11.01.12 Le Potentiel – Cinq questions à Serge Bokana W’ondangela

1. Vous avez été candidat aux élections législatives nationales de 2011 à Ingende. Parlez-nous du déroulement de ce scrutin dans cette partie de la province de l’Equateur?

Le scrutin législatif dans le territoire d’Ingende a été émaillé de beaucoup d’irrégularités. Je peux affirmer sans crainte d’être contredit qu’Ingende constitue un cas d’école parce qu’il pose la question de savoir quelle sorte de démocratie les Congolais veulent construire. Concrètement, nous avons dénoncé: le bourrage des urnes et la falsification des résultats de vote dans plusieurs centres, la corruption des électeurs avant leurs accès dans les bureaux de vote, la corruption et les tentatives de corruption des agents de la CENI, le transport des bulletins de vote par certains candidats, le refus de signer les procès-verbaux, la délocalisation du centre de compilation d’Ingende à Mbandaka, etc. Il y a lieu de relever la violence électorale délibérément planifiée et entretenue par certains candidats avec la bénédiction des agents de l’ordre appelés à sécuriser les opérations électorales. A cet égard, nous avons dénoncé plusieurs cas de brutalité à l’encontre des agents de la CENI, des témoins des partis politiques et même un cas de viol d’un agent de la CENI.

2. Actuellement, beaucoup de voix s’élèvent à travers le pays pour demander l’annulation de ce scrutin et l’organisation de nouvelles élections législatives. Qu’en dites-vous?

La RDC comporte 169 circonscriptions électorales. Si les cas de contestation des résultats des législatives sont légion, nous devons reconnaître que dans certaines circonscriptions, les élections se sont plutôt bien déroulées. Toutefois, là où des contestations ont été enregistrées, des corrections doivent être apportées. Nous espérons que le bureau de la CENI a parfaitement conscience de l’obligation morale et politique qu’elle a de sauver le processus électoral. Cela pourra se faire par le biais d’un recomptage des voix et si cela n’est pas possible, par l’organisation d’un nouveau scrutin. Dans le cas d’Ingende, un collectif comprenant les partis et regroupements politiques des candidats mécontents (MSR, UDPS/Tshisekedi, PPPD, RRC, ADEMO, DDC, MLC, UFC, PALU, UCL, UNC, ATD, etc.) a été créé et réclame l’annulation totale et l’organisation d’un nouveau scrutin. Ainsi, nous saluons l’arrivée des experts internationaux en RDC et osons croire que leur venue aura un impact très positif.

3. La première législature de la 3ème République arrive bientôt à son terme. Quel bilan faites-vous de l’action des autorités provinciales?

Bien que deux ou trois provinces ont su tirer leur épingle du jeu, globalement, le bilan est négatif. Convaincus que l’action de l’Etat a montré ses limites et que certaines solutions devaient être conçues et mises en place au niveau provincial ou local, les constituants ont opté pour la décentralisation. L’objectif était de créer des centres d’impulsion et de développement à la base. Mais cinq années après, la question est de savoir les bénéfices tirés par la population de cette décentralisation. Il est vrai que la rétrocession attendue n’est venue qu’à compte goutte, mais il y a lieu de reconnaître que la plupart des responsables provinciaux n’ont pas sû anticiper ces évolutions majeures en fédérant les énergies autour d’un projet commun et d’une vision partagée de l’avenir. Conséquence : nos populations paient aujourd’hui au prix fort cette passivité. J’espère que la prochaine législature inaugurera une nouvelle ère de développement et de prospérité. Pour ce faire, il faudra mettre en place dans la plupart de nos provinces, un nouveau mode de gouvernance.

4. Quels sont, d’après vous, les grands enjeux des cinq prochaines années ?

La restauration de l’autorité de l’Etat, l’amélioration des conditions de vie de la population et l’emploi des jeunes constitue, selon moi, les grands enjeux de cinq prochaines années. Au cours de ces dernières décennies, les structures étatiques ont été quasiment détruites. Il faut beaucoup de temps pour les rétablir. Certes, des progrès ont été accomplis mais beaucoup reste à faire. Concrètement, il s’agira d’investir dans la réforme, la formation et la rémunération des FARDC, de la Police et des services de sécurité. Dans le domaine de la justice, il faudra renforcer la lutte contre la corruption et le phénomène kuluna. A cet égard, nous devons réfléchir sur l’élaboration d’une procédure spéciale pour délinquants mineurs. Et pour améliorer les conditions de vie de la population, il faudra investir solidement le terrain social: la santé, l’accès à l’éducation, le logement, etc. Enfin, il faudra mettre en œuvre un programme d’action pour l’emploi des jeunes.

5. Vous venez de créer une fondation dénommée Fondation Joseph Bokana W’ondangela dont vous êtes le président. Quels sont ses objectifs ?

Je souhaiterais tout d’abord rappeler que j’ai créé cette fondation en mémoire de mon père, feu Bokana W’ondangela qui trouva la mort dans un accident d’avion le 27 juin 1992. Ce grand commis de l’Etat fut pour ceux qui l’ont connu, un homme d’une grande probité morale. Conscient que le développement du Congo ne serait pas le fait du hasard, feu Bokana était convaincu qu’il fallait faire de l’enseignement une priorité politique, la clé de voûte de notre développement économique. Vous savez, au début des années 70, la RDC possédait l’un des systèmes éducatifs les plus performants d’Afrique et dont la renommée s’étendait au-delà des frontières nationales. Malheureusement, nous n’avons pas sû maintenir le cap. Bien au contraire! La réforme du système éducatif constitue donc un enjeu majeur. Interpellée par le désengagement de la Puissance Publique, la Fondation Bokana a de fortes ambitions dans ce domaine. Ainsi, elle compte encourager une politique de renforcement des capacités des élèves et étudiants congolais, appuyer la réhabilitation des infrastructures scolaires, etc. Outre le domaine d’éducation, la Fondation a, entre autres, pour objectifs: d’inciter au développement de l’élevage, de créer des centres pilotes de développement communautaire, de lutter contre la dégradation de l’environnement…

Président d’Octopus african contractors de la Fondation Bokana W’ondangela

© Le Potentiel 2005

Par Albert tshiambi

 

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