23.03.11 La décentralisation à l’épreuve de la corruption en RDC

 

Toutes les enquêtes organisées dans les Entités Territoriales Décentralisées observées, ont dénoncé la corruption qui a élu domicile au sein de l’administration publique. La corruption devient dans ce réseau, comme une manière normale de vivre et de travailler. Aucun document ne peut-être obtenu et aucun service ne peut être rendu sans pot-de-vin. Les fonctionnaires multiplient les stratagèmes afin de forcer les usagers à débourser de l’argent pour des services qu’ils sont supposés fournir dans l’exécution normale de leur travail. Ceux qui refusent de payer se voient soit refuser le service ou doivent attendre longtemps.

Les partis politiques accusent les Députés et font remarquer que la corruption gangrène les Députés Provinciaux au point de ne pas remarquer qui est de l’opposition, et qui est de la majorité. A ce jour, certains Députés de l’opposition font même la publicité du Gouverneur qui est de la majorité.

Comme la loi sur la nomenclature des taxes n’est pas encore disponible, les fonctionnaires inventent toutes sortes de taxes et gonflent celles qui existent réellement. La population n’a personne auprès de qui se plaindre puisque les réseaux de corruption sont organisés et contrôlés par les mêmes autorités qui sont supposées garantir une bonne gestion des services publics. L’impunité est garantie pour les fossoyeurs et leur clientèle du fait que le secteur judiciaire n’est pas épargné par la corruption qui est endémique dans le pays. La justice est contrôlée par le pouvoir exécutif et les réseaux de corruption qui se sont  emparés de tout l’appareil étatique. La justice incarne l’injustice, la corruption, le tribalisme, la magouille…le justiciable vient à la justice en tremblant, parce qu’il ne sait pas ce qui va lui arriver.

Le nombre réel des fonctionnaires est inconnu et change de mois en mois. Comme il n’y a pas d’emplois disponibles ailleurs, les fonctionnaires s’accrochent à leur poste et essayent de profiter au maximum de leur position. Des mécanismes et des réseaux élaborés sont mis en place afin de détourner le plus d’argent possible des coffres de l’Etat. Cela peut se faire en toute impunité puisque tout le monde à tous les niveaux est impliqué dans ces pratiques de la corruption. Le butin est partagé et la protection est garantie par les plus hauts échelons de l’administration. Les biens de l’Etat sont utilisés à des fins personnelles par les fonctionnaires, et les lois et procédures sont ignorées. Comme il n’y a aucun contrôle, les fonctionnaires ont peu de chance de se faire prendre en flagrant délit de corruption.

Même dans les rares des cas où des affaires de corruption, d’évasion fiscale ou de fraude sont découvertes, aucune sanction n’est appliquée. La plupart des fonctionnaires se plaignent qu’ils sont mal payés, sous payés et mal équipés, mais en réalité, ils construisent pour la plupart des maisons en matériaux durables au moment où dans leur bureau, ils ont ni chaise, ni table. Les partis politiques insistent que l’argent de l’Etat est versé dans les poches des individus. Les recettes mobilisées localement sont toujours insuffisantes et ne représentent même pas les 5 % du Budget.

D’après la société civile, la plupart des ETD sont gérées par des semi-lettrés dont le niveau varie de trois à six ans post-primaires. Ils ont été nommés sans aucun critère objectif. Beaucoup des responsables nommés dans les communes sont pour la plupart dans leur première expérience en matière d’administration publique. Ils ne font pas des réunions publiques pour orienter la population. Les fonctionnaires sont pour la plupart à l’âge de la retraite et complètement amortis. Les gens vivent des travaux champêtres dont on ne retrouve pas des magasins d’intrants agricoles pour s’approvisionner en semences et outils agricoles.

Les bâtiments administratifs des ETD sont délabrés et datent de l’époque coloniale. Pas de subvention, pas de programme, un semblant de budget rédigé sous forme d’un devis. Cette situation n’épargne pas les Quartiers au niveau des Commune avec une moyenne de 30.000 habitants sans aucun moyen de travail. Les Chefs des Quartiers que nous avons échangé avec eux déplorent leur situation qui se caractérise par le manque des moyens minimum de travail notamment le bâtiment administratif, le budget de travail, l’insuffisance, l’incompétence et l’amortissement de leur personnel administratif robotisé à souhait sans aucune vision de développement.

Dans tous les Secteurs et Chefferies sous examen, on ne trouve pas des institutions financières ( Banque, Institution de micro finance etc.) susceptibles d’assurer les opérations bancaires. L’argent est viré généralement au compte et retiré par le Responsable de l’ETD ou à son comptable dont la gestion n’est pas très transparente et les ressources mobilisées localement n’y sont pas versées si ce n’est que les rétrocessions qui sont généralement des recettes à caractère national.

Les moyens propres des ETD sont très dérisoires et souvent indisponibles. Les taxes principales portent sur le transfert des produits vivriers, les taxes vélo, les taxes de colportages, les taches agricoles, les taxes de bananeraies, les taxes des marchés etc. les Secteurs sont quelques peu en conflit avec les Territoires qui continuent à percevoir les taxes contrairement aux dispositions constitutionnelles en cette matière.

La décentralisation est perçue à chaque niveau d’atterrissage en termes des finances et non de développement. 100 % des animateurs des Entités Territoriales Décentralisées notamment des Secteurs et Chefferies ont un niveau moyen d’études des six ans post-primaires. Sauf, au niveau des Communes on retrouve par-ci, par-là des cadres universitaires qui sont dans leur première expérience de gestion dans une entité territoriale décentralisée. Ils ont été nommés depuis septembre 2008 par ordonnance présidentielle dans la vague des nominations des partisans des élections de 2006.

Les Chefs des Quartiers avec une moyenne de 30.000 habitants sous sa juridiction n’ont aucun budget pour fonctionner. Le peu d’argent reçu par les Bourgmestres ne sont pas rétrocédés au niveau des Quartiers soi-disant que ce sont des entités déconcentrées oubliant qu’au niveau du Quartier, il se tient une administration qui nécessite des frais divers pour les fournitures et matériels de bureau etc. Il en est de même du cas des Secteurs pour les groupement ou villages.

Les responsables des ETD organisent difficilement les réunions. Elles ne tiennent guère des réunions avec ses services techniques. Les quelques rares cas, c’est à l’occasion de l’arrivée d’une autorité politique dans sa commune ou dans son Secteur dans le cadre de la mobilisation politique de la population.

Les réunions relatives aux questions d’ordre de développement ne sont pas de mise. Les responsables des services techniques affirment n’avoir jamais assisté à une réunion technique avec le Bourgmestre. Chacun travaille à sa manière. Le Bourgmestre est souvent en contact avec le Comptable et d’autres services techniques générateurs des recettes comme le service des affaires sociales, des affaires économiques, le mandataire et l’ordonnateur délégué et celui de développement communautaire.

La plupart des chefs de Secteur n’ont pas le profil nécessaire pour gérer les ETD. Ils sont tous de la majorité au pouvoir et nommés pour des raisons électoralistes sans avoir les capacités nécessaires en vue de relever le vrai défi de lutte contre la pauvreté. Le renvoi des élections municipales et locales en 2013 comme souhaité par la CEI pourrait être considéré comme un coup dur contre la restructuration géographique de la République tant attendue à travers la décentralisation.

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