Sur les 5 chantiers, par Flory Niamwaga

 

Nous sommes en face d’un cas d’espèce où les animateurs de la
chose publique donnent l’impression de vouloir faire la récupération d’une
action publique pour en constituer l’ossature d’une propagande électoraliste.
Réduire le concept « cinq chantiers » à une simple action de propagande
politique serait donner un coup politique fatal à son initiateur, Son Excellence
Monsieur le Président de la République. Nous souhaiterions porter à l’attention
de l’équipe de communication sur les « Cinq Chantiers de la République », les
quelques remarques ci-dessous, que nous voudrions bien voir faire l’objet d’un
débat. En effet, ces personnes, qui ont un rôle clé dans le a consolidation du
pouvoir du Chef de l’Etat, ne doivent pas dévier de leur mission en adoptant une
ligne communicationnelle contre-productive, comme ils sont en train de le faire
maintenant. En effet, étant confondus avec la masse populaire, nous suivons au
quotidien les commentaires qui sont faits autour de la campagne de
communication, et nous souhaiterions en relever ici quelques éléments, qui sont
indicateurs de l’impact négatif de cette campagne sur l’image même du Chef de
l’Etat.

1. « Biloko wana
baz’otonga, est-ce que eza mpo na biso » ? Ce commentaire est fait chaque fois
qu’on présente un projet d’immeuble ou d’hôpital (spécifiquement le projet de
l’hôpital du Cinquantenaire). En effet, le peuple sait qu’il n’aura jamais les
moyens de payer le loyer dans tous ces nouveaux immeubles qui sont en train
d’être érigés dans la capitale et dans certaines autres villes, ni de couvrir
les frais de soins dans ce nouvel hôpital en cours de construction. Il prend en
référence l’hôpital chinois et l’hôpital Mutombo qui ont été construits dans des
quartiers populaires et présentés comme des projets sociaux : ils disent que
quelqu’un qui n’a pas 30 dollars au minimum ne peut pas se hasarder à franchir
la porte de ces institutions. Conclusion, « baz’otonga po na bango moko ». Tout
en reconnaissant la nécessité d’améliorer la qualité et la capacité d’accueil
des infrastructures sanitaires, il sied de mentionner qu’il est tout aussi
essentiel d’étudier et de rendre effective des stratégies permettant à la
population d’accéder aux coûts des prestations et des fournitures offerts dans
ces infrastructures de santé en construction ou en rénovation. Ces projets
n’atteindront leurs objectifs sociaux que s’ils sont couplés avec un programme
de facilitation de l’accès populaire aux services de santé de qualité. Si tel
n’est pas le cas, les Congolais (fonctionnaires de l’Etat en haut de la liste)
continueront à mourir dans des structures de santé de fortune érigés dans tous
les coins d’avenues, ou bien à crever comme des chiens dans la cour de ces
nouvelles infrastructures, auxquels ils ne seront pas admis puisque non munis du
sésame sous forme de porte-monnaie consistant. On a vu des cas, et on continuera
à en voir jusqu’à ce que des politiques réalistes d’accès aux soins de qualité
(surtout dans ces nouvelles infrastructures pimpant neufs) soient définies et
mises en œuvre. Quant aux projets de grandes constructions entreprises
(immeubles au bout du boulevard, cité du fleuve, d’autres immeubles neufs sur
plusieurs avenues de la Commune de Gombe et dans la périphérie ainsi que les
grands hôtels à peine achevés ou en cours de construction), au vu des taux de
loyer mensuel, des prix de vente au mètre carré ou de logement journalier, on se
demande réellement à qui ces projets sont destinés, connaissant le niveau de
revenu du fonctionnaire congolais, qu’il soit dans le secteur public ou privé.
Veut-on implanter à Kinshasa une zone d’exclusion des congolais ? « Bazo tonga
po na bango moko », comme commentent toutes les personnes que nous interrogeons
sur ces choses.

2. « Ba balabala ya dix
bandes nde tokoloya » ? Allons-nous manger des boulevards à dix bandes ?,
commentent tous ceux qui assistent au déploiement impressionnant de moyens pour
élargir le boulevard du 30 Juin ou Lumumba.

3. « Est-ce que baz’otonga
na mbongo na bango ? Eza mbongo na biso. » Est-ce qu’ils financent les travaux
de leurs poches ? Il s’agit de notre argent.

4. « Nyonso wana po bazua
ndenge ya kolia mbongo ya l’Etat » (Tous ces chantiers juste pour trouver les
moyens de bouffer l’argent de l’Etat).

5. Et bien d’autres
commentaires qui vont dans le même sens.

Ce genre de réactions dénote que la communication organisée
autour des cinq chantiers est contre-productive, en ce sens qu’elle n’attteint
pas, dans le peuple, les résultats escomptés, mais suscite une réaction de
désaveu de leur initiateur et du système de leur gouvernance. L’analyse des
réactions du peuple que nous recueillons au quotidien (dans la rue, dans les
taxi bus, dans les débits de boisson, dans les fêtes, dans les milieux
estudiantins, etc.) nous permettent de dégager ce qui suit :

1. Le peuple a pris
conscience que l’action publique est réalisée avec des moyens publics, et qu’il
n’est donc pas question que les animateurs du Gouvernement instrumentalisent les
réalisations qui sont faites dans le cadre de leurs charges ordinaires pour en
faire des acquits politiques pour alimenter leurs campagnes électorales.

2. Le peuple sait que la
réalisation des cinq chantiers ne prend pas en compte les priorités réelles
quant à la résolution des problèmes sociétaux ;

3.  Le peuple n’est pas
convaincu de la transparence dans la gestion de tous ces grands marchés
publics.

Nous ne pouvons perdre de vue que la troisième République a
été construite, non pas sur une promesse de réalisation de miracles, mais juste
sur une promesse de changement du mode de gestion de la chose publique. Et c’est
seulement sur cette base que le peuple a accordé tout son crédit à Kabila Père,
et qu’il n’a pas hésité à le transférer à Kabila Fils. Nous pensons qu’il est
donc urgent que les responsables de la communication sur les cinq chantiers
puissent réorienter celle-ci vers des thèmes plus positifs, afin de démontrer au
peuple qu’effectivement, nous sommes entrés dans un nouveau mode de gestion de
la chose publique. En effet, à quoi sert-il de consommer des millions de dollars
de fonds publiques dans une campagne menée à coups de méga-affiches, de clips
vidéos et audio montés avec des budgets exorbitants et diffusés toutes les
heures sur toutes les chaînes et autres médias à forte audience, de
publi-reportages organisés à grands frais, si le seul résultat qu’on obtient est
de réveiller la méfiance et susciter la critique populaire ? Nous proposons,
pour essayer de corriger cette erreur stratégique fatale pour la famille
politique au pouvoir, le regroupement thématique ci-dessus :

1. La gouvernance des cinq
chantiers : démontrer au peuple que la décision d’affecter des moyens publics,
et d’engager le pays dans l’endettement sur plusieurs générations terme a été
prise dans le but de résoudre des problèmes sociétaux prioritaires ou de créer
des opportunités sociétales importantes, en insistant notamment sur ce qui
suit :

a. Le processus de
consultation qui a permis d’établir la hiérarchie des priorités dans les
problèmes à résoudre et donc de décider de l’ordre d’engagement des fonds
publics dans les différents projets ;

b. La procédure qui a
permis d’élaborer les cahiers de charge ou tout au moins les cahiers de
spécification techniques des différents chantiers publics, cahiers qui ont
permis d’évaluer le coût des travaux à réaliser et d’identifier les montages
financiers pour les prendre en charge, avant de procéder à l’étape de
négociation des contrats ;

2. Les règles et
procédures d’attribution de marchés publics qui ont permis de décider des
attributaires des contrats de fourniture de biens et de services ; en cas
d’application de procédures exceptionnelles, les raisons qui ont justifié
celles-ci. Ceci éteindra les soupçons qui existent que des hauts fonctionnaires
profitent abusivement de ces grands travaux pour se constituer de petites
fortunes individuelles, au détriment de l’intérêt public et sur le dos du
peuple, engageant le pays dans des dettes pour financer leurs
enrichissements personnels ;

3. L’efficience des
travaux en cours de réalisation, notamment :

a. Les mécanismes de
contrôle et de surveillance accompagnant l’exécution de chaque contrat signé
afin de vérifier la conformité des travaux par rapport aux cahiers de charge
ainsi que de procéder à l’audit de la gestion des différents
chantiers ;

b. Les mécanismes de
compensation convenus avec les tiers lésés par l’exécution de certains
projets ;

c. La structure et le
programme de maintenance (y compris les budgets) mise en place pour garantir la
durabilité des infrastructures réalisées ;

Ne pas communiquer sur ces points essentiels laisse libre
cours à toutes les critiques et spéculations et compromet gravement la campagne
2011 pour la famille politique du Chef de l’Etat.

Le peuple a grandi. Il est en train d’assister à la
renaissance d’une nouvelle bourgeoisie politico-administrative, cette classe de
nouveaux riches, politiciens, mandataires ou hauts fonctionnaires, dont le seul
mécanisme d’enrichissement est  d’avoir trouvé une formule douce pour
s’approprier indûment d’une certaine partie de fonds publics qui transitent par
les organes de l’appareil étatique sous leur contrôle.

Il ne faut jamais oublier que si le peuple s’est engagé comme
un seul homme dans la campagne Kabila pour détrôner Mobutu, c’était dans
l’espoir de balayer cette classe d’aventuriers, de malfaiteurs associés, de
bandits de grand chemin et de voyous en cravate qui avaient abusé de l’autorité
publique pour prendre en otage la nation tout entière et s’est approprié de tous
les moyens matériels de l’appareil étatique, clochardisant le peuple travailleur
et anéantissant toute tentative de vivre honnêtement de son travail, obligeant
même les intellectuels au sommet de se prostituer avec eux en concluant des
alliances contre nature, ou de mendier leur pain pour ne pas crever de faim au
bord de la rue comme des chiens sans maître.

Messieurs les communicateurs sur les cinq chantiers,
messieurs les chantres des cinq chantiers, révisez vos compositions et faites de
la communication positive, pour ne pas rater les objectifs assignés à cette
campagne médiatique.

Quant aux remaniements ministériels, il ne s’agit pas de
changer les hommes, mais de changer le style de gouvernance, car les mêmes
animateurs peuvent produire des résultats positifs s’ils évoluent dans un cadre
de gouvernance différent.

Nous remercions sincèrement tous ceux qui réfléchissent sans
passion, sans parti-pris et de manière non partisane sur la question du Congo,
car ce pays est nôtre, et nous tient à cœur. Il ne s’agit pas ici d’une question
d’appartenance politique, mais bien de l’intérêt supérieur de la Nation. Nous
n’aurons jamais une autre nation, quand bien même certains d’entre nous
détiendraient d’autres nationalités. Nous avons donc tout intérêt à contribuer
ensemble à la pleine réalisation de l’immense potentiel naturel de la République
Démocratique du Congo, pour notre bien commun et celui de toute la sous-région.

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