Le calendrier électoral, les fanatiques des élections en RD Congo et le déni de la réalité (JP Mbelu)

C’est
le lundi 09 août 2011 que le Président de la CEI a publié le calendrier
électoral de futures élections chez nous. Prévues pour 2011, elles
pourraient aller jusqu’en 2013.
 

  

Plusieurs
compatriotes contestent la publication de ce calendrier par une
institution défunte constitutionnellement. D’aucuns estiment que la CEI
expédiant les affaires courantes avant la mise effective sur pied de la
CENI  est dans ses prérogatives constitutionnelles. D’autres,  tout en
contestant cette initiative, exigent que le calendrier électoral soit
revu et corrigé sous la supervision de la CENI. Que tout commence par
les élections locales. D’autres encore soutiennent que les futures
élections risquent d’être la réplique de celles de 2006 si le
recensement n’est pas préalablement organisé ; surtout si ces élections
ne sont pas financées par les Congolais et les Congolaises eux-mêmes.

  

Tout
ce beau monde croit dans les vertus démocratiques des élections. Quand
il interroge notre passé immédiat, c’est simplement pour constater que
les élections de 2006 n’ont pas été achevées. Cette approche ne prend
pas en compte l’alliance maffieuse du pouvoir économique, du pouvoir
politique, du pouvoir technocratique et le pouvoir militaire telle
qu’elle s’est faite chez nous depuis la guerre de l’AFDL de 1996.
 

  

 Dans
un élément audio intitulé « comment le Mlc  a perdu Mbandaka », le
député national, Jean-Lucien Busa- que nous allons paraphraser- nous
permet de comprendre l’efficacité de cette alliance et sa nocivité pour
notre devenir commun.
 

 La
veille de l’élection de l’actuel gouverneur de Mbandaka, « qu’est-ce
qui se passe entre 23H et 06h du matin ? ». Le député Busa répond : « 
Kabila ou quelqu’un qui imite sa voix appelle individuellement les
députés. Il dit ceci aux Députés provinciaux : «  Vous votez pour M.
Busa, il n’y a pas d’argent pour la province de l’équateur. Vous les
députés, vous ne serez pas payés. » Et dans l’entretemps,  « on a
débloqué un million de dollars. On a proposé 10. 000 dollars : 6000 la
nuit et 4000 le matin, après le vote. » » Et Busa d’insister : « On ne
raconte pas des histoires ; c’est du vécu. Certains d’entre nous sont
allés prendre  pour prouver qu’on distribue de l’argent. »
Qui est aux commandes de cette opération ? «  Qui va distribuer cet
argent, demande Jean-Lucien Busa ? »  « Un commandant militaire général
de la 3ème région militaire et le  responsable de l’ANR, répond-il. Il
dépose les 6000 et vous laisse deux policiers. Monsieur, vous avez 
voté, vous êtes sécurisé, vous n’avez pas voté, vous êtes insécurisé. »
Et Jean-Lucien de commenter : « Avec le niveau de nos Députés
provinciaux, beaucoup ont paniqué (bakoboma ngai (on va me tuer), bakoboma ngai).
C’est le général et le responsable de l’ANR qui distribuent l’argent.
Pas le gouverneur. 6000 balles, deux policiers, 6000 balles, deux
policiers. (…) Vous avez toute la ville quadrillée. L’armée mobilisée.
Nous sommes allés nous plaindre à la Monuc pour notre sécurité. » 

 

Cette
façon de procéder a marqué profondément tout le processus électoral de
2006. Il nous semble que c’est le déni de la réalité qui nous pousse à
appeler cet achat militarisé des voix et des consciences « élections ».
Nous dénions une réalité brutale : une armée venue d’ailleurs nous livre
une guerre permanente jusques dans les urnes. Au vu et au su des
représentants de la communauté dite internationale. Le cas de Mbandaka
est révélateur de ce qui s’est passé dans d’autres provinces et à
l’Assemblée nationale  certaines décisions ont été votées sous le coup
de menaces et de l’argent. Ce terrorisme d’un Etat-manqué permet
« l’amélioration du climat des affaires » des multi et transnationales à
l’insu de nos masses populaires appauvries expressément pour les
acheteurs des voix et des consciences.

La
foi de certains de nos compatriotes dans le prochain processus
téléguidé par la même communauté internationale au travers de ses
nègres  de service s’apparente, à notre avis à du fidéisme. La confusion
entre notre désir de voir notre pays géré selon des principes
démocratiques et la réalité d’un système de gouvernement piloté par  des
nègres de service terroristes au service de la prédation et de la mort
trahit notre foi non-avertie en la démocratie.

A
n’en pas douter, ce n’est pas le Président de la CEI seul qui a conçu
le calendrier électoral actuel. Celui-ci est le produit des pressions
internationales faites à l’endroit de Joseph Kabila et  du deal conclu
entre ce dernier  et les acteurs majeurs de ce qui se passe chez nous.

 

Aux
dires d’un lobbyiste Congolais, Joseph Kabila forcé de respecter « le
processus démocratique » enclenché en 2006 aurait obtenu de ses parrains
qu’il reconduise le schéma de 2006. D’abord pour une raison simple : il
n’y a pas d’argent pour financer un long processus électoral incluant
les élections locales. Ensuite, pour cette autre raison qu’un ministre
du gouvernement Muzito a confiée aux experts de Crisis Group. Nous
citons :
« Le 5 octobre 2009, un ministre du gouvernement Muzito
livrait déjà à Crisis Group sa conviction qu’il n’y aura pas d’élections
locales. La présidence n’aurait rien à gagner d’un scrutin risquant de
modifier les équilibres politiques des provinces si peu de temps avant
le rendez-vous présidentiel. » (Lire le document de Crisis Group
intitulé Le Congo : l’enlisement du projet démocratique, Bruxelles, 8 avril 2010, p. 18)

Enfin,
depuis le début de la guerre d’agression à laquelle nous résistons
jusqu’à ce jour, l’opposition dite institutionnelle n’a pas réussi à
renverser les rapports de force en sa faveur. Elle subit le diktat des
envahisseurs-terroristes. Elle est appauvrie à dessein et dépend des
miettes que ceux-ci lui dispensent. Elle peut crier émotionnellement
mais finit par rentrer dans les rangs.

 

Prenons
deux exemples. Quand John Numbi négocie secrètement l’entrée de l’armée
rwandaise sur notre territoire en janvier 2009, l’opposition
institutionnelle n’est au courant de rien. Elle crie à l’inacceptable.
Kamerhe qui l’avait précédé sur cette voie est dégommé de la Présidence
de l’Assemblée nationale. Boshab le remplace et « tout rentre dans
l’ordre ».

Une
motion est initiée contre Muzito. Jean-Lucien Busa, député du Mlc ,
sort un dossier compromettant sur Muzito. Le jour du débat sur la
motion, Muzito ramène son électorat de Kingasani et de Masina à
l’Assemblée nationale. Cet électorat menace quiconque s’en prendrait à
son élu. Après, « tout rentre dans l’ordre ». Ces exemples peuvent être
multipliés à l’infini. Tous les rapports des commissions X ou Y
établissant la responsabilité de certains nègres de service dans la
débâcle militaire ou politico-économique de notre pays sont restés sans
suite judiciaire, depuis la guerre de l’AFDL jusqu’à ce jour. En face
des envahisseurs-terroristes, nègres de service de la maffia
internationale, il y a une opposition politique impuissante. De temps en temps, elle pose l’une ou l’autre action d’éclat, mais cela ne change rien aux rapports de force.

 

Notre
peur pour le moment est que les cris d’indignation de cette opposition
politique n’apportent rien de consistant au renversement des rapports de
force. Peut-elle, avec les autres fanatiques des élections, obtenir que
les élections locales aient lieu en premier après le recensement de
tous les Congolais et de toutes les Congolaises ; que la carte de
citoyen soit délivrée ; que diaspora congolaise soucieuse de participer à
ces élections le fasse ; que les différentes étapes du processus
électoral soient financièrement chiffrés et la provenance de l’argent
indiquée ; que  les parties de notre pays occupées par les armées
étrangères soient libérées ; que nos terres vendues comme carrés miniers
soient récupérées ; que les militaires Congolais en vadrouille soient
cantonnés ailleurs que là où ils tuent et pillent ; que les criminels de
guerre et économiques opérant au sein des institutions actuelles soient
mis hors d’état d’agir, etc.

 

Si
le deux tiers de ce défi n’est pas relevé, aller aux  élections en
suivant le calendrier publié par les nègres de service de la maffia
internationale ne sera d’aucun secours pour nos populations. Il est
possible que nous soyons à côté de la plaque…
(A suivre)

 

J.-P. Mbelu

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