28.06.11 – 30 juin 1960 – 30 juin 2011 : Sortir de la logique du «Nzambe akosala !»
Une vue de léglise saint Joseph à Anderlecht. Photo CIC
Cest le message interpellant lancé dimanche 26 juin 2011 lors de la célébration eucharistique organisée par lAsbl «Groupe Epiphanie» à loccasion du 51ème anniversaire de la proclamation de lindépendance du Congo ex-belge. La date du 30 juin tombant un jour ouvrable en Belgique, en loccurrence un jeudi, les abbés Gilbert Yamba et Alphonse Kanyinda, respectivement président et secrétaire général de cette association, ont convié les chrétiens et les «amis du Congo» à passer un moment de méditation le dimanche 26 juin. Ladresse na pas changé : lEglise Saint-Joseph de la commune bruxelloise dAnderlecht.
Cest devenu un rituel. Le «Groupe Epiphanie» – qui regroupe des prêtres congolais de Belgique – a pris lhabitude dorganiser des célébrations eucharistiques à loccasion des dates symboliques du 4 janvier (fête de martyrs de lindépendance) et du 30 juin (proclamation de lindépendance du Congo).
Dimanche 26 juin, les Congolais sont venus nombreux à ce rendez-vous annuel. Plusieurs Belges de souche étaient également présents. Les organisateurs disent avoir adressé une invitation à lambassadeur de la RD Congo à Bruxelles. Personne na aperçu lombre de lambassadeur Henri Mova Sakanyi ou celui de son délégué. «Lambassade considère le Groupe Epiphanie comme une organisation de lopposition politique, réagit un curé congolais. Aujourdhui, le pluralisme politique est pourtant consacrée par la Constitution…»
Hymne à laction
Le principal temps fort a été lhomélie prononcée par Père Karl. Celui-ci sest livré à une sorte d"hymne à laction". Pour avoir côtoyé les chrétiens congolais non seulement au Congo mais aussi en Belgique où fleurissent des «groupes de prière», ce prêtre belge nest pas allé par quatre chemins en fustigeant le fatalisme ambiant dans la société congolaise. Selon lui, ce fatalisme se manifeste par la fâcheuse habitude à attendre tout du ciel. Comme pour rappeler aux chrétiens le fameux adage «aides-toi et le ciel taidera», ce prêtre de marteler : «Nous devons arrêter de clamer constamment que Dieu pourvoira». En lingala : «Nzambe akosala !» «Nous devons dabord agir, a-t-il ajouté. Nous ne devons appeler Dieu à la rescousse quen ultime recours et non avant davoir accompli tout ce qui est humainement possible».
Pour ce prélat catholique, le chrétien congolais épuise son énergie à «pleurnicher» à crier à tout va que «Nzambe akosala» alors que «Dieu lui a tout donné notamment lintelligence». Père Karl de rappeler à lassistance que ce sont les Congolais qui doivent promouvoir le «Congo nouveau». Pour lui, «le changement doit commencer en chaque Congolais». «Les grands changements commencent par des petits changements», a-t-il ajouté. Et de conclure : «Vous devez raconter à vos enfants lhistoire passée et présente de votre pays y compris le Congo que vous rêvez pour demain.»
Après cette interpellation vint la lecture des "intentions de prière" dans les quatre langues nationales. Comme à laccoutumée, chaque intervention a été suivie par un chant entonné par la chorale qui "zappait" du Kikongo, au lingala en passant par le Tshiluba et le Swahili. Une manière de célébrer lunité nationale dans la diversité. Prenant la parole à son tour, abbé Alphonse Kanyinda a eu ces mots : «Nous avons des devoirs envers notre pays le Congo avant dexiger des droits». Curé à Wavre, Faustin Kwakwa a enfoncé le clou en rappelant à lassistance que «lavenir du Congo est à reconstruire par des actes et non par des discours creux.» Du fil en aiguille, il a regretté de voir les partis politiques congolais «fonctionner en ordre dispersé». Et dinviter les organisations politiques à sunir dans le cadre dune «synergie» dont le but est, selon lui, «de donner au Congo une alternance». Pour lui, «cette alternance doit se construire autour dune personne» à désigner. Dans cette perspective, «les Congolais de la diaspora doivent peser de tout leur poids pour faire promouvoir le changement.»
Fonctionnaire belge dorigine congolaise, Didier Kapenga de murmurer à loreille de lauteur de cet article : «Léglise commence à se mêler de la politique. Nest-ce pas une confusion de rôles?». Que lui répondre sinon que le «pouvoir spirituel» nintervient généralement sur le terrain politique que lorsque le «pouvoir temporel» faillit à sa mission au service du bien commun. Ancien étudiant aux facultés Notre-Dame à Namur, «Didier» dit convenir avec Père Karl sur la nécessité dentretenir les enfants congolais sur lhistoire de leur pays. «Un de nos professeurs en économie nous disait souvent, dit-il, que le sous-développement est propre aux peuples qui doutent de leur capacité à sen sortir. Nous devons effectivement raconter à nos enfants lhistoire glorieuse de notre pays et notre détermination de sortir des difficultés actuelles.»
«Fraternité sans frontières»
Certains participants à cette célébration eucharistique se sont étonnés de la présence dun «prête blanc» pour prononcer lhomélie quils venaient dentendre : «Fallait-il franchement faire appel à un prêtre belge de souche pour prononcer une telle homélie dont le contenu concerne au premier chef les Congolais? Nest-ce pas une autre démonstration de notre esprit de dépendance?». Contacté à ce sujet, labbé Jean-Pierre Mbelu a réagi : «LEglise développe une fraternité sans frontières. Le Père Karl est un ami du Congo». Et dajouter : « LEglise étant universelle, il ny a guère de problèmes de dépendance. Bien au contraire, elle développe en son sein linterculturalité.»
Lors de leucharistie organisée à loccasion des festivités commémoratives du 50ème anniversaire de la proclamation de lindépendance du Congo, plusieurs intervenants avaient interpellé lassistance sur le chemin parcouru mais aussi sur la situation des droits et libertés. Lassassinat du militant des droits de lHomme Floribert Chebeya venait davoir lieu une vingtaine de jours plus tôt. A lépoque, Fidèle Bazana Edadi nétait que "disparu". «Lindépendance nest pas une fin en soi, mais elle est un processus à réaliser», déclarait Faustin Kwakwa avant dajouter : «Il faut nous rendre compte que lavenir du Congo est à construire par les Congolais dabord. Nous sommes les premiers responsables de notre propre devenir. (…).» Gilbert Yamba ne disait pas autre chose : «Nous sommes acteurs et créateurs de notre destin. Le moment nest-il pas venu de chasser le démon de la peur qui nous incite à nous lamenter au lieu dagir ?»
Lors de la fête de la Nativité le 25 décembre 2010, le Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya invitait les Congolais «à un sursaut national».
Quand va-t-on assister à lémergence et au réveil de lhomme congolais en tant quacteur de son destin?
B.A.W
© Congoindépendant 2003-2011