28.03.11 [Memoirescoloniales] AFRIQUE

Symbole de la dégradation d’un Etat

La quatrième poubelle, roman de Loro Mazono, s’ouvre sur deux dialogues consécutifs et significatifs entre deux catégories sociales encore appelées « damnés » ou déchets sociaux de la ville de Korodougou. Les habitants de Korodougou,les Korois sont dirigés par La Montagne,un despote indescriptible de chef d'Etat.

D’un côté, Did et Dan, deux étudiants de l’Université de Korodougou évoquant leurs copies et notes d’examen. De l’autre, la rencontre entre l’étudiant Dan et Mère mendiante.Ces deux discussions à bâtons rompus s’effectuent dans un langage propre à chaque catégorie sociale et ont rapport avec les difficiles conditions de survie des concernés. Ainsi, par exemple, chez les étudiants, « damner » signifie aller à pieds. Ce qui est prégnant dans le livre de Loro Mazono, est l’analyse des différents personnages et catégories sociales de la ville de Korodougou.
En premier lieu, il y a une femme vertueuse. Agée de 81 ans, Mère bonté de son vrai prénom Marguerite est infirmière retraitée. C’est donc elle qui sauve des vies en danger. Mère bonté est aussi la maman adoptive de l’étudiante Lazoura.

Ensuite, nous avons Mère mendiante âgée d’environ soixante dix ans. Cas typique : mère mendiante est toujours fatiguée. En plus, la faim et une détresse absolue la tenaillent et la démolissent. Bien souvent dans le livre, mère mendiante trépigne et frissonne. Fanée, son ventre est flasque. Tout ceci sous un visage rembruni. Mère mendiante, a pour restaurant la poubelle et comme compagnons fidèles une nuée de mouches.

Par ailleurs, dans la société Korodougoise, les étudiants occupent une place de choix. Signalons que l’étudiante Mariétou est la copine de Did tandis que Lazoura, copine de Dan.
Dans le même temps, Lazoura triche avec le professeur Couba. Ce dernier, la soixantaine dépassée, est un véritable espion au service du pouvoir politique en place à Korodougou : la Montagne. Le professeur Couba est aussi directeur du BDID entendez Bureau de dépot des informations diverses.
Célibataire endurci, Couba- ou "coups-bas" selon l'expression de l"étudiant Dib- est un homme râblé bien trapu et bien dodu. Il raffole de la bière, mange beaucoup de grillades et boit de la soupe épicée.Le professeur Couba est passé maître dans l’art de pousser les étudiants à abandonner les études. Aussi a t – il un appétit immodéré connu de tous pour les étudiantes.

Enfin, citons Bello, le patron et directeur de publication d’une presse indépendante « Le Combat ».
Pourquoi toutes ces catégories sociales souffrent t ils à Korodougou?
Voilà, la question qui vaut tout son pesant d’or.
D’entrée de jeu, on observe la déliquescence totale de la société korodougoise. Par exemple, l’analphabétisme des Korois consécutif à la gestion u régime politique La Montagne.

Par ailleurs, les malaises économiques, le bafouement des institutions démocratiques, la misère généralisée, les crimes impunis et la confiscation des libertés démocratiques font partie de cette décadence politique. Notons également la naissance d’une sale race de pseudo-démocrates. Ceux-ci effrayent les populations par leurs conduites antirépublicaines et antidémocratiques. En somme ces pseudo-démocrates sont les plus corrompus. Ils excellent dans les détournements des derniers publics, le pillage systématique du patrimoine de ce peuple. Aussi, soulignons, les licenciements abusifs et les privatisations systématiques de toutes les sociétés d'État. Il s’agit plutôt de braderie des entreprises étatiques.Pour tout dire, les salaires sont comme des aumônes et les bourses d’études comme la misère.
Conséquence, les augmentations anarchiques des prix avec comme corolaire la naissance de la la mendicité.
Sur le plan des libertés démocratiques, la justice à Korodougou est galvaudée (p70) de la même manière les codes électoraux et les scrutins sont traficotés.La Montagne a aussi modifié la Constitution afin de se garantir un pouvoir à vie .
Les dignitaires, quant à eux roulent dans des véhicules puants un luxe insultant et s’adonnent à de folles dépenses de prestige fantaisiste si choquantes. S’agissant de l’avenir de Korodougou, les prédateurs s’en moquent éperdument. D’ailleurs, c'est le cadet de leurs soucis. Et lorsque, ces dignitaires se retrouvent, ils portent plutôt un toast à leurs milliards et dégustent des alcools exotiques.
« FAVA » femme argent villa et affaire est leur slogan favori dont ils portent obstentoirement le sigle.
S'agissant des médias, le pouvoir a fait des journalistes ses alliés. Donc une presse purement partisane. Objectif parer à l’essor de la presse critique. Ces journalistes se chargent de vendre les mérites du régimi et des prédateurs ; de défendre vaille que vaille le programme de développement fut -il insensé, inadapté ou dangereux. Pour ce faire, il met à la disposition de ces mercenaires de la plume des millions et des voitures de luxes. Face à ce spectre infernal, il y a urgence et nécessité de s’unir et d’organiser une marche qui ferait date. La manifestation vise la dénonciation des crimes économiques et de sang à Korodougou. Les revendications de cette marche sont claires, l’amélioration des conditions de vie des Korois et la fin du règne des prédateurs.

Dans une telle situation, une presse privée indépendante prendrait ses responsabilités afin de dénoncer les mœurs corrompues à la faveur d'investigations audacieuses. Comme on l’aperçoit, cette situation des plus désespérées appellent à une prise de conscience aigüe, créant par la même occasion « des lutteurs professionnels » dont Bâ (Page 51).Un sociologue de formation au chômage. Pour sauver la république, il faut tout faire, et par tous les moyens en s’adonnant corps et âme pour la libération de Korodougou. C’est bien ce cri de cœur qui jaillit des entrailles de Ba au cours d’une rencontre de lecture de journaux de la place. Dans la suite du roman, le journaliste Bello sera assassiné et enterré rapidement et de nuit. Son tombeau, lieu de la quatrième poubelle est aussi le siège des rassemblements des démunis de la société appelés déchets sociaux. La quatrième poubelle est l’endroit indiqué pour l'organisation des grandes manifestations.
Conclusion
Ce roman a le mérite de faire partie des classiques africains relatif aux problèmes sociaux qu’il soulève. Ne serait- il pas perçu comme précurseur des révolutions en cours dans le monde arabe comme en Tunisie et en Egypte ? Comme tel, ce roman illustre le malaise des" Etats d'Afrique " dont nous doutons même de leur existence ; Etats que nous pouvons qualifier d’ « Etats et régimes poubelles" dont les écuries sont à nettoyer proprement. A réfléchir !
Quel pays africain ne se reconnaitrait il pas dans cet état des lieux apocalyptique et symptomatique ?
Les exemples tunisien et égyptien sont édifiants et doivent à ce propos et doivent servir d’exemples aux autres peuples en lutte et se propager à travers tout le continent noir où les peuples affamés côtoient les richesses insolentes de ses prédateurs de tout acabit.
Pour ce faire, il est nécessaire que les patriotes, les citoyens probes, dignes et honnêtes prennent la direction et la tête des mouvements de contestation avec un sens aigu des responsabilités, porteur de changement et d'alternative voire d'alternance.

Note de lectures du livre
La quatrième poubelle
de Loro Mazono
Editions L"Harmattan


Maurice Mouta W GLIGLI-AMORIN
Bruxelles. (BELGIQUE), ce 24 mars 2011

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