18 08 11 Cinq questions à Florentin Mokonda Bonza (*)

Par  Marcel lutete

1. Les projecteurs de l’actualité
sont restés braqués sur la loi électorale et ses annexes. Lors de la
plénière du jeudi 11 août, vous avez fait un intéressant exposé sur la
question. Quels en ont été les traits dominants ?

Au regard des informations en ma possession, j’ai voulu attirer
l’attention de l’opinion nationale et de la communauté internationale
sur le caractère biaisé des élections en cours de préparation. D’abord,
le gros des préparatifs l’a été par les soins de l’ancien président de
la CEI, Abbé Malumalu. En outre, j’ai montré que le président de la CENI
n’est pas différent de son prédécesseur. Non seulement, il participe
aux réunions de la majorité, mais en plus, dès qu’il a pris ses
fonctions, c’est à Lubumbashi et non à Kananga, Mbandaka ou Kisangani
qu’il a organisé son premier séminaire. Sa neutralité et son
indépendance ne peuvent qu’être mises en cause. Il sied de rappeler que
les démarches de l’Opposition visant à inviter les entreprises
prestataires qui ont soi-disant nettoyé le fichier électoral pour de
plus amples éclaircissements ont été bloquées par les représentants de
la majorité présidentielle au Sénat. Enfin, la Commission a découvert
que la CENI a créé des centres d’inscription additionnels dans trois
provinces : Katanga, Kasaï Occidental et Kasaï Oriental. Elle a préféré,
par contre, faire la sourde oreille aux réclamations émanant d’autres
provinces, notamment le Bandundu, l’Equateur et la Province Orientale.
Il est scandaleux de noter que rien qu’au Katanga, la CENI a créé 441
centres additionnels. On comprend alors son score qui ne fait
qu’accroître sa représentation au détriment d’autres provinces.

2. Quel résumé trouvez-vous le mieux approprié pour
traduire le déroulement du processus de révision du fichier électoral
pour l’ensemble du pays ?

D’abord, nous commettons une erreur quand nous parlons de révision
du fichier électoral. En réalité, il s’est plutôt agi d’un nouveau
fichier. Les spécialistes des élections affirment que les élections se
gagnent en amont. C’est ce que la CENI a démontré à travers le processus
d’enrôlement. Ensuite, la CENI n’a jamais publié le fichier électoral
des provinces du Bas-Congo et du Maniema, en dépit de toutes les
réclamations. Manifestement, elle n’est pas dans un schéma de vérité et
de transparence. La CENI, et en particulier son président, cherchent à
mettre le feu aux poudres.

3. Et dans la Province Orientale… ? Quelle est la situation
qui se dégage de l’état des infrastructures, routières notamment, en
les mettant en face du processus électoral ? Quels risques la LRA
fait-elle charrier à travers sa présence dans la région, en rapport avec
la tenue de prochaines élections ?

En Province Orientale, dans certains terroirs, la population a boudé.
Elle ne s’est pas enrôlée. Il y a plusieurs raisons : bilan totalement
négatif du pouvoir, promesses non tenues, état avancé de dégradation du
réseau routier, présence des troupes étrangères (UPDF et LRA) et
insécurité persistante causée par les LRA. Comment la CENI va-t-elle
distribuer le matériel électoral dans une partie de Tshopo et du
Haut-Uélé et dans tout le Bas-Uélé ? Je voudrais bien le savoir !

4. Quelles leçons avez-vous tirées, à ce stade du parcours,
de la prestation de la CENI ? Quelle note lui attribuez-vous ? L’avenir
du processus électoral se présente-t-il sous d’heureuses perspectives
ou non ?

La communauté internationale et une partie de la majorité
présidentielle sont satisfaites de la mission accomplie par la CENI.
Pour ma part, j’ai beaucoup d’inquiétudes par rapport au nettoyage du
fichier électoral, au calendrier qui doit nécessairement glisser, à la
date des élections couplées, à la transparence des opérations, à la
publication des résultats des élections présidentielle et législatives.
Mon jugement sans doute sévère trouve sa justification dans : *les
nombreuses questions pertinentes posées au cours du débat général au
Sénat, questions restées sans réponses ; *l’analyse sommaire réalisée à
partir des données communiquées par le Bureau de la CENI, très souvent
contradictoires avec celles qui viennent des services de la CENI en
province. C’est dire que les perspectives ne sont pas bonnes. Au 16 août
2011, les annexes n’ayant pas été promulguées par le chef de l’Etat, la
CENI doit obligatoirement réajuster son calendrier. Organiser quand
même les élections le 28 novembre, c’est tirer par les cheveux et je ne
peux que craindre pour l’avenir du processus et surtout de notre pays.

5. N’entrevoyez-vous pas, dans ce cas, l’éventualité
d’élections truquées où, comme le soutient déjà une certaine opinion, le
peuple risque d’être floué avec des élections ne reflétant pas le vœu
de la population congolaise ?

Nous l’avions déjà vécu en 2006 et au niveau de la communauté
internationale, les langues se sont déliées à partir de 2008. Il faut à
tout prix éviter la réédition du passé. L’histoire récente de la Côte
d’Ivoire en dit long. A mon humble avis, il est préférable de réunir
tous les préalables avant d’organiser des élections crédibles et
apaisées. Nous réclamons l’audit du fichier électoral par un bureau
d’études international neutre. Deux provinces, le Bandundu et
l’Orientale, pour ne citer que celles-là, réfutent dans plusieurs
circonscriptions les données de la CENI. Tenez ! Au terme de l’opération
d’enrôlement, la CENI a détecté 2.106.812 doublons. Elle prétend
qu’après l’opération du nettoyage, 119.941 doublons seulement ont été
confirmés (sic). Que sont devenus les 1.986.871 autres. Il y a mieux !
Dans un courrier du 26 juillet 2011, le contrôleur technique principal
de l’antenne de Gungu (Kwilu), transmet au secrétaire exécutif national
le rapport de l’opération d’enrôlement : 375.621 inscrits. Tandis que
les annexes que la CENI transmet au Parlement, renseignent 303.506
enrôlés pour la circonscription de Gungu. Où sont passés les autres
72115 ? Est-ce des doublons ? Si c’est le cas, alors le territoire de
Gungu, à lui tout seul, a enregistré 60% de doublons de l’ensemble du
pays. C’est tout simplement ridicule !

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