2011 : Année électorale ou transitionnelle ? Par Eugène Bakama Bope.
1 .Premier
cas de figure
En ce
qui concerne le premier casus, nous pensons que même si les élections seront
effectives en 2011, elles ressembleront à une fiction, un simple besoin de
respecter le calendrier sans la moindre volonté ni de transparence, ni de
cohérence mais une formalité servant à garantir la pérennité et la légitimité
essentiellement de droit dun Etat aux abois en marge des droits de lhomme et
incapable de relever les quelques défis primordiaux susceptibles daméliorer le
vécu des congolais.
1. A.Questions essentielles
Nous
étayons nos propos sur base des faits observés, notamment la publication du
calendrier électoral qui soulève plusieurs questions entre autres :
Comment expliquer le retard de la mise en place de la CENI prévue depuis
2007 ? Quels sont les organes qui peuvent être déclarés comme responsables
de ce retard ? Si la responsabilité de ces organes est établie, quelles
seraient alors les motivations de ce retard qui persiste ? En ce qui
concerne les élections proprement dites, peut-on certifier aux contribuables
que le budget est conséquent pour garantir lindépendance et la
souveraineté du processus ? Pourquoi inverse-t-on délibérément lordre de ces
élections ?
Il y a
lieu de noter par ailleurs la décision du chef de lEtat et sa majorité de nommer la petite
territoriale qui est lautorité la plus proche de la base, comment dans ce cas
lon peut garantir des élections juste si lautorité la plus proche de la base
sur toute létendue nationale doit sa
nomination au candidat sortant ?
Ainsi,
conformément à la constitution, le mandat des élus arrive à terme aux périodes
ci- après :
Président de la République
: 6 décembre 2011
Députés Nationaux : 3 octobre 2011
Sénateurs : 12 février 2012
Députés
Provinciaux : décembre 2011 et janvier 2012
Gouverneurs de province : février et mars 2012
Selon les informations que nous avons recueillis au niveau de la CEI, Le calendrier, ne
respecte pas le délai de 90 jours parce que le mandat des élus nationaux et
provinciaux est prolongé de manière tacite en dehors de celui du chef de lEtat
qui expire le 6 décembre 2011. Et le premier tour de la présidentielle est finalement convoqué
le 27 novembre c'est-à-dire à quelques
jours de lexpiration du mandat présidentiel au lieu de 90 jours avant
lexpiration. Lon observe donc une situation consciemment mal gérée et qui
aura des conséquences notoires sur le déroulement de ces élections
1. B. Opposition
contre « Etat »
Comme
un peu partout en Afrique, les élections ressemblent sans caricature à un match
opposant lEtat contre lopposition. En
réalité, les candidats sortants disposent des moyens de lEtat avec lesquels
ils battent campagne et soutiennent leur famille politique, de lautre coté,
les opposants sont obligés de battre campagne avec des moyens de base ou de
laide extérieur. Dans cette logique, comment un individu peut-il battre un
Etat aux élections ? Le problème se pose avec acuité dans notre pays vue
létendue territoriale et les budgets à allouer à une campagne du type
« présidentiel » qui peuvent tourner autour de quelques millions de
dollars. Il nest donc pas normal que la majorité à lassemblée naie pas fait
avancer le dossier sur cette loi à la veille des élections, comme si le
problème de financement des partis politiques dépendait essentiellement de la
volonté dune frange de la classe politique acquise au pouvoir, alors que cette
une question qui devrait fondamentalement être au dessus de tous les clivage
pour garantir un Etat dit « démocratique » et des élections justes. (
désorganisation de lopposition).
1.C Opposition passive et piégée.
En vue
daborder avec succès les prochaines échéances électorales, lopposition devra
faire une évaluation de ces élections autrement dit évaluer toutes les phases du processus
électoral : textes légaux (la loi sur la CENI, son règlement intérieur, la loi électorale,
le système électoral, la logistique, la politique denrôlement des électeurs, le
déroulement du vote, le dépouillement et la centralisation des résultats, le
contentieux électoral etc.
La
route vers la victoire électorale nécessite une maitrise et un contrôle du
processus électoral. Les élections ne se gagnent pas le jour du vote mais on
les gagne à chaque phase du processus électoral dont le vote nest que le point
culminant.
Lopposition
congolaise devra sortir de sa passivité en jouant un rôle beaucoup plus
actif. La situation actuelle laisser à
désirer. Pour preuve, il y a eu récemment,
la mise sur pied lors de la réunion inter institutionnelle du 11 novembre 2010, dune structure chargée de
renforcer les mécanismes actuels du suivi du processus électoral. Elle
pourrait faire un ombrage à la CENI. Autres exemples, la loi sur la CENI qui a été voté et adopté
par le législateur et celle qui a été promulgué par la présidence comporte
quelques différences sur certains articles.(article 11 sur la désignation des
membres de la CENI
). Aucune réaction de lopposition congolaise. De même, il se pose un problème des partages de responsabilités au sein de la CENI.
2.
Deuxième cas figure
La
deuxième hypothèse nest pas moins sûre que la première en raison dune part,
de lincapacité du gouvernement à financer les élections et dautre part, en
raison du retard constaté sur lensemble du processus en commençant par la
révision du fichier électoral. Ce qui est essentiel est de savoir comment
réagirait lopposition dans ce cas de figure ? Va-t-elle accepter loffre
dun gouvernement de large union nationale de transition ? Va-t-elle
décliner cette offre ? Va-t-elle se diviser autour de cette offre ?
(crise de légitimité ?)
De
manière empirique, nous pensons que lopposition ne sera pas en mesure de
décliner pareille offre comme du reste par le passé. Le plus compliqué sera à
notre avis lintégration ou non de lopposition non institutionnelle. Or, avec la CENI lon a observé un
acharnement autour de la légitimité dune démarche dinclusion de lUDPS ce qui
présagerait à des difficultés dorganisation de lopposition dans ce cas de
figure.
Si un
tel gouvernement est constitué, nous savons quil fera un minimum dune année
ou deux de transition ce qui portera le chef de lEtat actuel à 13 ans de
mandat avec deux transitions, dans lhypothèse dune réélection, Joseph Kabila
aura fait 18 ans au pouvoir ce qui est une aberration dans un Etat dit
démocratique et qui semble avoir une classe politique élitiste.
Les
acteurs
Sagissant des acteurs des ces élections, il faudrait signaler le retour sur la scène
politique dun opposant de taille, en la personne dEtienne Tshisekedi qui a été longtemps malade et qui aujourdhui
annonce sa candidature aux prochaines élections présidentielles. Rappelons, que
lUDPS avait refusé en 2006 de participer aux élections pour plusieurs raisons.
Certains se demandent, si ces raisons ne
sont plus de mise pour justifier le retour de lUDPS ? dautres, par
contre, estiment quil ny a rien qui doit expliquer la participation de lUDPS
maintenant car les gens nont toujours pas compris la non participation en
2006.
Une chose est vraie, ce retour sur la scène
politique dEtienne Tshisekedi intervient au moment où le Congo fait face à un
déficit démocratique et cela peut réveiller une opposition affaiblie et
désorganisée. Dautres par contre,
doutent de sa capacité de mobilisation avec un parti en morceau (sans cohésion)
et son état de santé fragile.
Le MLC
souffre encore du départ sur la scène politique de Jean Pierre Bemba après les
violences de mars 2007 (aujourdhui détenu à la CPI) et son Secrétaire général, François Mwamba,
na jamais pu incarner le leadership de lopposition (institutionnelle). Malgré
sa détention, Jean Pierre Bemba reste toujours président du MLC et la question
quon se pose est celle de savoir sil pourrait bénéficier de la mise en
liberté provisoire pour participer aux élections dans son pays comme se fut le
cas de Milosevic, de Seselj et de Haradinaj au TPIY ?
Bemba ne peut pas être interdit dêtre candidat à
la présidentielle, même depuis sa cellule. Il est présumé innocent. Le
précédent auquel il faut se référer, cest Milosevic et Seselj ( au TPIY). Les
deux ont été présentés comme candidats par leurs partis respectifs, (Seselj est
même parvenu à faire campagne depuis sa cellule, mais il a été de nombreuses
fois punis car ce nétait pas autorisé).
Haradinaj avait été mis en libération (avant son
procès) il avait été autorisé à faire campagne en faveur de lindépendance du
Kosovo. Ceci dit, il avait de très nombreux et très puissant soutiens (essentiellement
américains). Ce que Bemba na pas.
Dans le cas de Bemba, il faudrait dabord quil
sorte de prison. Et cest loin dêtre gagné. Jusquici, la question dun Etat
pour laccueillir se pose toujours. Il faudrait pour quil aille en RDC que le pouvoir
en place donne des garanties à la
CPI selon les quelles il reviendra pour son procès. Ce que Kabila ne fera pas. Par ailleurs, pour quil soit mis
en libération, il faut quil soit en attente de son procès. Or normalement, il
devrait commencer cet automne. Aucun procès ne peut se tenir sans la présence
de laccusé.
Le Palu, membre de la majorité au pouvoir, a perdu
son unité après la mise à lécart du ministre Mayobo. Le doute persiste au
sujet de la candidature dAntoine Gizenga( Yandi Mosi) aux élections
présidentielles. LUrec (union pour la reconstruction du Congo) dOscar Kashala
à un potentiel mais souffre de labsence prolongée de son leader au pays.
Au sein de lalliance de la majorité
Présidentielle, la priorité absolue pour le régime est sa réélection en 2011.
Cependant, le régime est conscient de sa propre impopularité, même dans les
provinces qui lont porté au pouvoir. Mais face à une opposition désorganisée
et affaiblie, le régime espère rester au pouvoir. Cest pourquoi, le
régime sattèle à une accélération dans
la mise en œuvre des contrats chinois et autres travaux pour contrecarrer son
impopularité et les critiques sur les fameux « cinq chantiers ».
Depuis quatre ans, il ny a que des poses de première pierre. Beaucoup de
chantiers lancés et rien ou presque de concret mise à part quelques
réalisations à Kinshasa. La visite
récente du Président à lEst sinscrivait dans la reconquête de lEst. Elu sur la promesse de ramener la paix, le
président doit admettre que le contrat nest pas rempli. Avec ses viols en
série, son million et demi de déplacés et son insécurité chronique, la région
est loin dêtre pacifiée. Et pour beaucoup dobservateurs, le Président Kabila
aura du mal à refaire le score de 2006. La popularité du président est en
baisse à lEst. Quant à Vital Kamehre, il na pas encore affiché une position
claire pour 2011 et continue à siéger au parlement sous étiquette du PPRD
(parti au pouvoir). Mais daprès une source proche de lui, il va bientôt
démissionner et donc libérer le mandat PPRD.
CONCLUSION
Lenjeu majeur des prochaines élections est de
faire face à un déficit démocratique grandissant et de permettre au pays
daméliorer la situation sociale et économique de ses habitants.
De tout ce qui précède, on doit dire que 2011 est une année électorale
avec des fortes chances que les élections se passeront en 2012. Il peut y avoir
des milliers de raisons mais déjà à cause de la logistique, ce nest pas possible
d organiser les élections en 2011.
Le calendrier électoral publié prévoyait le début
des opérations denrôlement dans les provinces (des 2 Kivu, des Kasaï, Katanga,
Bandundu, Maniema, Province Orientale) et cela pendant 3 mois. A ce jour, seule la province du Maniema a
commencée, Pour le reste des provinces, lopération ne sera possible qu à
partir de janvier 2011. Ce qui repousse automatiquement la phase électorale. Il
est donc difficile voir impossible
denvisager la tenue des élections transparentes et crédibles en 2011.
Paradoxalement, cela fera le bonheur de certains
élus de la majorité et même de lopposition dite institutionnelles.
La conséquence logique serait une crise de
légitimité et politique qui ne serait pas ingérable (comme on la fait après 1er
juillet 2005.) mais les problèmes ne vont pas attendre la crise de légitimité.
LEtat na pas la possibilité de contrôler tout le territoire. Là où il ya aura
le moindre trouble, ca pourrait prendre des dimensions gigantesques, on a vu
avec le Bundu dia Kongo(BDK), on a vu avec Enyele, ca peut être aussi le cas
avec le CNDP qui constitue toujours un
grand problème pour le pouvoir en place.
Entre temps, le peuple continue de souffrir dans la misère
totale.
Eugène Bakama Bope.
Président du club des amis du droit du congo,
Consultant IWPR