19.08.10 Le Potentiel : Cinq questions à Eric Mulumba Zozo (*), par Faustin Kuediasala

 

1. La RDC vient d’atteindre son point d’achèvement. Cette
annulation constitue-t-elle un gage pour la relance économique et la
réduction de la pauvreté?

Ne nous leurrons pas, l’allègement de la dette de la RDC qui est
l’aboutissement des efforts conjugués depuis plus d’une décennie par des
personnes épris de justice, de divers horizons, ne constitue pas un
gage pour la relance économique et la réduction du niveau de pauvreté au
Congo. En fait, contrairement à ce qui se dit les fonds destinés aux
remboursements de la dette extérieure qui doivent désormais servir au
financement des programmes socioéconomiques ne représentent pas
grand-chose au regard des besoins économiques et sociaux de la RDC.
Aussi, pour assurer sa relance économique et réduire le niveau de
pauvreté, la RDC a non seulement besoin d’argent mais doit assurer la
mise en œuvre des politiques économiques cohérentes dont la bonne
gouvernance constitue le socle. Ces programmes doivent promouvoir la
création d’emplois. C’est en mettant les Congolais au travail que l’on
va assurer une relance économique effective et la réduction de la
pauvreté en RDC.

2. Est-ce que l’effacement d’une partie de la dette place la RDC au rang des pays solvables?

L’effacement justifié d’une partie de la dette de la RDC ne redore
pas forcement son image, car elle consacre dans une certaine mesure son
insolvabilité. En effet, pour des raisons justifiées, la RDC s’est
avérée depuis plusieurs années incapable de rembourser ses dettes tant
au plan interne qu’externe. L’insolvabilité d’un Etat érode donc dans
une certaine mesure la confiance de ses partenaires et des
investisseurs. Aussi, il est important de préciser que l’allègement de
la dette n’éradique pas les causes de surendettement, qui ont,
rappelons-nous, plongé la RDC dans une crise socioéconomique profonde
depuis plusieurs décennies. De toute évidence, la spoliation des deniers
publics, la corruption devenue endémique dans les institutions,
l’impunité encouragée par les commis de l’Etat, la mauvaise gestion
entretenue dans la gestion des affaires publiques de l’Etat ont asphyxié
l’économie du Congo et paupérisé ses populations. Au-delà du point
d’achèvement, les dirigeants de la RDC doivent désormais prouver qu’ils
sont capables d’honorer leurs engagements vis-à-vis des partenaires tant
au plan interne qu’externe et d’instaurer les règles de bonne gestion
dans la gouvernance de l’Etat.

3. Si tel est le cas. Est-ce que la RDC est désormais à l’abri d’un nouveau cycle de surendettement ?

On ne peut se permettre de répondre à cette question par
l’affirmative. De ce fait, plutôt que de se réjouir simplement d’avoir
atteint «le point d’achèvement» qui a occasionné l’allègement de la
dette, en pensant que le pire est derrière nous, les autorités
congolaises doivent tirer les leçons du passé en promouvant de manière
effective une gestion saine et transparente de la chose publique. Les
mêmes causes produisent les mêmes effets, dit-on. La bonne gouvernance
au Congo ne doit plus se limiter à de simples déclarations d’intention
fussent-elles bonnes ou à des actions éparses et timide mais elle doit
se traduire dans les faits par un changement véritable des pratiques
assurant le bon fonctionnement de l’Etat. Les slogans doivent céder le
pas à des actions concrètes porteuses de progrès et du développement.

4. La RDC doit-elle ou peut-elle souscrire à un nouvel endettement?

Souscrire un prêt n’est pas une mauvaise chose en soi, tout dépend de
l’usage qu’on en fait. Le programme European Recovery Program très
connu sous le nom de Plan Marshall constitue une illustration probante
des bienfaits que peuvent procurer les prêts ou crédits aussi bien aux
préteurs qu’aux emprunteurs. En effet, le Plan Marshall mis sur pied
sous l’administration Turman en 1947, au lendemain de la Deuxième Guerre
mondiale consistait pour les États-Unis à fournir un crédit sous
certaines conditions aux Etats européens. Ceci a permis à l’Europe de se
reconstruire rapidement et aux Etats-Unis d’éviter une récession
économique aux conséquences fâcheuses. L’endettement par emprunt n’est
pas l’unique procédé mobilisateur de fonds toutefois, c’est l’un des
modes de financement les plus prisés et générateur de profits au sens
propre et figuré du terme. Cependant, même si la RDC ne peut s’interdire
d’y recourir, elle devra le faire dorénavant dans le strict respect des
règles de bonne gestion et dans l’intérêt des citoyens pour ne pas
sombrer encore une fois dans le surendettement et condamner des
générations entières à payer un très lourd tribut.

5. Quelle est, selon vous, la voie à suivre pour garantir le développement de la RDC ?

Pour que l’avenir de la RDC soit radieux, le Congolais doit apprendre
à changer dans sa manière de réfléchir, de parler et d’agir. A ce
titre, les comportements et déclarations réfractaires qui prônent
l’incapacité du Congolais ou du peuple congolais à changer et à
s’améliorer doivent être bannies car ces déclarations sont à la fois
mensongères et suicidaires. Tous les peuples du monde peuvent à l’instar
de l’être humain changer et s’améliorer. Un peuple incapable de croire
en ses capacités de changer et de faire changer les choses à l’instar du
peuple américain, des peuples européens et asiatiques ne peut
progresser et marquer l’histoire. Je crois en l’Eternel Dieu et la
sainte Bible qui attestent que «tout est possible».

Pour se développer et lutter contre la pauvreté, au lieu de
s’appuyer sur les ressources naturelles de son sol et sous-sol, la RDC,
première puissance démographique d’Afrique centrale, doit d’abord
valoriser et employer son capital humain qui est l’unique facteur de
production capable de générer et d’entretenir le progrès. A titre
indicatif, des programmes économiques ambitieux promouvant la création
effective d’emplois dans le secteur tant privé que public peuvent et
doivent être mis en œuvre. Le travail, activité génératrice de richesse,
de croissance et de développement doit être valorisé par des politiques
salariales galvanisant une distribution équitable de la richesse
nationale aussi bien dans le secteur public que privé. En somme, la mise
au travail effective et décemment rémunérée de la main- d’œuvre
congolaise disponible aura comme corollaires l’augmentation sensible de
la production nationale et du revenu réel des ménages. Cette avancée
occasionnera assurément une croissance économique forte, une réduction
sensible du niveau de pauvreté et le développement de la RDC.

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