20.08.11 L'Observateur – Pour la survie : La vente des appareils électroménagers d'occasion: une aubaine pour la Congolaise
Même les femmes cadres abandonnent parfois le travail de bureau pour se lancer dans le secteur informel. Quand elles ne le font pas à mi-temps comme c'est le cas de la quinquagénaire Jeanine Ntinu, fonctionnaire. " L'informel, ça paie bien et mieux même que le salaire versé par l'Etat," dit-elle en souriant. " En peu de temps, on fait de gros bénéfices. Si l'on se fie uniquement au maigre salaire versé par l'Etat qui ne tombe d'ailleurs jamais à une date régulière, nos enfants risqueraient de ne pas pouvoir étudier."
Mère de sept enfants et grand-mère de trois petits enfants, Jeanine vend des appareils électroménagers d'occasion qu'elle achète au port de Matadi, ville située dans la province du Bas-Congo à l'ouest de Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo (RDC).
Ces appareils électroménagers d'occasion (fer à repasser, cuisinière à plaques, cafetière, four à micro-ondes, réfrigérateur, etc.) qui sont en réalité déclassés en Europe, sont achetés par certains Congolais qui viennent les revendre au pays. Et ils font de bonnes affaires.
Jeanine tient ce commerce depuis bientôt quatre ans. " C'est mon mari qui m'a propulsée dans cette affaire", confie-t-elle. "Voyant que nos revenus n'arrivaient plus à couvrir nos charges familiales, nous étions obligés de faire quelque chose pour subvenir à nos besoins, notamment assurer la scolarisation des enfants. J'ai alors ouvert une petite terrasse où j'ai vendu des boissons et des grillades. Mais j'ai fini par abandonner cette affaire sur les demandes insistantes de mon mari qui se plaignait de mes rentrées tardives à la maison. Car je devais me rendre à la terrasse chaque soir après le service pour clôturer les comptes avec le barman et préparer les achats du lendemain. J'ai décidé de fermer boutique et quelques mois après mon mari m'a proposé de vendre des appareils électroménagers d'occasion."
Au début Jeanine hésite. Elle finit par se laisser convaincre quand son mari lui remet comme fonds de départ la somme de 700 dollars américains. C'est ainsi qu'elle se rend pour la première fois à Matadi. "Comme toujours, mes débuts n'ont pas été faciles mais aujourd'hui je vous assure que les clients ont mordu à l'hameçon de mon mari."
Jeanine se rend dans cette ville portuaire une fois le mois pour faire ses achats. Si la demande est grande, elle s'y rend deux fois le mois. Si autrefois, elle allait acheter des appareils électroménagers généraux, aujourd'hui elle a une clientèle sûre qui lui passe commande. Alors elle tient compte de leur demande. " Je reçois des commandes des amies de mon département au bureau qui me demandent soit un fer à repasser, soit une cuisinière, soit un congélateur ou encore un four à micro-ondes. En sus des appareils électroménagers, je vends aussi des tapis d'occasion, des ustensiles de cuisine, du matériel pour les salons de coiffure. Je ne laisse passer aucune occasion pour me faire de l'argent," affirme-t-elle avec assurance.
Mère Jeanne, comme l'appellent affectueusement ses collègues de bureau, pratique aussi la vente à crédit. "Pour des appareils électroménagers qui coûtent moins de 50 dollars," explique-t-elle, "mes clients ont un délai de deux semaines pour payer. Pour les gros appareils tels que les congélateurs, je peux leur accorder un crédit allant jusqu'à un mois. Et je suis contente car mes clients me paient sans trop faire de difficultés."
Ambitieuse, Jeanine envisage carrément d'ouvrir dans un futur proche une boutique d'appareils électroménagers d'occasion. Ce rêve n'est pas loin de se réaliser. Devant sa parcelle de terre, elle fait actuellement construire un local qui devrait lui servir de point de vente. " Mais je dois d'abord être en règle avec le fisc. Il faut obtenir certains documents et payer des frais pour être à l'abri des tracasseries administratives de l'Etat ". Elle les rencontre surtout à Matadi lorsqu'elle va commercer.
Son souci est que l'autorité mette de l'ordre dans ce secteur pour permettre aux petits commerçants de gagner un peu d'argent. "Nous contribuons à la lutte contre la pauvreté et le gouvernement congolais a le devoir de protéger les petits entrepreneurs qui font marcher le secteur informel."
Conformément aux objectifs du Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement que la RDC a signé et ratifié récemment, le gouvernement congolais doit désormais soutenir de telles initiatives en mettant en place un cadre approprié pour permettre aux femmes qui œuvrent dans le secteur informel de travailler dans un climat prospère des affaires et ainsi favoriser leur indépendance économique et leur autonomisation. Il y va de sa réputation sur le plan international. Cet article fait partie du service de commentaires et d'opinions de Gender Links.
Blandine Lusimana T.
(c) L'Observateur, 20.08.11