14 12 11 Rfi : Interview : La chef de la mission européenne évoque un «manque de transparence» dans la publication des résultats en RDC



 

RFI : Mariya Nedelcheva, bonjour.
Pour vous, ces élections sont-elles crédibles ou non ?

Mariya Nedelcheva : La réponse
à cette question simplifierait bien les choses. Pour la mission, il s’agissait
d’observer, d’analyser toutes les étapes du processus électoral et, à la fin, de
bien différencier certains aspects de ce processus qui pourraient entamer la
confiance dans les résultats définitifs.

 RFI : Vous vous penchez en effet
sur toutes les étapes du dépouillement. Vous dites que la Céni [Commission
électorale indépendante] a bien publié les résultats détaillés, bureau de vote
par bureau de vote. Le problème, dites-vous, c’est qu’elle n’a pas publié les
originaux ?

 M. N. : Pour nous,
effectivement, il y a un problème de manque de transparence. Si la Céni a
finalement publié des résultats détaillés par bureau de vote, ces résultats ne
comprennent pas les procès-verbaux scannés de chaque bureau de vote, établis à
la fin du dépouillement. Et donc, les résultats publiés ne reprennent que la
saisie informatisée des PV qui ont été réalisés au sein des centres locaux de
compilation des résultats. Mais pour nous, il reste que la publication de chaque
PV des bureaux de vote sur le site de la Céni, est une garantie qui permettrait
de voir que les résultats tels qu’ils ont été annoncés reflètent la
réalité.

 RFI : Sur le terrain, le soir du
vote, je crois qu’un certain nombre de vos équipes ont noté des résultats bureau
de vote par bureau de vote. Ces résultats correspondent-ils avec ceux qui ont
été publiés par la Céni ?

 M. N. : Nous avons des
exemples qui montrent bien que les résultats publiés par la Céni ne sont pas les
résultats que nos observateurs à nous, suite à l’observation directe, ont pu
constater. C’est notamment le cas à Lubumbashi.

 RFI : Vous vous penchez également
sur la phase cruciale de collecte des résultats au niveau des 169 centres de
compilation et vous dites que, dans plusieurs de ces centres, les témoins des
différents candidats ont été empêchés d’observer ces opérations. Que s’est-il
passé ?

 M. N. : Au niveau des centres
locaux de compilation des résultats, l’une des garanties était la présence,
justement, des témoins des candidats ou des partis politiques à toutes les
étapes de la compilation. Il fallait également avoir leur signature sur la fiche
de compilation et le procès verbal. Or, dans un certain nombre de bureaux, les
témoins des candidats et des partis politiques n’ont pas pu assister à cette
phase cruciale, ce qui pour nous pose la question de la transparence et surtout
de la garantie par leur biais de la crédibilité de ces élections.

 RFI : Vous dites que, contrairement
à la loi, les résultats de ces centres de compilation n’ont pas été affichés
?

 M. N. : Effectivement,
l’affichage public des résultats agrégés au niveau du territoire -je vous
rappelle qu’il s’agit de l’article n°70 de la loi électorale-, devait justement
permettre de s’assurer que les résultats sont publics. Or cela n’a pas été fait.
On pourrait citer notamment les territoires du Katanga, le Sud-Kivu, Kinshasa,
la province Orientale également. Et donc pour nous, c’est d’autant plus
inquiétant que par la suite, le bureau de la Céni a demandé à plusieurs centres
locaux de compilation de résultats de ne pas afficher immédiatement les
résultats de la compilation. Ils devaient d’abord les envoyer au siège de la
Céni ; par ailleurs, on n’a pas d’explications raisonnables quant au retard pour
ce qui est de l’affichage public.

 RFI : Autre étape au niveau
national au siège de la Céni à Kinshasa, vous dites que témoins et observateurs
n’ont pas eu accès au centre national de traitement ?

 M. N. : Effectivement, ni les
observateurs, ni d’ailleurs les témoins des candidats des partis politiques,
n’ont pu entrer et voir comment cela fonctionne dans ce centre national de
réception des résultats.

 RFI : Vous dites que l’absence de
témoins, lors de cette phase nationale de consolidation des résultats, ne peut
qu’affecter la confiance dans les résultats annoncés et leur crédibilité. Selon
vous, est-ce que toutes ces irrégularités peuvent avoir modifié l’ordre
d’arrivée des candidats ou pas ?

 M. N. : Répondre à cette
question n’entre pas dans le cadre de notre mandat. En revanche, ce qui relève
de notre mission, c’est de continuer à insister sur le fait que la confiance
dans les résultats affichés passe justement par ces différentes étapes au cours
desquelles les observateurs devaient voir ce qui s’est passé le jour du
vote.

 RFI : Et donc votre confiance est
affectée ?

 M. N. : Notre confiance est
susceptible d’être encore plus affectée si l’on continue à constater des manques
qui, pour nous, sont essentiels à toute élection qui se veut transparente et
crédible. Et donc on continue à suivre les choses de près.

 RFI : Donc en clair, vous n’avez
pas confiance en ces résultats ?

 M. N. : Non, on ne peut pas
dire ça. La confiance, ce sont les citoyens congolais qui doivent l’avoir, ce
sont ceux qui ont voté. Ce n’est absolument pas à la mission d’observation
électorale internationale de dire si nous avons confiance ou pas. On a été
invités pour observer un processus, pour voir dans quelle mesure il respecte les
standards internationaux et là, notre travail s’arrête une fois que nos
conclusions sont rendues publiques.

 RFI : A partir de là, que faut-il
faire : recompter ? Est-ce qu’il faut annuler ?

 M. N. : Ce n’est certainement
pas à nous de donner la solution. Il relève essentiellement de la responsabilité
des acteurs politiques congolais et des autorités congolaises de décider comment
le processus peut continuer.

 RFI : Si aujourd’hui vous étiez
juge à la Cour suprême à Kinshasa, que diriez-vous ?

 M. N. : On suit également de
près, moi et mon équipe, ce qui va se passer car la mission d’observation
électorale de l’ONU et de l’Union européenne s’inquiète d’un fait : jusqu’ici,
ses observateurs n’ont pas eu accès aux arrêts de la Cour suprême de
justice.

 RFI : C’est-à-dire que là aussi, il
y a un manque de transparence ?

 M. N. : Il y a un manque de
transparence. Jusqu’ici, les délibérations de la Cour suprême de justice étaient
faites en séance publique, dorénavant elles se font à huis clos. Aussi cette
question de la confiance est importante. Ils peuvent décider de délibérer à huis
clos, mais il faut que tous les éléments garantissant la transparence soient
présents, et à ce moment-là, notre confiance dans la Cour suprême de justice
sera plus importante.

 RFI : Sinon elle sera affectée
?

 M. N.
:
 Oui.

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