17.12.10 Le Potentiel – Louis Koyagialo : «Lorsqu’il n’y a plus d’amour, mieux vaut se séparer»

Le passage de Vital Kamerhe à l’opposition. Est-ce que ce n’est pas pour vous un coup dur ?

On s’y attendait depuis au moins une année. L’on doit se rendre à l’évidence que lorsqu’il n’y a plus d’amour, mieux vaut se séparer. Kamerhe l’a fait et nous prenons acte qu’il n’est plus avec nous. Du reste, M. Kamerhe était important dans la machine, il a joué son rôle. Mais, il a travaillé en équipe. Il est parti, l’équipe est encore là, on s’organise pour qu’on reprenne le flambeau. Je crois que personne n’est irremplaçable.

L’une des grandes critiques de Vital Kamerhe et de l’opposition, ce sont les atteintes aux droits de l’Homme et notamment le meurtre, il y a six mois dans les locaux de la police congolaise, de Floribert Chebeya. Est-ce que cette affaire ne risque pas de nuire gravement à l’image du régime ?

C’est un drame que nous avons tous condamné et que nous continuons de condamner. Ce qui serait scandaleux aurait été peut-être de laisser cette affaire là-bas comme un fait banal. Mais aujourd’hui, la justice s’en occupe. Et tant que la justice s’en occupe, il faut attendre le verdict.

Alors, c’est vrai qu’il y a 8 policiers qui sont jugés aujourd’hui par une Cour militaire. Mais, pour l’opinion, ce ne sont que des lampistes. Pourquoi le chef de la police congolaise, le général John Numbi, n’est pas lui aussi sur le banc des accusés ?

Les Congolais sont vigilants. Eh bien, lorsque la justice aura découvert que le général Numbi est impliqué, la justice prendra les dispositions qu’il faut pour appliquer la loi. On ne peut comme ça, sur base de la criée des Congolais et la clameur de l’opinion nationale et internationale, impliquer quelqu’un dans un procès. Il faut un travail de professionnel. C’est ce qui se fait aujourd’hui.

Le général Numbi ne peut être jugé que devant une Haute cour. Or, le ministère public s’oppose au renvoi de ce procès devant la Haute cour. Est-ce que le général John Numbi n’est pas protégé ?

Il n’y a pas une protection du tout ! S’il y avait une protection, on n’aurait pas pris la mesure de sa suspension. Mais, notez qu’on est qu’au début du procès. Je crois qu’il y a seulement deux audiences. Et il faut que la justice poursuive son cours normalement, sans pression de qui que ce soit. Qu’on laisse la justice faire son travail en toute indépendance et attendons le verdict.

Autre grande critique de l’opposition, l’économie. Les promesses du candidat Joseph Kabila ne sont pas tenues, disent-ils. Les Congolais sont toujours aussi pauvres qu’il y a quatre ans ?

Il n’y a aucun pays au monde qui échappe à la crise économique aujourd’hui. Je suis heureux de parler avec quelqu’un qui en sait quelque chose, car vivant dans un pays qui n’en est pas épargné. Même les USA ont vu les fleurons de leur économie tomber au plus bas ! Ceux qui parlent ainsi de mon pays sont des démagogues. Les Congolais en ont marre des discours. Il faut passer aux actes.

Alors, ce dont les Congolais ont marre aussi, c’est la corruption. L’opposition dit qu’à l’Assemblée nationale, un détournement de plusieurs centaines de millions de dollars a été mis à jour. Et que rien n’a été fait pour récupérer l’argent et punir les coupables …

Eh bien, l’Assemblée nationale a fait le constat, et tous ceux qui sont impliqués de près ou de loin, je vous le dis ici en connaissance de cause, seront traduits devant la justice. Et la justice fera son travail en toute indépendance.

Alors dans l’opposition, il y a Vital Kamerhe, mais il y a aussi Etienne Tshisekedi, l’opposant historique, qui vient de faire un retour en force à Kinshasa, qui vient de tenir un congrès et qui sera candidat l’an prochain. La force électorale de Tshisekedi, est-ce que vous prenez ça au sérieux ?

Nous disons que « autres temps autres mœurs ». En 1990, nous savons ce qu’il valait. Mais, je crois que 20 ans après, c’est quand même autre chose. C’est une icône de notre pays, mais je crois que les générations ont quand même beaucoup évolué, et qu’il faut être modeste. Quand notre grand frère Tshisekedi faisait la pluie et le beau temps, plusieurs électeurs de 2011 n’étaient pas encore en vie, d’autres n’avaient que 1 ou 2 ans.

Donc pour vous, Tshisekedi, c’est un homme du passé ?

Je ne le dis pas. Je dis qu’on comptera avec lui, mais je ne pense pas que ça soit la même chose comme c’était le cas en 1990.

En 2006, on l’a vu, le candidat Joseph Kabila a fait de beaux scores à l’Est, mais de mauvais scores à l’Ouest. Comment comptez-vous remédier à ce problème ?

Nous y travaillons et je crois que ça relève de la stratégie électorale. Et nous ne pouvons pas aujourd’hui le dire. Ce n’est qu’à l’issue des épreuves électorales que je vous dirai ce que nous avons mis en œuvre pour pouvoir reconquérir l’Ouest, et particulièrement ma province qui est la province de l’Equateur.

Louis Koyagialo, on prête l’intention au pouvoir de supprimer le second tour de la prochaine présidentielle par une révision de la loi électorale. C’est vrai ou c’est faux ?

C’est une mauvaise rumeur que les gens de mauvaise foi font circuler. Nous ne l’avons pas dans notre agenda. Nous connaissons les dispositions constitutionnelles que nous voulons proposer à la révisitation. Ça n’a rien à voir avec le premier et le deuxième tour des présidentielles.

Donc, il y aura deux tours à la prochaine présidentielle ?

Bien sûr. Dans la famille politique du chef de l’Etat, nous n’y pensons pas. Et nous n’avons jamais inscrit ça dans notre agenda.

Et un second tour Joseph Kabila se retrouve face à un opposant représentant tous les courants : Tshisekedi, Bemba, Kamerhe. Vous pensez qu’il a une chance de gagner ?

Nous avions eu autant en 2006. Nous avions eu 33 candidats. Eh bien, Kabila a été classé premier sur les 33. Je crois que tout ce que nous pouvons compter come opposants mis ensemble, ça ne nous fait nullement peur, parce que nous avons cette expérience-là.

Mais oui, quand on est président sortant, on a un bilan et, quelquefois, c’est un handicap non ?

Bien sûr que oui. Mais, je crois que le bilan n’est pas si médiocre que vous pensez. Ce qui se fait est vu par les Congolais mais, ceux qui parlent, ils n’ont jamais montré un bilan. Qu’est-ce qu’ils peuvent présenter comme un tout petit bilan pour justifier leur prétention, leur ambition somme toute légitime ? Mais, pas de discours s’il vous plaît. Nous voulons maintenant parler avec des actes, avec des œuvres.

A.M.

© Le Potentiel, 17.12.10

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