Un curieux marché des changes au Congo-Kinshasa

Une cambiste à Kinshasa.

L’émission du Franc congolais, en 1998, est caractérisée par une
économie essentiellement constituée de l’héritage des mauvais choix
politiques ayant rendu le pays complètement dépendant des importations
et qui ont favorisé des dévaluations successives des différentes
monnaies émises dans le pays depuis 1960.

Selon la Banque Centrale du Congo (2007) dans sa publication La Banque
Centrale du Congo, une rétrospective historique, à l’émission du Zaïre
(Z) (1967), la parité était fixée à 1 Z pour 2 $ alors que les
exportations entraient dans une longue phase descendante (1967-1977)
relativement aux importations, montrant une insoutenabilité de cette
parité qui a été révélée en 1993 avec 1 Z pour 0,00000011 $US après une
longue succession des dévaluations. C’est le même scénario pour le
Nouveau Zaïre (NZ) et le FC. A l’émission du NZ (1993), 1 NZ valait 0,33
$US alors qu’en 1998 déjà, il perdait la totalité de sa valeur
d’émission, le pays traversant une période de pillage et
d’hyperinflation qui a complètement détruit l’outil de production ; et
aujourd’hui, le FC vaut presque 100 % moins que sa valeur d’origine. A
l’émission en 1998, 1 FC valait 0,71 $US alors qu’en décembre 2010,
cette valeur était descendue à 0,0011 $US à cause, à la fois, de la
dépréciation externe générant une « inflation importée » sur les
produits d’importation, et de l’inflation monétaire interne.

Or le fait est qu’en économie inflationniste, il arrive un seuil auquel
il n’y a plus aucun bien échangeable contre un billet d’une valeur
faciale donnée qui est faible : ce billet disparait de la circulation.
Une situation que connait la RDC où, à ce jour, tous les billets à
valeur faciale inférieure à 50 ont disparu de la circulation, et les
billets de 50 et de 100 FC, dont l’offre est insuffisante, se raréfient,
posant des problèmes dans les transactions des commerçants détaillants.

Cette raréfaction a occasionné le phénomène monétaire maintenant observé
dans la ville de Kinshasa : le marché de change informel où le FC est
échangé contre lui-même, un phénomène non prévu par la théorie
économique.

Ce phénomène coïncide avec la campagne de la Banque Centrale du Congo
(BCC) pour une bonne manipulation des billets de banque qui consiste
aussi à échanger les nouveaux billets émis spécialement pour cette
campagne, contre les anciens usés, mais à même valeur faciale. Il y a
donc en stock, à la BCC, notamment une bonne partie des billets de 50 et
de 100 FC émis.

Une autre enquête menée en fin janvier 2011 nous a révélé que ces
nouveaux cambistes travaillent avec les agents de la BCC qui leur
fournissent régulièrement et préférentiellement les billets nouvellement
émis moyennant un paiement.

Conséquences

En partant de la loi de l’offre et de la demande, les conséquences
économiques de ce phénomène sont simplement déduites. « Toutes choses
restant égales par ailleurs, la quantité demandée augmente quand le prix
baisse et vice versa ». En d’autres termes, cette loi stipule que
lorsque la demande excède l’offre, il y a rareté relative, ce qui
entraîne une hausse du prix.

En effet, il est de l’intérêt de ces nouveaux cambistes que les petites
coupures soient de plus en plus rares, ce qui garantirait l’augmentation
du taux de change. La rareté étant déjà observée, et avec les ménages
et les petits commerçants ne pouvant pas, pour la plupart, payer le prix
de la file d’attente en banque pour obtenir ces billets, il suffirait
alors que les cambistes s’approvisionnent constamment à la BCC pour
maintenir la rareté, et ainsi pérenniser le marché sous couvert de
l’inattention notoire des autorités monétaires qui sont plutôt
préoccupées par l’éternel ajustement des grands agrégats.

A court terme, il est fort possible que ces cambistes possèdent le
monopole des petites coupures, ayant constaté l’augmentation de la
préférence des ménages pour les billets à faible valeur faciale : ces
derniers leur permettent de conserver leur pouvoir d’achat.

Malheureusement, l’amplification de la rareté se répercutera sur les
prix des biens de première nécessité par le biais des comportements des
commerçants détaillants qui, ayant constaté la rareté des coupures de 50
et 100 FC entre les mains des ménages, hausseront de plus en plus les
prix des biens valant un billet de 50 Francs ou de 100 FC afin d’éviter
les coûts liés aux opération de change, et ce, jusqu’à atteindre, à
moyen terme, la valeur des billets à circulation normale (billets à
grande valeur faciale). Et comme le prévoit la théorie économique, les
ménages finiront par se réfugier vers le dollar américain en tant que
réserve de valeur, d’où la nécessité de la concurrence monétaire.

Tout
compte fait, les ménages courent, à moyen terme, le risque de perdre
une partie de leur revenu, généralement incertain. Un risque que ne
peuvent considérer une population non initiée à des telles analyses, ni
malheureusement des autorités monétaires inattentives.

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