22.12.10 Le Potentiel : Cinq questions à Ngoyi Marcel (*)
1. Dernier du genre pour cette législature, le discours du président Kabila séloigne de plus en plus dans lopinion. En résumé, quel éclairage en faites-vous ?
Japprécie le courage, la détermination et lambition du président. Faire létat de la nation procède de la volonté du constituant den dresser le bilan, den indiquer les difficultés, tout en faisant des projections sur lavenir.
En suivant le chef de lEtat le 8 décembre, il y a eu certes un condensé de ce qui est en train de se faire alors quil y a eu plus de nouveaux projets pour les années à venir. Ce qui a laissé un goût dinachevé. On souhaite que, pour la prochaine fois, quand le président de la République parle quil présente exactement à la nation ce quil a fait dautant plus quil y a eu des budgets votés et qui devraient certainement être exécutés. Dans tous les cas, il devra en être le principal comptable en tant que président de la République.
Jai noté également quaucun mot na été consacré à la problématique de la décentralisation.
Les populations congolaises sattendaient à un peu plus de précision à ce sujet. Globalement, le discours du chef de lEtat a été plus tourné vers lavenir alors quen réalité, on aurait voulu quil soit un peu plus précis sur ses réalisations.
2. Effervescence, agitation, le microcosme politique bouge. A quoi doit-on donc sen tenir ?
Deux ou trois mots…Je salue le retour de Tshisekedi et je glorifie lEternel quil soit revenu en bonne santé. Sa présence sur la scène politique, comme celle de la plupart des leaders politiques congolais évoluant à létranger, est un atout pour laccélération de la démocratie en RDC.
Organiser un congrès, se faire désigner candidat président de la République est une chose. Mais, gagner le pari de la recomposition de son propre parti, gagner le pari de ce quil est convenu dappeler leadership de lOpposition en est une autre. Au moment où je vous parle, jai une déclaration émanant de ce quon appelle Collège des fondateurs de lUDPS. Déclaration dans laquelle Tshisekedi est accusé de tous les péchés dIsraël. Cela montre bien quil y a un problème. Jespère que la sagesse aidant, Tshisekedi pourra sen tirer daffaires.
A lAMP, il était temps que Vital Kamerhe ait décidé enfin de se prononcer sur ses vraies ambitions. Quitter le PPRD, se défaire de son mandat de député national, ce sont des actes significatifs en politique. Des actes dont je mesure la gravité autant que je mesure la justesse du nouveau combat à mener.
Un opposant, en la personne de Clément Kanku, na-t-il pas dit quil noffrait aucun chèque en blanc à Vital Kamerhe. Il voulait dire par là que cest bien de rejoindre lopposition, mais cest mieux de vivre lopposition. Dans tous les cas, lopposition ne se décrète pas, ça se vit.
Lambition, si légitime soit-elle de Vital Kamerhe, sinscrit dans la logique de la liberté reconnue à chaque citoyen de contribuer à lémergence de la démocratie, à léclatement de la vérité.
Ce qui est important maintenant est de comprendre que, de part et dautre, les choses bougent. A la majorité comme à lopposition. Lentement et sûrement, on retrouve la bipolarisation de la vie politique quand bien même lOpposition aura encore du travail pour saffirmer derrière un leadership unique.
3. Les prochaines échéances électorales, on en parle désormais en termes de quelques mois pendant que, dans lopinion, on sattend également à des élections apaisées. Dans tous les cas, pas comme ce qui se passe aujourdhui en Côte dIvoire. Votre analyse ?
Je pense plutôt que la question aurait dû être celle de savoir si, en 2011, les élections sont organisées, le pays gardera la paix ou sa paix. Une question simple mais à laquelle la réponse nest pas facile. Pour quil y ait la paix après les élections, il faudra quil y ait des garanties de transparence. Il faudra quil y ait limplication de toutes les parties dans la gestion du processus électoral. Or, à ce stade, la CENI nest toujours pas encore installée. Les discussions autour de cette CENI sont dans limpasse. Le processus de révision du fichier électoral bat de laile. Labbé Malu Malu serait à court dargent pour pouvoir poursuivre le processus de révision du fichier électoral. Cest ce qui la déterminé à réduire sensiblement le nombre des centres dinscription. 500 centres ont été supprimés.
Le calendrier des élections tel que présenté par la CEI énerve plus quil ne rassure. Cest un calendrier qui planifie les opérations électorales au-delà de 2011. Le calendrier pose lui aussi problème. Le budget alloué aux élections est faible. Doù lappel que je lance à tous les partenaires du Congo, à tous les amis de la RDC, de se réunir maintenant, de ne pas attendre quand il y aura des ratés en 2011 pour venir éteindre le feu.
4. Le décor rassure-t-il ?
A mon avis, le décor qui est planté, risque de créer beaucoup de problèmes en 2011. Rien ne rassure. LUnion européenne, dans une décision rendue publique la semaine passée, a accepté denvoyer des observateurs électoraux, mais elle invite en même temps les autorités congolaises à assumer leur part dengagement et à assurer des chances égales à tout le monde.
Lorsque vous lisez entre les lignes, vous constatez que les inquiétudes que je développe sont également partagées par lessentiel du communiqué publié par lUE.
5. Votre conclusion…
Pour moi, il nest pas trop tard. Tout simplement que le gouvernement sassume devant la nation congolaise et que tous les acteurs prennent conscience de leurs responsabilités citoyennes. Le décor qui est planté nest pas bon.
(*) Editeur du quotidien La Prospérité, journaliste
© Le Potentiel, 22.12.10