Le mot « génocide » serait retiré de la version finale du rapport du HCDH (JP Mbelu)

D'après le
journaliste, la raison primordiale est que l'ONU trouve que le Rwanda a
un rôle très capitale à jouer dans le maintien de la paix (peace keeping
en Afrique). »  La presse soudanaise souligne pour sa part que « lors
de sa visite à
Kigali il y a deux semaines, le secrétaire-général de l'Onu Ban Ki-moon
a réussi un compromis entre deux parties. Il a été entendu que le
Rwanda apporterait des amendements dans le texte du rapport avant sa
publication. » Et à son passage à New-York, Paul Kagame aurait confirmé
que 
« 
le
Rwanda est revenu sur sa décision de retirer du Darfour (Soudan) son
contingent de paix servant au sein de la mission hybride Onu/Union
africaine (Minuad), rapporte la presse soudanaise, se référant à Alain
Leroy, secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix
de l'Onu. » Comme le Rwanda participe à une importante mission de
maintien de la paix au Darfour, il aurait obtenu que  certains crimes
commis par les ex-miliciens du FPR ne soient pas qualifiés d’actes de
génocide. Le fait d’avoir cherché et obtenu cet amendement peut se justifier de plusieurs manières.

 

Nous
pouvons nous réaliser que le Rwanda a mené un travail de lobbying très
sérieux et que ce travail a porté du fruit. Nous pouvons aussi nous
soutenir qu’il n’appartient pas nécessairement au HCDH de dire le
dernier mot sur la nature des crimes commis sur notre sol. Des crimes
imprescriptibles ne s’apparentant pas à première vue au génocide peuvent
y être assimilés par les cours et tribunaux.

Et
puis, est-il nécessaire qu’un crime imprescriptible soit qualifié
d’acte de génocide pour que ses auteurs soient poursuivis en justice ?
Non.

Qui
sait ? Ban Ki-moon peut avoir négocié avec Kagame et cédé à son
chantage pour conserver, tant soit peu, de la crédibilité à la mission
de l’ONU au Darfour.

Comment
pouvait-il avaliser un rapport qualifiant les ex-miliciens du FPR
engagés dans cette mission de génocidaires ? Mais il ne pourra pas
effacer ce mot du pré-rapport.

 

Tout
cela étant, l’amendement de ce rapport confirmerait un secret de
polichinelle : l’ONU est un organe politique ; elle prend des décisions
politiques et caresse ses bailleurs de fond, parrains de Paul Kagame,
dans le sens de leurs poils.

 

Car, derrière Paul Kagame, ce sont les USA de Bill Clinton et de Bush soutenus pat leurs alliés Britanniques (dont Tony Blair) qui ont agressé le Congo. Notre
incapacité de nous souvenir nous conduit souvent à nous limiter aux
épiphénomènes : prendre quelques nègres de service pour des acteurs
majeurs de la tragédie connue dans les Grands Lacs. L’entretien de cette
incapacité de nous souvenir serait une arme dont certains d’entre nous
se serviraient pour prendre le relais desdits nègres de service. Ils
chercheraient auprès des mêmes acteurs majeurs de la mort des nôtres le
déshabillement des Sts Pierre et l’habillement des Sts
Paul.

 

Il
y aurait, dans cette façon d’agir, un refus réel ou supposé de nous
assumer comme acteurs-créateurs de notre propre histoire ; il y aurait
là une attente inutile : que les initiateurs de la guerre de basse
intensité menée chez nous depuis les années 90 travaillent au
renversement des rapports de force ; qu’ils deviennent favorables aux
autres nègres de service, aux nouveaux nègres de service. Il nous semble
que là se trouve notre véritable fragilité. Après la publication du
rapport du HCDH, nous avons oublié, pour un temps (ou pour toujours !),
que la guerre menée contre notre pays par le réseau de partisans du
capitalisme sauvage participe des « guerres secrètes de la politique et
de la justice
internationales ». (Pour rappel lire F. HARTMANN, Paix et châtiment. Les guerres secrètes de la politique et de la justice internationales, Paris, Flammarion, 2007, C. DEL PONTE, La traque, les criminels de guerre et moi, Ed. Héloïsse d’Omerssson, 2009 et B. BADIE, La fin du monde unique. 50 idées pour comprendre l’état du monde en 2011, Paris, La découverte, 2010.)

 

Il n’est pas exclu que les hommes et les femmes de bonne volonté, à travers le monde entier, soient disposés à nous aider pour renverser la vapeur. Mais, il semble qu’il soit d’abord et avant tout indispensable que nous ayons, nous-mêmes, une maîtrise suffisante des affaires du monde.

Comprendre
par exemple que les USA et leurs alliés voulant redessiner la carte
l’Afrique Centrale et avoir accès à nos matières premières stratégiques
après la chute du mûr de Berlin ont organisé une guerre de basse
intensité contre nous. Ce faisant, ils ont aussi voulu débarrasser
l’Afrique centrale de toute influence française. Comprendre cela nous
aiderait à définir et à penser nos orientations géopolitiques et
géostratégiques en sachant, que dans l’un des récents rapports de la CIA
sur l’état du monde en 2025, l’Afrique, dans son ensemble, est
considérée purement et simplement comme un réservoir de matières
premières. Elle ne compte pas comme actrice
historique.

 

Mettre
à la place d’une quête patiente de la compréhension de l’état actuel du
monde une foi naïve dans des institutions financées et dominées par
ceux dont la rhétorique sur un monde multipolaire est démentie par des
actions marquées par le repli identitaire et la pensée unique, c’est
courir derrière le vent.

C’est
vrai. Plusieurs d’entre nous portent en eux un noble souhait : voir la
situation de notre pays se normaliser. Le plus tôt serait le mieux. Pour
cela, ils font feu de tout bois.

 

Mais
tant que les institutions supposées être au-dessus de la mêlée seront
aux services des « petites mains du capital », il nous faudra cultiver
d’autres façons de nous battre ; surtout celles de la résistance.
Malheureusement (ou heureusement !), celles-ci, parce qu’elles
s’inscrivent dans la logique de la résistance, prennent du temps. Elles
sont aux antipodes du courtermisme. Pour ceux et celles qui les y
souscrivent, la question majeure n’est pas de choisir entre la logique
de l’impuissance et du renoncement. Non. Elle est tout simplement de
développer la culture de la résistance. Oui. « Face à la logique de
l’impuissance et du renoncement, il est nécessaire de
développer la culture de la résistance qui s’est exprimée avec les
premiers mouvements de résistance à la colonisation (…) et qui s’est
développée avec le temps au cours des luttes. Cette culture de la
résistance nous enseigne le refus de la renonciation et de la
capitulation devant l’oppression malgré l’inégalité des forces en
présence. C’est une école du courage, de persévérance et d’abnégation.
Face à l’idéologie consumériste qui transforme le monde en marchandise,
elle nous apprend que la dignité et la liberté des peuples ne se
monnayent pas. La culture de la résistance porte en elle une formidable
leçon de vie face à la mort et à l’oppression. »

 

Inscrits
dans la logique de la résistance, nous apprendrons à perdre des
batailles sans renoncer à « la guerre ». Dans ce contexte, s’il arrive
que la version finale du rapport du HCDH manque le mot « génocide »,
cela ne découragerait pas les nôtres décidés à se battre sur ce front à
poursuivre leur lutte ; en hommes et femmes avertis. Ils travailleraient
par exemple en réseau avec Espagnols dont certains juges sont très
avancés dans le traitement du dossier des crimes perpétrés chez nous par
le FPR. L’un d’entre eux serait aux trousses de Bill Clinton.

 

Du
reste, notre pays est au cœur des enjeux mondiaux qu’il nous faut
connaître et analyser sans complaisance. Un leadership collectif,
responsable et décidé à travailler assidûment sur la question du
changement des rapports de force est indispensable au
Congo de demain. Un leadership prioritairement Congolais et non pro-x ou
pro-y. Un leadership rompant avec « la négritude de service » pour un
Congo d’acteurs-créateurs de leur propre histoire ; sachant que « les
petites mains du capitalisme sauvage » sont cyniques et ne font pas de
cadeau. Ils instrumentalisent « les petites mains médiatiques », les
intellectuels et autres universitaires pour « manger »
les cœurs et les esprits (faibles) en les convaincant qu’il n’y a pas
d’alternative à leur « sauvagerie ».

 

J.-P. Mbelu

 

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