29.07.11 L'Observateur – L'ambassadeur Mohamed Ben Kaddour : " Le Maroc offre annuellement un quota de bourses aux étudiants congolais "

Ce crash a causé la mort d'environ 80 personnes. Parlant des relations bilatérales avec la RDC, l'ambassadeur a émis le vœu de voir les relations économiques et commerciales se hisser au même niveau que les relations politiques. Dans le domaine de la formation, il a mis en exergue le fait que le Maroc offre annuellement un quota de bourses aux étudiants congolais pour poursuivre des études supérieures dans des établissements marocains. Par ailleurs, il s'est étendu sur plusieurs thèmes, notamment : la signification que revêt la fête nationale de cette année, les conclusions du référendum constitutionnel, le contexte régional dans lequel le Maroc a adopté cette constitution,…Ci-après l'intégralité de cette interview. Lisez.

L'Observateur : Monsieur l'ambassadeur au moment où le peuple marocain célèbre sa fête nationale, quelle signification le peuple marocain entend donner cette année à cette fête.

M.B.K : l'instar des années précédentes, le peuple marocain célèbre le 30 juillet 2011la Fête du Trône marquant le XIIème Anniversaire de l'intronisation de Sa Majesté le Roi Mohammed VI sur le Trône de ses glorieux ancêtres. Dans de pareilles circonstances, le Souverain adresse un discours à la Nation qui dresse le bilan et les perspectives des réalisations accomplies par le Maroc. La célébration de cet Anniversaire revêt cette année une signification particulière du fait qu'elle intervient quelques semaines après l'adoption d'une nouvelle Constitution par le peuple marocain lors du référendum du 1er juillet 2011.

Cette réforme constitutionnelle fondamentale s'inscrit en droite ligne du discours fondateur du Trône prononcé le 30 juillet 1999 dans lequel le Souverain avait affirmé devant la Nation: " Nous sommes extrêmement attaché à la monarchie constitutionnelle, au multipartisme, au libéralisme économique, à la politique de régionalisation et de décentralisation, à l'édification de l'Etat de droit, à la sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés individuelles et collectives, et au maintien de la sécurité et de la stabilité pour tous".

Au cours des douze dernières années, le Maroc a accompli de profondes réformes sous l'égide de Sa Majesté le Roi qui n'ont épargné aucun secteur et lancé d'importants chantiers structurants qui ont consolidé l'économie nationale. Ces réformes et chantiers d'envergure ont obéi à une logique réfléchie et sereine qui agit sur le fond et dans la durée, en respectant la double démarche de la consolidation des acquis et de l'ouverture de nouvelles perspectives de développement.

Ces douze années ont connu l'inauguration de nombreux chantiers d'envergure, qui concernent en particulier le projet démocratique moderniste, le nouveau concept de l'autorité, les droits de l'homme avec le travail accompli par l'Instance Equité et Réconciliation, le code de la famille et la réforme du Code de la nationalité, l'Initiative Nationale pour le Développement Humain, la mise à niveau de l'économie ou encore la restructuration du champ religieux et des secteurs de l'enseignement, de la justice et du secteur de l'audiovisuel avec l'ouverture sur le secteur privé. Sans parler de la mise en place de la Commission Nationale des Droits de l'Homme et de l'Institution du Médiateur, de la Délégation Interministérielle des Droits de l'Homme. Le Maroc a également réussi à relever le défi d'organiser avec succès plusieurs consultations électorales législatives et communales, dont la transparence et la régularité ont été universellement reconnues. A cela, s'ajoute un vaste chantier concernant la mise en œuvre d'une politique de régionalisation avancée.

Il en est de même du lancement du Tanger-Med II et de la décision de construire un complexe portuaire intégré à Nador, tout aussi grandiose que le Tanger-Med, qui abritera un port en eaux profondes, un pôle énergétique et des plateformes portuaires et industrielles intégrées. Ces deux infrastructures, qui se pointent aux portes de l'Europe et à la croisée des plus importantes voies maritimes internationales, se situent dans le sillage de cette politique libérale menée par le Maroc et qui se propose de transformer les atouts du Royaume en investissements nationaux et étrangers, en postes d'emplois et en croissance économique forte et durable. Tout cela a été consolidé par un développement fulgurant des infrastructures routières, autoroutières, ferroviaires, portuaires et aéroportuaires qui offrent à l'économie marocaine autant d'outils pour accroître sa compétitivité.

Le secteur industriel marocain a connu durant les douze dernières années une véritable dynamique qui traduit la volonté du Maroc de moderniser son tissu industriel et d'être en phase avec les mutations internationales. Le Maroc a pu ainsi réaliser des avancées considérables en drainant des investissements industriels conséquents de grands opérateurs industriels de rang mondial. Le développement des secteurs industriels et de services, et d'autres secteurs connexes comme les BTP et les télécommunications, a permis au Maroc d'atteindre des objectifs de croissance moins sensibles aux aléas climatiques.

Pour accélérer la cadence de son développement industriel, le Maroc a réalisé durant les douze dernières années des avancées considérables dans la réforme de son secteur énergétique. Il a pris des orientations stratégiques visant à mettre à niveau le secteur énergétique du pays, selon une nouvelle vision prospective et ambitieuse. L'encouragement de l'initiative privée, la mobilisation des ressources renouvelables dans la satisfaction des besoins, la promotion de l'efficacité énergétique ou encore l'intégration de la protection de l'environnement, sont autant d'éléments structurant de cette nouvelle vision du secteur.

Il s'agit là de la première fête nationale célébrée après le référendum sur la réforme constitutionnelle, quelle lecture faite vous du résultat de ce référendum ?

Le projet de Constitution qui avait été soumis à référendum par Sa Majesté le Roi a été approuvé massivement par le peuple marocain, tant à l'intérieur du pays qu'à l'étranger. En effet, les résultats officiels communiqués par le Conseil constitutionnel ont fait ressortir que le projet de la nouvelle Loi fondamentale a été adopté par 9.909.356 de voix pour et 154.067 contre sur un total de 10.063.423 de voix exprimées. C'est donc un vote massif en faveur de la nouvelle constitution qui marque une adhésion totale du peuple marocain aux profondes réformes constitutionnelles initiées par SM le Roi Mohammed VI et qui scelle ainsi un nouveau pacte entre le Roi et son peuple.

Quels sont, selon vous, les principales nouveautés apportées par la nouvelle Constitution en termes de partage et d'équilibre des pouvoirs ?

La nouvelle Constitution du Royaume est fondée sur la séparation, l'équilibre et la collaboration des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire.

Elle instaure une séparation des pouvoirs dans le cadre d'un régime de monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale. Elle consacre une monarchie citoyenne, garante des fondamentaux de la nation, assurant des missions de souveraineté et d'arbitrage suprême.

Le texte constitutionnel abandonne toute référence à la sacralité de la personne du Roi, en lui substituant la notion, plus moderne, d'inviolabilité et de respect dû au Roi.

La nouvelle Constitution fait aussi une distinction explicite des pouvoirs du Roi, en tant que Commandeur des Croyants et en tant que Chef de l'Etat, représentant suprême de l'Etat, symbole de l'unité nationale et territoriale et nationale, assurant des missions d'arbitrage, garant du choix démocratique et des intérêts fondamentaux du pays.

La Loi fondamentale prévoit également que la législation est du domaine exclusif du Parlement.

Le Chef du gouvernement est nommé par le Roi au sein du parti arrivé en tête des élections législatives, et sera investi par la majorité absolue de la Chambre des Représentants, devant laquelle il est responsable. Il sera le véritable leader et meneur de l'équipe gouvernementale, disposant de l'administration, exerçant un pouvoir exécutif réel et ayant de larges prérogatives dans la nomination aux emplois civils. Le Conseil de Gouvernement deviendra le véritable lieu de détermination et de mise en œuvre de la politique de l'Etat.

Pour ce qui est du Parlement, celui-ci disposera de compétences renforcées, qui vont lui permettre d'exercer le pouvoir législatif, voter la loi et contrôler l'action du gouvernement et évaluer les politiques publiques. La nouvelle Constitution prévoit un bicamérisme consacrant la prééminence de la Chambre des représentants qui peut à elle seule mettre en jeu la responsabilité du gouvernement, avec une deuxième Chambre à effectif ramassé et à vocation territoriale comprenant également une représentation syndicale et professionnelle.

Par ailleurs, le domaine de la loi a été élargi de 30 à 60 matières, y compris 26 lois organiques : en particulier les garanties des droits et libertés, l'amnistie, le découpage électoral et les différentes sphères de la vie civile, économique et sociale.

La nouvelle Constitution prévoit d'autre part des mécanismes de contrôle parlementaire efficaces dont les quorums d'activation ont été assouplis: motion de censure; commissions d'enquête ; saisine de la Cour constitutionnelle ; provocation d'une session extraordinaire.

Elle instaure aussi un équilibre souple des pouvoirs entre le législatif et l'exécutif, avec un Gouvernement responsable devant la seule Chambre des représentants, laquelle peut être dissoute, non seulement par le Roi dans le cadre de ses prérogatives d'arbitrage et garantie de bon fonctionnement des institutions, mais également par le chef du gouvernement par décret.

S'agissant du pouvoir judiciaire, la nouvelle Constitution a hissé la justice au statut d'un pouvoir indépendant au service d'une protection réelle des droits et de l'assurance du respect des lois. Elle prévoit ainsi des garanties fondamentales d'indépendance constitutionnalisées en faveur des magistrats : Statut des magistrats renforcé par une loi organique et interdiction de toute immixtion dans l'action des juges, loin de toute injonction ou pression. Elle instaure également un Conseil supérieur du pouvoir judiciaire présidé par le Roi qui veille notamment à l'application des garanties accordées aux magistrats. Elle prévoit également la mise en place d'une véritable Cour constitutionnelle, gardienne de la suprématie de la Constitution.

Sur le plan identitaire, la nouvelle Constitution assure une consécration des fondements de l'identité marocaine, plurielle et ouverte en ce sens qu'elle réaffirme l'attachement du Maroc, en tant qu'Etat musulman souverain, aux valeurs d'ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la compréhension mutuelle entre toutes les civilisations de l'humanité. Elle stipule, d'autre part, que la nation marocaine fonde son unité sur la diversité assumée de ses affluents identitaires: arabité, amazighité, hassani, subsaharien africain, andalou, hébraïque et méditerranéen.

La nouvelle Constitution met, par ailleurs, l'accent sur un pacte linguistique refondé sur le pluralisme assumé et l'ouverture : Statut officiel de la langue arabe consolidé et officialisation de l'amazighe à travers un processus progressif d'intégration (école et domaines prioritaires de la vie publique). Elle prévoit, en outre, la création d'un Conseil national des langues et de la culture marocaine.

Sur le plan des droits et libertés fondamentales, la nouvelle Constitution stipule la primauté des conventions internationales, dûment ratifiées par le Royaume, sur le droit interne. Elle prévoit aussi le bannissement de toute discrimination, en raison du sexe, de la couleur, des croyances, de la culture, de l'origine sociale ou régionale, de la langue ou du handicap et l'affermissement d'une armature de droits et libertés, digne des sociétés démocratiques avancées.

Sur le plan de la gouvernance territoriale, la nouvelle loi fondamentale consacre la constitutionnalisation de la régionalisation avancée, édicte les principes directeurs de la régionalisation marocaine et définit les mécanismes pour une nouvelle configuration de l'organisation territoriale du Royaume fondée sur une réorganisation démocratique des compétences entre l'Etat et les régions.

La nouvelle Constitution définit, enfin, des principes forts en matière de bonne gouvernance, de moralisation de la vie publique et d'Etat de droit économique en insistant, notamment, sur le principe de corrélation entre l'exercice de responsabilités et de mandats publics et la reddition des comptes et en constitutionnalisant le principe de l'équilibre des finances de l'Etat.

A la différence des autres pays du Maghreb, le Maroc n'a pas connu de révolution violente et sanglante? Selon vous, qu'est ce qui peut expliquer cette situation?

Si le Maroc parvient à consolider son modèle de démocratie dans la paix et la sérénité dans un contexte régional en ébullition, ce n'est pas un fruit du hasard. Depuis toujours, le Maroc s'est résolument tourné vers la mise en œuvre de vastes réformes politiques, économiques et sociales qui lui ont permis de consolider son édifice démocratique et de développer une culture des droits de l'homme tels qu'ils sont universellement reconnus. Ces réformes ne datent pas d'hier. Elles sont le fruit d'une réflexion mûrement réfléchie et obéissent à notre propre agenda. Les énormes progrès réalisés vers la modernité, en totale harmonie avec notre authenticité, ont été menés selon un processus cadencé et bien maitrisé.

De plus, toutes les réformes que je viens d'évoquer ont été le fruit d'une approche participative et inclusive qui a associé toutes les composantes de la société marocaine, que ce soit les partis politiques, les syndicats et la société civile.

De mon point de vue, c'est cette culture du dialogue et de la concertation, cimentée par une monarchie citoyenne, qui a donné au peuple marocain un haut degré de maturité politique et qui a favorisé l'émergence d'un nouveau pacte entre le Trône et le peuple, scellé par le récent plébiscite en faveur de la nouvelle Constitution du Royaume.

Monsieur l'ambassadeur, pouvez-vous nous faire brièvement l'état des lieux des relations entre le Royaume du Maroc et la République Démocratique du Congo?

Comme vous le savez, le Royaume du Maroc et la République Démocratique du Congo ont tissé au fil du temps des liens d'amitié et de coopération qui se consolident davantage dans de nombreux domaines.

Dans le cadre de sa politique de solidarité agissante avec les pays frères et amis africains, le Maroc offre annuellement un quota de bourses pour permettre à des étudiants congolais de poursuivre des études supérieures dans les établissements marocains. Le Maroc offre également des places pédagogiques pour des formations de courte durée portant sur des domaines spécifiques qui intéressent la partie congolaise. Le système éducatif marocain, qu'il soit public ou privé, attire de plus en plus de nombreux Congolais. Beaucoup de cadres congolais ont été formé au Maroc, et certains d'entre eux ont reçu une formation dans des secteurs de pointe.

Cependant, beaucoup reste à faire pour hisser les relations économiques et commerciales au niveau des liens politiques exemplaires entre nos deux pays. Des missions multisectorielles marocaines de prospection ont fait le déplacement à Kinshasa et ont eu des contacts avec les institutionnels et les opérateurs économiques congolais. Ces efforts méritent d'être encouragés et poursuivis dans une perspective d'avantage mutuel. Le Maroc a accumulé un savoir-faire dans de nombreux domaines tels que l'agriculture, la pêche, l'habitat, l'eau et l'électricité qui peuvent profiter à nos partenaires congolais. L'économie de deux pays offre une multitude d'opportunités qui peuvent être mieux exploitées dans l'intérêt mutuel de nos deux pays. Des efforts, de part et d'autre, sont donc nécessaires pour faire fructifier ce potentiel, afin d'élargir davantage notre coopération bilatérale.

Propos recueillis par Luc-Roger Mbala Bemba et Didier Munsala Buakasa

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