13.06.11 Le Climat Tempéré – Economie des ressources à l'Est de la RDCongo L'exploitation de l'or génère un flux financier mensuel de 80 millions USD

Dans le Kivu par exemple, SOMINKI assurait l'entretien de plus de 2500 km de route et pistes carrossables et dans de nombreuses contrées, les routes étant liées à la présence des activités minières, car, dans la plupart des cas, elles étaient ouvertes par SOMINKI pour servir d'accès à ses exploitations. Et c'est elle, qui en assurait la maintenance. Ce qui explique que, le plus souvent, à la fermeture d'un centre minier pour une quelconque raison, il s'en suivait presqu'automatiquement la disparition progressive des accès à cette mine.

De même par les chemins de fer, les biefs navigables ainsi que les aéroports de la région, les sociétés minières, en tant que principaux usagers, étaient également tes principales pourvoyeuses des ressources destinées à. assurer leur entretien et leur fonctionnement régulier. Il y a lieu de rappeler que les infrastructures portuaires et ferroviaires de la région avaient jadis été financées et construites par les sociétés minières à chartres, notamment la Minière des Grands Lacs (MGL) et GEOMINES, ancêtres de SOMINKI ,dans le Kivu et de ZAIRETAIN dans le Nord Katanga.

Autres retombées de l'industrie stannifère

Il n'y a pas que le transport qui a bénéficié des retombées de l'industrie minière. Tous les autres secteurs de la vie économique de la région en ont largement profité. Si le Kivu, et plus particulièrement le Maniema, a été appelé « le grenier » du Congo, c'est notamment aux conditions économiques favorables créées par l'industrie minière qu'il le doit.

Le plus gros rizier du Kivu des années 70-80, ENTRIACO, avait SOMINKI comme première cliente. Ce dernier préfinançait ses campagnes d'achat de paddy. Le coton, le riz, l'huile de palme, le bois, la banane, etc. ont pu être transportés et vendus hors du Kivu grâce au bon état des voies de communication dont la maintenance était principalement financée par les ressources minières. Sur un autre plan, l'énergie électrique alimentant les zones minières était produite par des centrales hydroélectriques construites et entretenues par des sociétés minières. Dans l'ex-Kivu, SOMINKI disposait de 7 microcentrales dont les puissances variaient de 400 à 6500 KW tandis qu'à Manono, ZAIRETAIN fonctionnait avec une centrale de 28.000 KW installés.

Les seules infrastructures médicales viables, qui aient administré les soins aux populations, étaient celles des sociétés minières. Certains êta b lisse me n ts scolaires, construits sur financement des sociétés minières, étaient soit totalement soit partiellement pris en charge par elles. Il a fallu que ces sociétés s'effondrent pour diverses raisons dont le crash boursier de l'étain en 1987, pour que tombe en délabrement tout le tissu économique et social de l'Est du pays. Au Maniema notamment, depuis maintenant plus de 15 ans, aucun chef-lieu du territoire n'est encore joignable par véhicule au départ de Kindu, chef-lieu de la province. De même de Bukavu, on ne peut atteindre Shabunda, chef-lieu d'un territoire, qui ne dépend pourtant d'elle, que par avion et cela, depuis bientôt près de 20 ans. Les chemins de fer sont presqu'à l'état d'abandon et les quelques trains que la SNCC ou des privés tentent de faire fonctionner sur l'axe Kivu- Ubundu, peinent à rentabiliser leurs expéditions sur le fleuve Congo.

Sans l'industrie stannifère : pas de vie au Maniema

La régression de ces zones minières était pourtant prévisible et même redoutée par certains esprits avisés. Au cours d'une cérémonie organisée à l'occasion de sa nomination en 1983 au titre d'administrateur délégué de SOMINKI, Alexis Thambwe Mwamba, actuel ministre des Affaires étrangères, s'en était pris aux détracteurs de l'entreprise.

«Je voudrais m'adresser à ceux qui d'ici ou d'ailleurs, ne ratent pas la moindre occasion pour vilipender l'action de la société. Qu'on se le dise : le jour où SOMINKI fermera ses portes, le Maniema retournera à l'état sauvage ». Ce sévère avertissement, dans le pur style du «parler vrai » de cet ancien haut cadre de SOMINKI, avait certes choqué plus qu'il n'avait éveillé les consciences de son auditoire. Mais, moins de trente ans après, force est de reconnaître qu'il avait raison. Ce qui est paradoxal dans la situation de régression sociale et économique dans laquelle se retrouvent aujourd'hui les zones minières de l'Est, c'est le fait que la production minière, assurée par un artisanat très actif et en pleine expansion depuis la rébellion, du RCD, ne s'est jamais mieux portée depuis plus de 50 ans. Alors que SOMINKI et ZAIRETAIN, dans les 20 dernières années de leur existence, produisaient ensemble en moyenne 3.000 tonnes de cassitérite par an. L'exploitation artisanale fait mieux aujourd'hui: une moyenne annuelle de près de 15.000 tonnes de cassitérite qu'il y a 30 ans, affirme Léonide Mupepele, expert en mines. En outre, les cours de l'étain se sont nettement améliorés et poursuivent leur ascension. Avant le premier effondrement des cours de l'étain en 1986, l'étain se négociait autour de 9000f/tonne, soit environ 15.300 USD/tonne. Au 21 avril2011, il était à

32.800 USD/tonne à la bourse de Londres. Le coltan a suivi le même parcours : sa production est passée d'une moyenne annuelle de 13 tonnes dans les années 90 à 470 tonnes de 2007 à 2010, et son cours est passé en moins de 20 ans de 30.000 à 112.000 USD/tonne, a confié l'expert en mines.

A ce jour, avec une production mensuelle d'environ 1500 tonnes de cassitérite et 45 tonnes de Coltan, la filière stannifère apporte à elle seule à l'économie de l'Est du pays environ 40 millions USD par mois. Si l'on intègre ta production artisanale de l'or dont la quasi-totalité quitte le pays en fraude, mais qui est estimée à au moins une tonne par mois, le flux financier généré par l'exploitation minière artisanale de l'est est évaluée à plus de 80 millions de dollars par mois. Face à de telles performances, la question, qui se pose aujourd'hui, est celle de savoir à qui profite cette manne financière, dès lors que les contrées, qui en sont la source, s'enfoncent chaque jour davantage dans la pauvreté et la misère. L'on s'aperçoit que non seulement le creuseur se contente d'une partie congrue d'un revenu pour lequel il est pourtant censé être le principal artisan, mais que plus de 80% de ce revenu alimentent des institutions et des personnes basées en zones urbaines de Bukavu, de Goma ou d'ailleurs, mais ne sont pas consommés sur place dans les zones minières. Cette situation paradoxale explique le boom immobilier observé dans les villes de l'Est alors que les zones rurales sont en constante régression sociale et économique.

Actuellement, les comptoirs de Bukavu et de Goma, peu et mal équipés, se contentent d'exporter des produits à l'état de pré-concentrés titrant entre 55 et 60% d'étain. Quant à la Wolframite et au Coltan, ils sont exportés à des teneurs inférieures à 55% de W03 et 18% de Ta2O5.

L'on se rend donc que l'industrie de l'étain est l'un des domaines où le Congo accuse un réel retard, voire une nette régression. Plus de 9 décennies, après que le pays ait exporté sa 1ère tonne de cassitérite et plus de cinq décennies après qu'il ait produit son 1° lingot d'étain, il aura été possible d'assister aux performances de la RD Congo en matière du traitement métallurgique amélioré des minerais de l'étain, notamment en obligeant les exploitants miniers de la filière à accroître la plus value de leurs produits, en procédant à la fusion d'étain comme autrefois à Manono, a estimé Léonide Mupepele. Au contraire, non seulement que la fonderie de Manono a été fermée et cannibalisée, mais le Congo dont ta production de cassitérite a décuplé dans l'entretemps, se contente aujourd'hui d'exporter un concentré de moins de 60% d'étain. Pendant ce temps, le Rwanda, qui a vu s'épuiser quasiment tous ses gisements résiduels de cassitérite achetée au Congo par un réseau de comptoirs congolais financés par ses soins.

Des hommes pauvres assis sur une mine d'or

Un niveau d'industrialisation aussi faible ne peut qu'impacter faiblement l'économie des zones minières concernées. C'est surtout au plan social qu'on mesure les faibles retombées de l'exploitation minière actuelle de l'Est de la République Démocratique du Congo. Dans les années 1970, alors que l'industrie congolaise de l'étain produisait 1000 tonnes d'étain par an au Katanga et environ 3000 tonnes de cassitérite par an dans le Kivu, le seul secteur du traitement métallurgique (fonderie et centrales d'épuration) employait environ 1000 travailleurs sur les 17.000 que comptait la filière de l'étain. C'est dommage pour tous ces Congolais, qui sont appauvris au fil du temps, alors qu'en réalité, ils sont assis sur une mine d'or.

Ace jour, en dépit du fait que la production minière de la filière a presque quintuplé, l'ensemble des 2 comptoirs agréés et installés à Bukavu et à Goma comptent moins de 200 employés dans leurs unités de traitement. Un bilan qui est à l'image du management très peu rationalisé du secteur minier congolais jugé faible par d'aucuns!

Gaëlle Kibungu

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