23.08.10 Le Potentiel: CINQ QUESTIONS à Tosi Mpanu Mpanu, Directeur de l’AND – MDP (*)

1. RDC assume la présidence du groupe Afrique des négociateurs sur le Climat. Quels sont les objectifs assignés à ce mandat ?

En décembre 2009, à l’issue de la 15ème conférence des parties (COP
15) (CCNUCC), la RDC a succédé à l’Algérie qui a exercé ce mandat les
deux années précédentes, pour conduire le groupe Afrique de janvier 2010
à décembre 2011 à la COP 17, qui aura lieu à Cancun au Mexique. Les
objectifs sont très simples. En effet, arriver à une position commune
des pays africains, parce que 53 pays qui parlent une même voix portent
fort. L’Afrique ne contribue qu’à 3,8% des émissions globales de gaz à
effet de serre (GES). Mais elle reste le continent le plus vulnérable
face aux changements climatiques. Bref, l’Afrique veut que les pays
industrialisés, qui ont contribué à ces changements climatiques,
prennent des engagements chiffrés de réduction des émissions GES, d’ici
2020, de 25 à 40% comparés au niveau de 1990 ; allouent un financement
de 1,5% de leurs PIB à la lutte contre les changements climatiques des
pays africains et en développement; que la hausse de la température
globale soit limitée à 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle, que
les financements alloués aux changements climatiques dépendent
essentiellement du secteur public et non pas privé. Enfin, que ces pays
développés entreprennent la réduction de leurs émissions des GES, d’ici
2020, jusqu’à atteindre 85 à 90% par rapport au niveau de 1990.

2. Par rapport à ces objectifs, qu’est –ce qui a déjà été réalisé ?

A Copenhague, la COP 15 a pris note de l’Accord de Copenhague. Mais
cet accord n’a pas de dimensions juridiques contraignantes. Un bon
accord dans sa substance, parce qu’il donne priorité, notamment aux
petits insulaires en développement et aux pays les moins avancés. Il
reconnaît le mécanisme REDD (Réduction des émissions dues à la
déforestation et à la dégradation des forêts, Ndlr) et donne une valeur à
nos forêts sur pied, alors que le Protocole de Kyoto ne reconnaît que
des forêts plantées. L’Accord de Copenhague permet ainsi de reconnaître
les 145 millions d’hectares de la forêt congolaise. Mais un accord qui
n’a pas d’ambition, car il appelle des pays à faire montre de bonne foi,
à réduire les émissions sur une base volontaire. Nous espérons que la
hauteur d’ambition d’avant Copenhague sera défendue à Cancun par le
groupe Afrique. Par ailleurs, l’Accord de Copenhague établit les
financements des 30 milliards de dollars US de 2010 à 2012 ; des
financements qui vont continuer jusqu’à atteindre 100 milliards de
dollars US en 2020. Mais nous estimons que cet argent est insuffisant.
Ce que nous demandons c’est de recevoir 1,5% du PIB des pays développés
équivalant à 500 à 600 milliards de dollars US par an

3. Quelles sont les attentes des pays africains en général et
de la RDC en particulier en ce qui concerne les engagements à la fois de
réduction des émissions et des financements pour des actions concrètes ?

Nous pensons les questions sont liées. Le niveau d’ambition dans la
réduction des GES par les pays développés à une implication sur les
moyens mis à la disposition des pays en développement. Si un pays
occidental décide de réduire ses émissions des GES de 5% par rapport au
niveau de 1990, d’ici 2020, il pourra tout faire au niveau national.
Mais s’il décide de prendre un niveau de 30 à 40%, ce pays développé ne
pourra pas tout faire au niveau national. Il devra financer des projets
dans les pays en développement et ces réductions seront comptabilisées
pour le pays ayant financé ce projet et/ ou favorisé le transfert des
technologies. C’est pour cela que le niveau d’ambition doit être élevé,
en droite ligne avec les recommandations du 4ème rapport du GIEC (groupe
interministériel d’experts sur l’évolution du climat, Ndlr) qui situe
le niveau de réduction de 25 à 40% d’ici 2020 par rapport à 1990.

4. Mais jusque là certains pays pauvres, notamment africains
s’impatientent, d’autant que rien de concret n’est fait, qu’il s’agisse
de la baisse des émissions, de l’aide au développement ou de la
protection des forêts…

Aujourd’hui, le modèle a changé. Ce n’est plus un pays pauvre qui va
mendier auprès des pays riches. Nous sommes dans un cas de figure où ce
sont des pays pauvres qui demandent réparation à ces pays qui ont 50 à
60% de l’espace atmosphérique pour se développer. 20% de la population
mondiale aujourd’hui utilisent environ 40% de l’espace atmosphérique et
s’enrichissent tandis que 80% se développent seulement avec 40% de
l’espace atmosphérique. C’est un problème d’équité qui est posé. Nous
demandons des financements, un transfert des technologies, et un appui
pour le renforcement des capacités adéquats pour lutter contre les
changements climatiques. Effectivement, des pays tardent à faire montre
de bonne foi. C’est pour cela que nous sommes engagés dans ce processus
de négociations. D’autre part, un des grands pays pollueurs n’a pas
ratifié le Protocole de Kyoto. Les pays développés qui l’ont ratifié
hésitent un peu à s’engager pour une deuxième période du Protocole de
Kyoto tant que ce pays n’aura pas pris un engagement comparable.

5. Les négociation de Bonn, du 02 au 06 août, ont-elles été un succès ou échec ?

Je dirai que nous sommes dans un processus dynamique. On ne peut pas
parler nécessairement d’échec ou de succès. Je pense que le succès
serait lorsque nous arriverons à un instrument juridique contraignant,
qui établira les objectifs clairs de réduction pour les pays développés
et les actions volontaires devant être entreprises par les pays en
développement sur la base d’un appui technique et financier adéquats
Donc, c’est un mécanisme complexe qui touche des dimensions politique,
économique, sociale… et demande qu’on s’arme de patience et qu’on rallie
ambition et réalisme. Et le groupe Afrique s’inscrit dans cette
logique.

PROPOS RECUEILLIS PAR PIE ROGER ILOKO

Laissez un commentaire

Vous devez être connectés afin de publier un commentaire.