De « faits » de génocide des Hutu et des Congolais(es) au refus du débat sur la congolité (JP Mbelu)

Que dit Luc Côté dans cette entrevue ?

 

« «Je
suis tombé des nues» au cours de cette enquête, a dit M. Côté. «Au
Congo, j'ai observé des comportements que j'avais déjà vus au Rwanda»
lors du génocide (avril à juillet 1994) durant lequel environ 800 000
Tutsis ainsi que des Hutus modérés avaient été assassinés. »

Il ajoute : «Le
fait qu'un groupe spécifique soit visé; le fait que dans des discours
on appelle à "se débarrasser de tous ces Hutus", que cela se soit passé
de façon systématique, que des cadavres aient été incinérés, que tout
ait été fait pour cacher les preuves et empêcher des étrangers d'y
aller; tout ceci, soumis à un tribunal, peut constituer des preuves
permettant de conclure qu'il y a eu tentative de décimer un groupe, ce
qui est considéré comme un génocide».

 

L’article
commentant le rapport souligne que « les bourreaux auraient ainsi
utilisé des armes blanches, des haches et des baïonnettes pour massacrer
les Hutus rwandais et congolais, souligne le texte, qui ajoute que
l'immense majorité des victimes étaient des «femmes, des enfants, des
personnes âgées, des malades, qui ne représentaient aucun danger pour
les belligérants». » Luc Côté rejoint « les petits restes des
sentinelles de la République en avouant ceci : « «Je croyais avoir vu le
pire lors du génocide au Rwanda. Nous avons des témoignages du Congo
qui montrent que ce qui s'est passé est tout aussi terrible que ce qui a
eu lieu au Rwanda. » Le comble est qu’ « au Rwanda, cela a pris trois
mois. Au Congo, cela ne s'est
jamais arrêté», affirme Luc Côté. »

 

Comme
plusieurs d’entre nous le savent dorénavant, « l'actuel président
rwandais, Paul Kagame, aurait fourni des armes, des munitions et des
camps d'entraînement à la rébellion congolaise. Le texte pourrait servir
de base à l'éventuelle inculpation du colonel James Kabarebe, un acteur
clé des conflits en RDC et actuel ministre de la Défense rwandais. »

 

Revenir
sur James Kabarebe comme un acteur clé de la tragédie congolaise nous
permet de comprendre, tant soit peu, pourquoi, « au Congo, cela ne s’est
jamais arrêté ». Il est le parrain de Joseph Kabila. Si
le texte du rapport du HCDH peut servir à son inculpation, il le peut
tout autant pour Joseph Kabila et ses nervis. Ceux qui, aujourd’hui
encore, entretiennent la guerre d’agression chez nous. Par action ou par
omission.

 

Quand,
avant la mascarade électorale de 2006, la Haute Autorité des Médias a
refusé le débat sur la congolité, elle a facilité l’infiltration dans
les institutions congolaises des criminels de guerre et humanitaires ;
elle a permis aux Rwandais et aux autres étrangers pouvant être inculpés
de « faits de génocide » des Hutu et des Congolais(es) d’entrer dans
des institutions républicaines où leurs crimes seraient couverts par
l’immunité liée à leurs charges.

Relancer
le débat sur la congolité aiderait à étudier les possibilités de lever
cette immunité pour que ces criminels soient déférés devant les cours et
tribunaux et les compatriotes ayant travaillé au sein de la HAM
traduits en justice pour haute trahison. Il y a là une question que
« les fanatiques » des élections de 2011 ne pourraient éluder.

 

Pourquoi
cette question ne pourrait-elle pas les unir (par exemple) autour de
l’un des premiers responsables de l’ASADHO, Guillaume Ngefa ; lui dont
le traitement de la question « des faits de génocide » des Hutu a coûté
l’exil ? En marge des compatriotes avouant qu’un pays occupé ne peut
être libéré par un bulletin déposé dans une urne, les plus légalistes  d’entre nous et « les fanatiques » des élections pourraient, en étudiant le dernier rapport du HCDH, trouver des questions les rassemblant et s’engager dans une  quête patiente de solutions juridiques y afférentes. Cela  participerait de la mise hors d’état
d’agir de tous les criminels ayant infiltré nos
institutions politiques. De toutes les façons, bâtir un Congo plus beau
qu’avant ne pourra pas se passer d’une étude sérieuse de ce rapport et
des conséquences qu’ensemble, en tant que collectivité, nous en
tirerons.

 

Il
est absurde qu’au cours de notre histoire récente, le traitement des
questions relevant de la souveraineté de notre pays ait été soumis un
filtrage « international » et collaborationniste ridicule. Avant les
élections de 2006, les Congolais(es) posant la question de l’identité
des seigneurs de guerre et de leurs collaborateurs venus
chez nous en 1996-1997 ont été traité de xénophobes et la question de la
congolité exclue des débats inter-congolais au cours de la campagne
électorale. Mais personne, à travers les Grands Lacs
Africains et à travers le monde n’a osé lever le petit doigt quand, le
25 août 2010, de 58 ex-combattants des FDLR et leurs dépendants, 32 ont
été reconnus
Rwandais et 26 autres déclarés Congolais de Masisi par les autorités
Rwandaises. Pourquoi ce travail de vérification d’identités, de
recensement, a-t-il été considéré chez nous comme une question taboue ?
N’est-ce pas parce que l’identification des infiltrés oeuvrant au cœur
de nos institutions serait préjudiciable aux criminels de guerre, aux criminels humanitaires et aux autres coupables des « faits de génocide » ?

 

Pour
avoir refusé de regarder la réalité en face en 2006, elle vient de nous
rattraper à partir d’un rapport dont la fuite avant son officielle finalisation
interpelle les empêcheurs de penser en rond, les veilleurs-protecteurs
de la mémoire collective de nos populations et les autres minorités
d’acteurs-créateurs Congolais. Ce rapport nous interpelle sur l’une des
questions essentielles restée sans réponse depuis le début de la guerre
d’agression que les USA et la Grande-Bretagne (et leurs alliés
occidentaux) nous font à travers le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda
interposés : la question de l’institution d’une Commission Justice,
Vérité et Réconciliation.
Si le rapport du HCDH met en exergue la responsabilité des nègres de
service Rwandais et Congolais, celle de leurs parrains occidentaux
n’apparaît presque pas. Et pourtant, ne sont-ce pas ces derniers qui ont
refusé que nous débattions de la congolité en 2005-2006 ? Une
Commission Justice, Vérité et Réconciliation aurait l’avantage de
permettre aux Congolais(es) d’aborder certaines questions restées sans
réponses depuis 1996 et d’y esquisser quelques pistes de solutions.

A
n’en pas douter, c’est déjà bien d’identifier les acteurs africains clé
de la tragédie congolaise. Mais c’est insuffisant. Il faut aller plus
loin. Tant que « les faiseurs des rois » feront et déferont notre
histoire sans que puissions peser de tout notre poids dans la balance
des rapports de force mondiaux, instaurer un Tribunal Pénal
International sur le Congo et une Commission Justice, Vérité et
Réconciliation sur notre histoire seront (déjà) de bonnes solutions ;
mais insuffisantes. La guerre d’agression à laquelle nous résistons
depuis 1996 est entretenue par « la tribu néolibérale sans frontières »,
par tous les disciples internationaux de Milton Friedman ; ceux et
celles qui, mus par la cupidité, travaillent à ce qu’ils considèrent
comme étant « la destruction créatrice ». La guerre
d’agression de basse intensité qu’ils soutiennent chez nous rentre dans
cette idéologie vampiriste. Il y a encore du chemin à faire. Un long
chemin de rupture dérangeante.

 

J.-P. Mbelu

 

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