27.09.10 Le Potentiel: Cinq questions à Marcel Ngoyi (*)
1. Cest en principe ce mardi 28 septembre que va se
clôturer le dépôt de propositions pour la constitution du Bureau de la
CENI. A quoi devra-t-on sattendre quand on sait quon a déjà dénombré
quatre cents candidatures pour sept postes ?
La CENI est une structure essentielle dans la vie démocratique dun
pays surtout quand il sagit de négocier le dernier virage dune
législature et de passer à une autre. Limportance que revêt la CENI est
telle quil faut inviter les acteurs politiques, ceux qui sont visés
par larticle 12 de la loi organique du 28 juillet 2010 portant
organisation et fonctionnement de la CENI, à sassumer face au destin et
à lhistoire.
Pourquoi sassumer ? On sait queffectivement les sept membres de
la CENI doivent sortir, dune part, de la majorité (à raison de
quatre), et de lautre, de lopposition, à raison de trois. Nous navons
pas besoin dun spectacle supplémentaire, celui de continuer à tirer
les choses en longueur alors que nous avons déjà pas mal de problèmes,
notamment celui du calendrier électoral. Comme vous le savez, la CEI
sortante a proposé un calendrier qui est contesté par le plus grand
nombre de Congolais. Nous avons le problème de budget. Il nous faut 712
millions de dollars américains pour pouvoir organiser les élections. Or,
le budget 2011 en élaboration prévoit à peine 350 millions. Donc, il
faut mobiliser les bailleurs de fonds bi et multilatéraux pour quon
puisse nous aider avec des kits et ainsi renforcer les capacités pour
lorganisation de prochains scrutins. Il y a de problèmes dordre
sécuritaire. Il y a énormément de problème de formation par exemple du
personnel qui pourrait soccuper des élections.
Cela étant, nous navons pas intérêt dassister à un nouveau
spectacle tendant à tirer les choses en longueur. Et quon apprenne,
entre-temps, quil y a plus de 465 candidatures, il faut que lon mette
en place le plus rapidement possible la machine CENI. Il faut que les
uns et les autres tirent des leçons de lhistoire et que lon aille vite
au travail.
Jai souvent dit que si les élections sont bâclées, elles ont toujours
constitué une bombe à retardement. Une chose est dorganiser les
élections ; une autre est davoir des résultats qui sont acceptés par
tous. Cest à ce niveau que les uns et les autres devront privilégier
lessentiel : que tout le monde, dune manière ou dune autre, se sente
concerné par léquipe qui pourrait être mise en place.
2. Où en est aujourdhui avec limpasse née de la saga «
Roger Nsingi », jusque-là président de lAssemblée provinciale de
Kinshasa ?
Il y a deux choses : Roger Nsingi a été déchu. Lacte politique a été
posé par la majorité des députés provinciaux. Cette majorité incarne ce
quon appelle la légitimité. Donc, Roger Nsingi a perdu la légitimité.
La deuxième chose consiste à savoir comment cette majorité sest
comportée pour faire partir Roger Nsingi. Est-ce que cette majorité a
respecté les dispositions du règlement intérieur. A-t-elle a respecté
les normes pour faire partir un président de lAssemblée provinciale ?
De ce côté-là, il faut reconnaître que cette majorité a pêché.
LAssemblée provinciale est une institution sacrée. Elle a un siège, un
lieu de réunion, mais on constate que cette institution commence à
tenter daller se réunir aux Affaires étrangères, dans le perron en face
du ministère de la Justice, dans la rue en plein air, au palais du
Peuple dans le hall.
Cest inacceptable. Linstitution est sacrée. Il faut quon arrête ce
genre de pratiques et que lon revienne à la raison. Ceux qui ont
défénestré le président de lAssemblée provinciale, ont certes la
légitimité avec eux, mais ils ne sont pas dans la légalité. Roger Nsingi
a la légalité parce quil est même soutenu par un communiqué du Parquet
général. Le Parquet a pris une mesure conservatoire pour sauvegarder
lordre, mais Roger Nsingi na plus de légitimité.
Le pouvoir, on le sait, est constitué de deux choses : la légalité et la
légitimité. La majorité a, avec elle, la légitimité pendant que Roger
Nsingi détient la légalité.
Entre-temps, le pouvoir est dans la rue. A qui cela profite-t-il ? La
situation ainsi créée profite à lExécutif provincial qui pourrait faire
son travail impunément, sans contrôle. Et plus ça durera, mieux cela
consacrera la mort de linstitution Assemblée provinciale.
3. Que faire selon vous ?
Jen appelle donc aux autorités du pays, plus particulièrement au
Vice-Premier ministre en charge de lIntérieur et Sécurité, de
recentrer, si pas de récupérer ce dossier pour un arbitrage. Ce nest
pas pour quil prenne une décision, mais ne fut-ce que pour faire un
arbitrage. Le mieux serait quune autorité du gouvernement central
récupère la situation. On ne peut pas consacrer la mort dune
institution parce quon voudrait avoir la tête de quelquun. Il faut que
le Vice-Premier ministre Adolphe Lumanu prenne les choses en main,
quil récupère ce débat et quil fasse comme on lavait fait pour
lEquateur et le Katanga. Question de libérer linstitution Assemblée
provinciale.
Je voudrais ajouter un mot pour dire que Nsingi va perdre le
poste, mais il ne va pas perdre le mandat. Il demeure député provincial,
après tout. Donc, il va siéger au sein de lAssemblée provinciale. En
ce moment-là, si jamais un accord de principe est dégagé, linstitution
peut continuer à fonctionner.
4. Quavez-vous retenu particulièrement du discours que le
président de la République a prononcé devant lAssemblée générale des
Nations unies dont lessentiel a gravité autour de la sécurité et de la
paix ?
Lespoir est permis. Je pense que dans le discours du président de la
République est un discours de responsabilité. Le chef de lEtat voit un
Congo dans lequel la misère et la pauvreté ne sont ni une fatalité ni
une situation irrémédiable. Donc, cest un président qui est résolument
tourné vers lavenir. On le voit parler de réformes en cours, notamment
la réforme de la justice. Il a promis par exemple de sévir contre les
massacres répétitifs de viols de femmes à lEst. Il a parlé de la
réforme en cours en matière de justice. Il a parlé de la
décentralisation des responsabilités de lONU, avec par exemple, la
création du bureau régional de lONU à Libreville.
Sagissant dautres dossiers de brûlante actualité au niveau
international, il faut noter que le président de la République a laissé
des ouvertures. Question de faire observer que la contribution de la
communauté internationale nest pas exclue, mais que le Congo savère
être une des solutions qui participent à léclosion du monde. Il suffit
que le monde regarde vers le Congo non pas seulement en tant que simple
malade, mais aussi comme médecin dans la résolution de certaines
situations.
Le président est tourné vers lavenir. Cest un discours dun Congo
ouvert et non dun Congo replié sur lui-même.
5. Cest en principe le 1er octobre 2010 que lONU va
rendre public son rapport sur les crimes commis en RDC de 1996 à 2003,
rapport qui accable le Rwanda. Quen dites-vous ?
Je crois que ce rapport sur le génocide est un rapport important.
LONU qui sen est occupé, détient tous les méandres cachés de ce
rapport. Elle a tous les secrets, tous les documents. LONU, cest cette
communauté agissante. Elle doit tirer toutes les conséquences de ce
rapport. On na pas dautre commentaire particulier à faire si ce nest
de demander à lONU de tirer toutes les conséquences des actes qui ont
été posés quant à ce.
PROPOS RECUEILLIS PAR M. L.
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Le Potentiel