16.07.11 Afriquinfos – Présidentielle 2011: faible intérêt dans l'Est, selon un défenseur des droits de l'homme
Présent à Yaoundé pour une conférence sur la protection sociale en Afrique centrale, ce natif du Sud-Kivu, une des provinces de cette région congolaise meurtrie par les affrontements entre groupes rebelles, a décrit dans un entretien à Xinhua un climat de tension née de la modification récente de la Constitution pour un scrutin à un seul tour, au lieu de deux.
Question : Comment se présente aujourd'hui la situation sécuritaire dans le Sud-Kivu qui a été affecté par la guerre civile qu'a connue ces dernières années la République démocratique du Congo?
Réponse : Exactement, la province du Sud-Kivu est la plus touchée par les actions de mutinerie et autres. Mais, ce n'est pas seulement le Sud-Kivu. Il ne faut pas oublier la province Orientale avec la LRA, la province du Nord-Kivu qui a toujours été le siège des institutions des rebelles et la province de Maniema qui reste un peu à l'écart par rapport au reste du pays, enclavée par rapport à la guerre, et la province de l'Equateur au niveau de Doungou. C'est presque tout l'Est de la RDC qui a connu la guerre.
C'est dans la province du Sud-Kivu que, dans le territoire de Mouenga, on a enterré des femmes vivantes et le grand massacre que le RCD a commis en 1999 : tout un chef de village et plus d'un millier de personnes tués. Vous comprenez que la population de cette région vit encore sous ce choc. En 2004, la guerre de Kunda et Mouteboti, en pleine ville de Bukavu, on a violé des femmes, on a tué des gens, des assassinats ciblés. C'est également une population traumatisée. Mais on peut dire actuellement, par rapport au gouvernement que nous avons, qu'il y a quand même des avancées. Actuellement, on peut se déplacer entre Bukavu et Mouenga sans avoir peur d'être tué.
Q : Donc, la situation sécuritaire s'est améliorée?
R : La situation sécuritaire est calme. Je ne peux pas dire qu'elle s'est améliorée, mais au moins il y a l'accalmie. Parce que moi en venant ici, je devais quitter Bukavu jeudi, je revenais du territoire de Kalé où je suis allé faire une sensibilisation sur les élections. Je suis rentré mercredi soir et jeudi, j'ai pris mon vol pour Kigali pour effectuer mon voyage jusqu'ici. Avant, on ne pouvait pas aller dans le territoire de Kalé, c'était vraiment un fief des rebelles. Avant, on ne pouvait pas quitter Bukavu et aller à Mouenga sans l'escorte. Maintenant, je demande à la MONUSCO de me laisser faire ce trajet sans être escorté. Il y a l'accalmie, mais sur le plan économique, la vie des populations est vraiment en déséquilibre total, dès lors que les salaires des fonctionnaires ne sont pas payés. De temps à autre, ce sont les syndicats des enseignants qui descendent dans la rue pour faire grève et exiger l'augmentation de salaires.
Q : Pour l'élection présidentielle en vue, comment se prépare-t-elle dans cette région de l'Est et combien de candidats se sont-ils déjà prononcés?
R : En tant que responsable des observateurs du bureau de coordination de la société civile au Sud-Kivu, je peux vous dire que le processus évolue bien. Trois candidats se sont déjà prononcés. Le chef de l'Etat ne s'est pas encore prononcé, mais on sait que c'est lui le candidat de la majorité présidentielle. Il y a Vital Kamerhe qui était le président de l'Assemblée nationale, qui a été mis à l'écart par sa famille, le PPRD, et a créé son propre parti politique, l'UNC. Il y a l'opposant éternel de notre pays, Etienne Tshisekedi, qui est revenu au pays après son exil en Belgique. Certainement qu'il y aura d'autres candidats, mais jusqu'ici ce sont les sirènes de campagne de trois-là qu'on entend.
Q : Quel est le climat sociopolitique qui règne?
R : Ces élections sont préparées avec la tension née de la modification de la Constitution. Cet acte a été mal perçu au sein de la population. Le scrutin se faisait avant à deux tours, maintenant on a changé pour un seul tour. Les analystes les plus avertis pensent que c'est un problème. Parce que si on a 32 candidats comme en 2005, dans un immense pays de plus de 2 millions de kilomètres carrés, on peut avoir un président élu à 2%.
Q : Quel intérêt suscite ce scrutin chez les populations de l'Est du pays?
R : À l'Est, il y a un faible intérêt et une démobilisation par rapport à 2005 où je supervisais plus de 12 bureaux de vote. En 2005, les gens savaient que voter, c'est mettre fin à la guerre. C'était ça le slogan. A cette époque, on savait que si on vote pour le régime de Kinshasa, comme le pays était émietté, il y a le RCD qui occupait le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et une partie du Katanga, etc. Il y a le MLC qui occupait l'Equateur et une partie du Bandundu, etc. Il y a le RC-KLML qui occupait l'autre partie du territoire, et l'ex-gouvernement qui avait Kinshasa, la Bas-Congo et une partie du Bandundu. Nous, on devait lutter contre l'occupation de l'Est du pays par le Rwanda. On a failli en mourir. Le seul slogan était que si on vote celui qui vient de Kinshasa, lui il va réunir le pays, on va bouter les agresseurs, les occupants dehors.
Aujourd'hui, il y a une déception. Les gens se disent : on nous a promis les routes, où sont-elles ? On nous a promis une meilleure vie, elle ne vient pas. On nous a promis la gratuité de l'école pour le cycle primaire, mais la loi qui devrait accompagner ne vient pas. La parité homme-femme qui est garantie par la Constitution en son article 14, il n'y a pas la loi qui l'accompagne. A cause de toutes ces promesses non tenues, les gens se sentent désabusés et jugent inutile de se faire enrôler pour voter. Mais comme chez nous, la carte d'électeur tient lieu également de carte d'identité, puisqu'on n'a pas de carte d'identité, je demande aux gens de se faire enrôler pour pouvoir avoir cette carte et être identifié comme un Congolais majeur.
(c) Afriquinfos, 14.07.11