pas été plus judicieux de construire quelques
dispensaires ou quelques écoles primaires avec cet argent qui a été
gaspillé
pour faire plaisir aux souteneurs du régime ?

Vous dites que « les grands travaux
d’infrastructures ont été lancés un peu partout dans le pays » tout en

vous hâtant de préciser que c’est plus « particulièrement dans la
capitale Kinshasa ». Sans vous rendre compte, votre gouvernement
répète
les erreurs de développement que les grandes villes occidentales
avaient
commises au XVIIIe et au XIXe siècles. Le
développement
des villes européennes a entraîné un exode rural et du chômage
auxquels l’Etat
n’avait pas de réponse. On ne développe pas un pays en élargissant
quelques
avenues dans la capitale !

Contrairement à ce que vous semblez ne pas
accepter,
« les salariés congolais ne sont pas satisfaits du niveau de leurs
rémunérations, les justiciables se plaignent de la lenteur des
procédures
devant les cours et tribunaux soupçonnés de corruption, les femmes et
jeunes
filles sont violentées dans des zones de conflit à l’Est du pays ».
Ces
faits ne peuvent être escamotés.

 

Monsieur le
Ministre,

 

Nous sommes d’accord avec vous et nous apprécions

lorsque vous écrivez : « Il est inadmissible, cinquante ans après
notre accession à la souveraineté nationale et internationale, que
dans
l’ancienne puissance coloniale l’on se complaise dans de telles
attitudes
paternalistes. La Belgique serait-elle devenue une championne de la
bonne
gouvernance et de la générosité ? Les pauvres Congolais en seraient
ravis, eux
qui attendent toujours en vain depuis les années ‘40 la contrepartie
de
l’Uranium de Shinkolobwe (Katanga) qui, vendu par la Belgique aux
Etats-Unis,
avait permis la victoire des Alliés contre les puissances de l’Axe en
1945
sans que le produit de cette transaction ne leur revienne. Ils
apprécieraient
aussi que soit soldé de manière juste et équitable le fameux
contentieux
belgo-congolais qui hypothèque depuis 1960 leur développement
économique. Que
dire du préjudice imposé à notre peuple du fait de la séparation nette
du
budget de la colonie de celui de la métropole en 1960 ? Ou des
inestimables
trésors culturels de notre pays stockés sans espoir de retour à
Tervuren ? Que
dire du silence des bien-pensants lorsque leur propre pays rechigne à
rémunérer les anciens combattants congolais de 1940-1945 qui ont
pourtant
versé leur sang pour la Belgique ? » Très bien. Excellent. Mais pour
quelle raison le gouvernement congolais n’a-t-il pas haussé le ton
pour
revendiquer publiquement ce que vous dites derrière le dos du roi des
Belges ? Le 30 juin 2010 ne devait-il pas justement servir à régler
tous
ces différends entre partenaires ? Avez vous été timide, naïf ou
plutôt
consentent pour ne pas perdre votre poste ? Si « l’enfer est pavé de
bonnes intentions » (allusion à Noam Chomsky), comme vous dites, la
démagogie est une arme dangereuse. Vous refusez de recevoir des leçons
mais
vous avez avalé des couleuvres en présence du roi des Belges. Quelle
contradiction ! Cela ne frise-t-il pas l’hypocrisie ? Si vous
déplorez « la grosse manipulation qui entoure cette nième campagne de
dénigrement systématique de la RD Congo (et qui) explose comme une
baudruche », votre gouvernement ne se résigne pas à manipuler
l’opinion
congolaise. Comment un pays qui revendique sa souveraineté haut et
fort
peut-il accepter de subir « des terribles épreuves que leur ont imposé

les seigneurs de guerre et leurs commanditaires dont la plupart se
terrent
dans des niches européennes, notamment en Belgique » ? Le sachant,
qu’a fait votre gouvernement pour mettre fin à la souffrance des
Congolais ? Si, d’après vous, « les Congolais ont appris à déceler
la supercherie et l’hypocrisie des officines nostalgiques
(c’est-à-dire
belges) » – détrompez-vous -, les mêmes Congolais ont également appris
à
déceler la supercherie et l’hypocrisie des officines gouvernementales
(congolaises cette fois-ci). S’il est vrai que « la quasi-totalité des

dirigeants qui se sont succédé à la tête de l’Etat congolais depuis
l’indépendance ont fait les frais de l’hostilité de nos anciens
colonisateurs », il est aussi vrai que les mêmes chefs d’Etat ont
cherché
eux mêmes et reçu le soutien de la même Belgique que vous critiquez.

Le monde entier sait que les élections de 2006
n’étaient pas démocratiques parce qu’elles étaient entachées de
nombreuses
irrégularités. Vous êtes le seul à affirmer ce que le monde entier a
déploré,
en commençant par les Congolais eux-mêmes. Dans quel pays avez-vous vu
un
candidat qui refuse un débat contradictoire alors que ce débat est
prévu dans
la loi électorale ? Le vrai drame de notre pays vient du fait que le
Congo ne parvient toujours pas à affirmer pas sa souveraineté. En
politique,
et vous le savez, ce sont les intérêts qui comptent et non « le souci
de
préserver de bonnes relations entre nos deux pays unis par une longue
histoire
commune ».

 

Monsieur le
Ministre,

 

Vous vous en prenez à « l’existence de ces
criminels qui, à partir de leurs bases européennes, s’enrichissent en
faisant
tuer les Congolais ». Mais pourquoi le gouvernement, dont vous êtes le

porte-parole, n’apprend-il pas à protéger ces Congolais et à
poursuivre ces
criminels ? En réalité, c’est l’incapacité de votre gouvernement qui
donne des idées à tous ceux qui profitent du Congo. Du reste, vous le
reconnaissez sans pudeur en affirmant, je vous cite « Notre pays ayant

particulièrement souffert ces dix dernières années de son incapacité à

protéger ses richesses… ». Si vous reconnaissez publiquement que le
gouvernement que vous servez ne protège pas le Congo et les Congolais
depuis
ces dix dernières années, pour quelle raison ne démissionnez-vous
pas ?

A travers vos
invités, les Congolais savent maintenant
clairement qui sont les chefs d’Etat qui soutiennent votre régime. Par

exemple, après avoir contribué au massacre de plus de six millions de
morts et
au pillage des ressources naturelles du Congo, qu’est-ce que Paul
Kagame a
avoir avec l’anniversaire de l’indépendance du Congo ? Aux yeux des
Congolais, votre gouvernement a publiquement dévoilé ses réseaux
occultes. Ils
savent maintenant pour quelle raison le Congo n’a jamais réussi à
mettre fin à
la guerre.

En tout cas, pour nous, le 30 juin 2010 a été un
rendez-vous manqué et nous le disons dans cet autre article que nous
vous
demandons de lire.

 

Fweley Diangitukwa,

Politologue et écrivain

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