La décentralisation à lépreuve de la corruption en RDC (Norbert YAMBAYAMBA SHUKU)
Toutes
les enquêtes organisées dans les Entités Territoriales Décentralisées observées,
ont dénoncé la corruption qui a élu domicile au sein de ladministration publique. La corruption devient dans ce
réseau, comme une manière normale de vivre et de travailler. Aucun document ne
peut-être obtenu et aucun service ne peut être rendu sans pot-de-vin. Les
fonctionnaires multiplient les stratagèmes afin de forcer les usagers à
débourser de largent pour des services quils sont supposés fournir dans
lexécution normale de leur travail. Ceux qui refusent de payer se voient soit
refuser le service ou doivent attendre longtemps.
Les partis politiques accusent les
Députés et font remarquer que la corruption gangrène les Députés Provinciaux au
point de ne pas remarquer qui est de lopposition, et qui est de la majorité. A
ce jour, certains Députés de lopposition font même la publicité du Gouverneur
qui est de la majorité.
Comme la loi sur la nomenclature des taxes nest pas encore
disponible, les fonctionnaires inventent toutes sortes de taxes et gonflent
celles qui existent réellement. La population na personne auprès de qui se
plaindre puisque les réseaux de corruption sont organisés et contrôlés par les
mêmes autorités qui sont supposées garantir une bonne gestion des services publics.
Limpunité est garantie pour les fossoyeurs et leur clientèle du fait que le
secteur judiciaire nest pas épargné par la corruption qui est endémique dans
le pays. La justice est contrôlée par le pouvoir exécutif et les réseaux de
corruption qui se sont emparés de tout
lappareil étatique. La justice incarne linjustice, la corruption, le
tribalisme, la magouille…le justiciable vient à la justice en tremblant, parce
quil ne sait pas ce qui va lui arriver.
Le nombre réel des fonctionnaires est inconnu et change de mois
en mois. Comme il ny a pas demplois disponibles ailleurs, les fonctionnaires
saccrochent à leur poste et essayent de profiter au maximum de leur position.
Des mécanismes et des réseaux élaborés sont mis en place afin de détourner le
plus dargent possible des coffres de lEtat. Cela peut se faire en toute
impunité puisque tout le monde à tous les niveaux est impliqué dans ces
pratiques de la corruption. Le butin est partagé et la protection est garantie
par les plus hauts échelons de ladministration. Les biens de lEtat sont
utilisés à des fins personnelles par les fonctionnaires, et les lois et
procédures sont ignorées. Comme il ny a aucun contrôle, les fonctionnaires ont
peu de chance de se faire prendre en flagrant délit de corruption.
Même dans les rares des cas où des affaires de corruption,
dévasion fiscale ou de fraude sont découvertes, aucune sanction nest
appliquée. La plupart des fonctionnaires se plaignent quils sont mal payés,
sous payés et mal équipés, mais en réalité, ils construisent pour la plupart
des maisons en matériaux durables au moment où dans leur bureau, ils ont ni
chaise, ni table. Les partis politiques insistent que largent de lEtat est
versé dans les poches des individus. Les recettes mobilisées localement sont
toujours insuffisantes et ne représentent même pas les 5 % du Budget.
Daprès la société civile, la plupart des ETD sont gérées par
des semi-lettrés dont le niveau varie de trois à six ans post-primaires. Ils
ont été nommés sans aucun critère objectif. Beaucoup des responsables nommés
dans les communes sont pour la plupart dans leur première expérience en matière
dadministration publique. Ils ne font pas des réunions publiques pour orienter la population. Les
fonctionnaires sont pour la plupart à lâge de la retraite et complètement
amortis. Les gens vivent des travaux champêtres dont on ne retrouve pas des
magasins dintrants agricoles pour sapprovisionner en semences et outils
agricoles.
Les
bâtiments administratifs des ETD sont délabrés et datent de lépoque coloniale.
Pas de subvention, pas de programme, un semblant de budget rédigé sous forme
dun devis. Cette situation népargne pas les Quartiers au niveau des Commune
avec une moyenne de 30.000 habitants sans aucun moyen de travail. Les Chefs des
Quartiers que nous avons échangé avec eux déplorent leur situation qui se
caractérise par le manque des moyens minimum de travail notamment le bâtiment
administratif, le budget de travail, linsuffisance, lincompétence et
lamortissement de leur personnel administratif robotisé à souhait sans aucune
vision de développement.
Dans tous les Secteurs et Chefferies
sous examen, on ne trouve pas des institutions financières ( Banque,
Institution de micro finance etc.) susceptibles dassurer les opérations
bancaires. Largent est viré généralement au compte et retiré par le
Responsable de lETD ou à son comptable dont la gestion nest pas très
transparente et les ressources mobilisées localement ny sont pas versées si ce
nest que les rétrocessions qui sont généralement des recettes à caractère
national.
Les moyens propres des ETD sont très
dérisoires et souvent indisponibles. Les taxes principales portent sur le
transfert des produits vivriers, les taxes vélo, les taxes de colportages, les
taches agricoles, les taxes de bananeraies, les taxes des marchés etc. les Secteurs
sont quelques peu en conflit avec les Territoires qui continuent à percevoir
les taxes contrairement aux dispositions constitutionnelles en cette matière.
La décentralisation est perçue à
chaque niveau datterrissage en termes des finances et non de développement.
100 % des animateurs des Entités Territoriales Décentralisées notamment des
Secteurs et Chefferies ont un niveau moyen détudes des six ans post-primaires.
Sauf, au niveau des Communes on retrouve par-ci, par-là des cadres
universitaires qui sont dans leur première expérience de gestion dans une
entité territoriale décentralisée. Ils ont été nommés depuis septembre 2008 par
ordonnance présidentielle dans la vague des nominations des partisans des
élections de 2006.
Les
Chefs des Quartiers avec une moyenne de 30.000 habitants sous sa juridiction
nont aucun budget pour fonctionner. Le peu dargent reçu par les Bourgmestres
ne sont pas rétrocédés au niveau des Quartiers soi-disant que ce sont des
entités déconcentrées oubliant quau niveau du Quartier, il se tient une
administration qui nécessite des frais divers pour les fournitures et matériels
de bureau etc. Il en est de même du cas des Secteurs pour les groupement
ou villages.
Les
responsables des ETD organisent difficilement les réunions. Elles ne tiennent
guère des réunions avec ses services techniques. Les quelques rares cas, cest
à loccasion de larrivée dune autorité politique dans sa commune ou dans son
Secteur dans le cadre de la mobilisation politique de la population.
Les
réunions relatives aux questions dordre de développement ne sont pas de mise.
Les responsables des services techniques affirment navoir jamais assisté à une
réunion technique avec le Bourgmestre. Chacun travaille à sa manière. Le
Bourgmestre est souvent en contact avec le Comptable et dautres services
techniques générateurs des recettes comme le service des affaires sociales, des
affaires économiques, le mandataire et lordonnateur délégué et celui de
développement communautaire.
La plupart des chefs de Secteur nont
pas le profil nécessaire pour gérer les ETD. Ils sont tous de la majorité au pouvoir
et nommés pour des raisons électoralistes sans avoir les capacités nécessaires en
vue de relever le vrai défi de lutte contre la pauvreté. Le renvoi des
élections municipales et locales en 2013 comme souhaité par la CEI pourrait être considéré
comme un coup dur contre la restructuration géographique de la République tant
attendue à travers la décentralisation.