01 05 11 RENAF – Plaine de la Ruzizi, Sud-Kivu, République Démocratique du Congo Quel est le véritable agenda ?

Depuis deux années, sont actives dans la Plaine de la Ruzizi ainsi qu’à
l’intérieur du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, on a entrepris des opérations
militaires dans le but déclaré de contraindre les combattants hutu rwandais des
FDLR à rentrer chez eux. Il s’agit des opérations «Umoja wetu» (Notre union),
«Kimya II» (Silence) et «Amani Leo» (Paix aujourd’hui).

 

Quelle était la situation de la
population de la Plaine avant ces opérations ?

Avant ces opérations, la population de la Plaine et de ses environs vivait
avec les FDLR dans le calme. Les FDLR avaient des positions et cultivaient des
champs; certains parmi eux avaient pris en mariage des filles du milieu. Nous
avions avec eux une bonne collaboration. Même si pendant l’occupation de la
part du RCD il y avait eu des tueries, les gens commençaient à oublier, à
pardonner.

 

Et quelle est sa situation
actuelle ?

Dès qu’on nous a amené ces opérations militaires, la population a connu des
pillages, des assassinats, aussi bien de la part des FDLR, déstabilisés dans
leurs activités de survie, que de la part des militaires impliqués dans
l’opération Kimya II et Amani Leo. Jusqu’à présent, partout il y a des
enlèvements, des violences sexuelles, même des viols collectifs. Beaucoup de
vaches et beaucoup de champs ont été pillés. Sur les routes, les FDLR arrêtent
les camions, les dévalisent et emportent les gens en demandant 400 $ de rançon
par personne.

Depuis le début de ces opérations militaires, la situation de la population
s’est empirée. A présent, les paysans sont dans la misère: ils n’ont plus à
manger. Comme au Congo, jusqu’à présent ce sont les parents qui couvrent une
grande partie du salaire des enseignants, beaucoup d’enfants n’ont plus d’accès
à l’école. Beaucoup de monde se demande si les militaires d’Amani Leo sont
venus chasser les FDLR ou exterminer la population paysanne.

 

Qui surtout est frappé par cette
guérilla ?

Depuis décembre 2010 ce sont les chefs locaux et les défenseurs des droits
humains qui sont ciblés, assassinés. Nous avons perdu un chef à Kinyinya, vers
Lubarika ; un autre à Mashuza, localité de Murhunga, vers Kiringye. En
janvier 2011 les militaires d’Amani Leo, 411e Brigade (ex-CNDP), ont
arrêté plus de six chefs de la localité de Mulenge, en les imputant, sans
preuves, d’être des collaborateurs et ravitailleurs des FDLR. L’un de ces chefs
est mort, suite aux tortures. Si les combattants FDLR, qui sont devenus très
agressifs,  arrivent chez eux, qui n’ont pas d’armes, et exigent de la
farine, est-ce qu’ils peuvent refuser?

Les femmes aussi sont une cible. Le paysan voit partir sa femme au marché
sans avoir la certitude de la voir revenir. En cours de route, des femmes sont
enlevées et gardées pendant deux jours dans la brousse. Il est très difficile
de poursuivre les auteurs des forfaits. Si on s’adresse à l’Auditorat militaire,
on nous dit: «Ce militaire dépend de l’opération Amani Leo, c’est difficile de
l’atteindre». Et si on parvient à le localiser, on nous dit: «Ce militaire
n’est plus ici», alors qu’il est là.

 

 

Ces opérations militaires
n’ont-elles donc pas atteint leur but ?

Faire rentrer les FDLR c’était un bon objectif, mais après deux ans et demi
d’opérations militaires contre les FDLR, ce qu’on constate c’est plutôt le
contraire: les combattants hutu rwandais sont encore là nombreux et sont en
train de récupérer leurs anciennes positions.

Les militaires d’Amani Leo appartiennent en grande partie à l’ex-CNDP, la
milice de Nkunda qui, a après avoir versé beaucoup de sang au Nord-Kivu, a été
hâtivement intégrée à l’armée congolaise, bien qu’elle demeure d’obéissance
rwandaise.

Il est difficile de distinguer les militaires d’Amani Leo des combattants
FDLR, car ils ont la même tenue militaire, ils ont la même morphologie et
parlent la même langue rwandaise. Parfois les combattants FDLR se trouvent à
peu de distance des militaires d’Amani Leo, mais ces derniers ne bougent pas:
ils préfèrent exploiter les carrés miniers d’or et de cassitérite. Et ces
minerais vont au Rwanda, qui est devenu grand exportateur de minerais qu’il ne
possède pas ou qu’il possède en toute petite quantité.

Des sources affirment qu’on veut maintenant mettre à l’écart les militaires
d’Amani Leo de la Plaine et amener des militaires rwandais pour une opération
de ratissage des FDLR. Or, l’armée rwandaise a été ici de 1998 à 2003 et n’a
pas réussi à ramener les FDLR chez eux : si elle revient aujourd’hui, y
a-t-il des garanties qu’elle réussira ? D’ailleurs, en Amani Leo n’y
a-t-il pas déjà des Rwandais? Derrière le chaos qui règne dans notre région, la
population commence à comprendre qu’il y a un agenda caché.

 

Quelle serait cet agenda
caché ? 
 

Ce ne sont pas les FDLR qu’on est en train de poursuivre. Ce qu’on est en
train de viser c’est la balkanisation de la RD Congo, ou bien d’amener une
autre communauté dans l’Est du pays.

Tout cela dans le flou, parce que personne, même pas la Monusco, la force
ONU en RD Congo, n’informe la population de ce qui est en train de se passer
réellement.

 

Le Rwanda a un problème d’espace,
alors que la RD Congo est un vaste pays…

Depuis le temps de la colonie, les Rwandais ont trouvé chez nous une espace
de vie. Même actuellement, à Kamanyola, le village de la Plaine frontalier du
Rwanda, beaucoup de Hutus rwandais passent chaque jour la frontières pour
cultiver au Congo.

A présent, les Rwandais occupent dans l’économie, la politique et l’armée
un espace en proportion bien supérieure à celle de leur présence numérique.
Mais dans l’ensemble, les Rwandais viennent-ils chez nous pour cultiver ou
pour dominer? S’ils viennent s’installer chez nous, qu’ils le fassent de manière
officielle et légale, en respectant les normes relatives à l’immigration.
 Partout au monde il y a des étrangers qui demandent la nationalité. Ce
n’est pas l’exclusion que nous voulons, mais la justice et le développement du
pays.

 

Où est donc le nœud du problème ?

Au Congo il n’y a pas de conflit ethnique, mais conflit politique, lié à
des intérêts. Paul Kagame utilise le prétexte des FDLR pour venir fragiliser et
envahir le Congo. Occuper l’Est de la RD Congo est le projet que le Rwanda
depuis longtemps veut réaliser, soit par la force que par la ruse.

 

Quelle solution proposez-vous pour
une véritable paix ?

Il faut chercher une voie autre que celle des armes. Les FDLR doivent
rentrer chez eux et pouvoir entamer un dialogue franc et constructif avec les autres
composantes rwandaises. La communauté internationale doit chercher les moyens
de convaincre le gouvernement de Kagame.

Que les hommes de bonne foi nous aident à éliminer les causes politiques de
la guerre. A quoi bon faire des œuvres de développement, si la population aura
disparu?

 

Plaine de la Ruzizi, le 1er mai 2011.  

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