30.08.10 Le Potentiel: Cinq questions à Patrick Makala Nzengu (*), par BIENVENU MARIE BAKUMANYA
1. Vous venez de lancer un nouveau livre sur la décentralisation des services agricoles en RDC. De quoi sagit-il ?
Il sagit dun petit manuel de formation destiné à linspecteur
agricole et coordonnateur du Conseil agricole rural de gestion. Vous
êtes sans ignorer que la nouvelle architecture institutionnelle portée
par la constitution du 18 février 2006 consacre la décentralisation
comme mode dorganisation politique et administrative du pays et crée
un contexte approprié pour une approche participative du développement
en fonction des potentialités et des spécificités de chaque province.
Dans cette perspective, la constitution prévoit un transfert
dimportantes compétences au profit des provinces, en particulier dans
le secteur agricole considéré comme le moteur du développement
économique.
2. Quelles sont les grandes articulations de votre ouvrage?
Nous avons proposé trois chapitres. Dans le premier chapitre, nous
procédons à un bref rappel des concepts généraux et les enjeux de la
décentralisation avant daborder des questions en rapport avec une
approche méthodologique de la décentralisation des services agricoles.
Quant au deuxième chapitre, il a trait au cadre juridique et
institutionnel de la décentralisation. Le dernier chapitre est axé sur
limpact de la décentralisation dans le secteur agricole.
3. Quel est létat des lieux de lagriculture congolais
La situation agricole et alimentaire de la RDC se caractérise par un
paradoxe assez saisissant : dune part, un potentiel agricole parmi les
plus importants et les plus riches du monde et dautre part, un taux de
pauvreté et de malnutrition se situant parmi les plus élevées de la
planète. Et malgré le fait que le secteur agricole a toujours été érigé
en « priorité des priorités » par les autorités politiques du pays, sa
dégradation a été quasi continue depuis lindépendance du pays.
Pourtant, la nature a doté la RDC dun potentiel agricole énorme : une
situation géographique particulière (le pays est situé à cheval sur
léquateur) qui permet une alternance de saison sèche et pluvieuse au
nord et au sud du pays et donc plusieurs récoltes par an selon le
rythmes naturel des saisons, sans irrigation ; la diversité du climat
(qui comprend des zones équatoriales, tropicales et tempérées humide) ;
létendue du territoire (sans partie désertique, mais, au contraire
couvert de forêts équatoriales et de savanes) ; labondance de leau et
des ressources halieutiques. Au total, le potentiel de production
agricole est gigantesque…Malgré cet environnement favorable et les
termes superlatifs avec lesquels le potentiel agricole congolais est
décrit, la production agricole na cessé de baisser au cours de ces
dernières décennies. A titre indicatif, lasthénie de productivité qui
caractérise aujourdhui le secteur agricole a conduit plus de 70 % de la
population congolaise à vivre en insécurité alimentaire. Cette
situation savère préoccupante au regard des Objectifs du Millénaire
pour le développement (OMD) parmi lesquels figure la réduction de
moitié, à lhorizon 2O15, du nombre de sous alimentés et de celui des
plus pauvres en général.
4. Pouvez-vous confirmer que la pauvreté en RDC est un phénomène de masse ?
Lincidence de la pauvreté en RDC a atteint des sommets. Selon les
données disponibles, la pauvreté absolue sest accentuée au cours de
trois décennies et atteindrait aujourdhui plus de 70% de la
population.. La pauvreté généralisée en milieu rural sexplique par la
faiblesse de la productivité agricole dont vit la majorité de la
population. Ce nest donc pas un hasard si lincidence de la pauvreté
est plus prononcée dans les provinces à fort potentiel agricole comme le
Bandundu, lEquateur et le Sud- Kivu. Cette situation est la
conséquence dune combinaison de facteur ayant entravé le développement
du secteur agricole. Outre les contraintes liées à linsécurité, à
labsence de voies de communication rurales et de desserte agricole et à
linsuffisance de moyens mis à disposition, que ce soit en termes de
crédit budgétaires ou dintrants, le secteur a surtout souffert de
latonie de létat et de laccumulation des déficiences
institutionnelles. Tant au niveau central que régional, avec pour
résultat un délabrement général du tissu économique et une détérioration
des services agricoles. Certes, plusieurs plans ont été adoptés, mais
aucun cadre dorientation définissant une vision stable et cohérente
ainsi que des objectifs clair na été mis en place.
5. Quelle est alors la thérapeutique de choc que vous proposez ?
Du fait quelle se traduit par un transfert du pouvoir décisionnel,
des fonctions opérationnelles et dun certain nombre de services dappui
aux niveaux intermédiaire (régional du provincial) et local (municipal
et communal) et dEtat, la décentralisation offre un ancrage
institutionnel adéquat susceptible de promouvoir la relance du secteur
agricole en fonction des potentialités et des spécificités de chaque
province, en même temps quelle crée un espace pour le déploiement des
actions des autres acteurs non étatiques du développement agricole et
rural (organisation dagricultures, OSC…). Dans ce cadre, le ministère
en charge de lAgriculture a vu ses prérogatives réduites au profit des
provinces et son rôle doit être réorienté vers les fonctions de
réglementation et de coordination des programmes dintérêt provincial.
La définition du rôle du gouvernement centrale doit, par voie de
conséquence, se traduire par un processus de restructuration assez
profond du MAPE en vue de tenir compte de la nouvelle constitution.
PROPOS RECUEILLIS PAR B-M.B.
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