24.09.10 Le Potentiel: Cinq questions à Julien Balkany (*)

 

1. La société Toreador a conclu un partenariat avec la
société américaine Hess. Pouvez-vous nous décrire en quelques mots
Toreador, Hess, et nous préciser les contours de ce partenariat?

 

Toreador est une société cotée à la bourse de New York dont le
siège est à Paris et qui exploite des champs pétroliers en France depuis
plus de quinze ans. Nous sommes le troisième producteur de pétrole en
France et le premier détenteur de licence d’exploration dans le bassin
parisien. Toreador y produit aujourd’hui environ 1.000 barils par jour
et détient environ 9,5 millions de réserves prouvées et probables.
Hess, notre partenaire depuis mai dernier, est un géant énergétique
américain et l’un des leaders mondiaux de l’exploration et de la
production pétrolières. Sa capitalisation boursière est supérieure à 20
milliards de dollars et il produit plus de 450.000 barils de pétrole par
jour. C’est une «mini major» présente tout au long de la chaîne, que ce
soit en amont ou en aval. Ce qui nous a intéressés dans le cadre de
cette alliance, c’est sa puissance financière, son savoir-faire et
surtout son expertise technique dans la production d’hydrocarbures non
conventionnels acquise aux États-Unis ces dernières années.

2. Des experts estiment que le bassin parisien pourrait
contenir environ 65 milliards de barils de pétrole dans la roche,
l’équivalent des réserves prouvées de l’Amérique du Nord. Quelles sont
les réelles potentialités pétrolifères du bassin parisien ?

 

Les géologues du monde entier qui ont étudié le bassin parisien
savent, depuis la fin des années 1950, que ce dernier bénéficie d’un
véritable système pétrolier. La roche présente dans les sous-sols du
bassin parisien contient du pétrole en quantité massive. Les géologues
estiment ses réserves potentielles en place entre 65 milliards et 200
milliards de barils; 65 milliards (le chiffre le plus conservateur)
correspond aux réserves offshore en Angola ou au Nigeria Il n’y a donc
pas d’effets d’annonce. Seule une infime portion de ce pétrole a pu être
jusqu’à ce jour extraite ; 99 % des réserves du bassin parisien n’ont
pas pu être produites du fait de certaines spécificités.

3. La technique de production que vous souhaitez mettre en
oeuvre (forage horizontal) est en effet novatrice. Etes-vous confiant
dans cette nouvelle approche ? Quelles sont ses spécificités techniques?
Cette technique coûte-t-elle plus cher?

 

Généralement, le pétrole est généré par une roche mère puis migre
dans un réservoir. Suivant la qualité et la quantité de pétrole présent
dans le réservoir, on peut produire ou pas. Dans le cas du bassin
parisien, 99 % du pétrole reste enfermé dans la roche mère du fait de
problèmes de perméabilité et de porosité. Or depuis moins de dix ans,
aux États-Unis, des sociétés ont développé de nouvelles technologies
permettant un forage horizontal et non vertical qui, couplé à de
l’injection d’eau à très forte pression, du fait de la stimulation
hydraulique ainsi créée, permet de fluidifier la roche. Par cette
manoeuvre, on recrée l’environnement perméable qui va permettre au
pétrole de s’écouler dans le drain. C’est donc avant tout un défi
technique dont l’objectif est d’exploiter les hydrocarbures non
conventionnels présents dans le sous-sol du bassin parisien. Nous y
croyons fermement. Ce n’est qu’après le forage de quatre ou cinq puits
que nous saurons si nous pouvons extraire du pétrole, et en quelle
quantité. Pour revenir au coût, cette technique ne coûte pas beaucoup
plus cher. Cela a été fait par de grandes entreprises comme Halliburton à
de nombreuses reprises aux États-Unis ou au Canada, mais jamais en
Europe. Il faut donc importer cette technologie, ce qui entraînera des
coûts au début.

4. Justement, en quoi les fluctuations du prix du baril de
pétrole entravent-elles ou stimulent-elles votre stratégie ? Etes-vous
favorable à la stabilisation de ce prix par les pays membres de l’OPEP?

 

Bien qu’étant pour le libre marché, je pense qu’il y a de
nécessaires mécanismes de régulation et que la spéculation de certains
fonds d’investissement sur le prix du baril devrait être à l’avenir
régulée. Ce prix doit varier en fonction de l’offre et de la demande. Je
suis contre l’idée du diktat d’un cartel, que ce soit celui des pays
producteurs de pétrole ou celui des gros consommateurs que sont les
États-Unis, la Chine ou l’Europe. Selon moi, un baril entre 70 et 80
dollars est un prix qui satisfait tout le monde, acheteurs comme
producteurs.

5. Quelles sont les grandes lignes des concessions
accordées par le gouvernement français pour l’exploration du bassin
parisien?

 

Il s’agit de licences d’exploration d’une durée de cinq ans. Hess
s’est engagé à investir 120 millions de dollars et à forer au moins six
puits d’exploration. Notre projet pétrolier en France est un plan
d’investissements ambitieux. En cas de succès, nous espérons concourir à
réduire à moyen terme la dépendance énergétique de la France vis-à-vis
des importations de pétrole. En cas de test non conclusif, nous
restituerons nos licences au gouvernement français.
Mais si une société pétrolière tierce démontre au gouvernement qu’elle
dispose des moyens techniques et financiers pour réaliser une véritable
campagne d’exploration, je ne vois pas pourquoi, dans vingt ou trente
ans, le gouvernement français ne lui accorderait pas les mêmes licences.
Grâce à l’innovation technologique, cette société pourrait réussir là
où nous aurions échoué. À ce titre, Toreador pourrait être le «dindon de
la farce».

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