18 04 12 Congoindependant – Questions directes à Frédéric Boyenga Bofala, Président lUNIR-MN
Comment allez-vous ?
Comme vous pouvez le constater, je me porte bien !
Un humoriste aurait dit que vous êtes un «mort» qui se porte bien puisque
votre «décès» a été annoncé sur le «Net» au lendemain des explosions survenues
à Brazzaville…
Avant de répondre à votre question, je tiens à mincliner devant la mémoire des
victimes de ce tragique évènement. Ce drame a affecté les Congolais de
Brazzaville bien sûr mais aussi certains de nos compatriotes. Jai une pensée
pour les familles endeuillées. Pour répondre à votre question, je constate que
ce nest pas la première fois quon raconte des «histoires» sur mon compte. Il
est assez surprenant que daucuns soccupent de mon «sort» au moment où notre
pays vit une véritable tragédie.
«Il ny a pas de fumée sans feu», dit un adage. Qui, selon vous, aurait
intérêt à propager ce genre de «ragot» à votre sujet?
Ma réponse est simple : ceux qui me redoutent et veulent me déstabiliser.
En rapport avec les explosions de Brazzaville, les internautes ont fait
allusion à vos "contacts" avec des éléments des ex-Forces armées
zaïroises refugiés au Congo-Brazzaville. Quen est-il exactement ?
Je peux avouer que depuis 2004, mon parti entretient des «relations
privilégiées» avec certains groupes des militaires ex-Faz de Brazzaville mais
aussi dailleurs. Cest un secret de Polichinelle dans la mesure où certains
dentre eux avaient fait une déclaration solennelle à ce sujet.
Votre silence après lannonce de votre «décès» avait surpris. Que
répondez-vous à ceux qui pourraient vous suspecter davoir lancé vous-même
cette «annonce» afin quon parle de vous ?
Cest une hypothèse qui relève de la psychiatrie. Chez nous les Bantous, la
mort est un sujet tabou. Il incombe à lauteur de ce «ragot» de répondre à
votre interrogation. Cest le lieu dattirer lattention de mes compatriotes
sur les informations postées sur Internet. Les infractions commises via le
«Net» sont aujourdhui réprimées. Il est aujourdhui aisé de suivre la trace
dun message jusquà localiser son émetteur. Je nai pas réagi pour la simple
raison quen mengageant en politique, je mattendais à recevoir des «coups».
Revenons à Brazzaville. Il me semble que des gens «bien informés» me suivaient
à la trace. Le quartier où jai lhabitude de résider à Brazzaville a été
entièrement détruit. Ces «gens là» imaginaient sans doute que je me trouvais
sur le lieu au moment des déflagrations et que je ne pouvais réchapper.
Comment se porte votre parti ?
Notre parti se porte bien ! A preuve, ce dernier ouvrage «Au nom du Congo-Zaïre
et de son peuple» que je viens de publier. Nos propositions y sont détaillées.
La sortie de cet ouvrage a coïncidé malheureusement avec la mort à Bruxelles du
2ème vice-président Antoine Nakofio Modwale. Il avait en charge les questions
économiques. Je tiens à saluer sa mémoire. Je vous dirai que notre formation se
porte bien dans sa singularité. Je sais que mon silence est perçu comme un
signe dinaction.
Il est vrai que lopposition est jugée sur son discours, les gouvernants le
sont sur leurs réalisations…
Je vous ai toujours dit que lUNIR-MN ne fait pas partie de lopposition.
Je viens de lapprendre …
Notre formation politique ne se reconnaît nullement en cette opposition qui se
livre à un petit jeu avec la «majorité» en place. LUNIR-MN fait partie de la
«Résistance». Dans louvrage précité, je donne ma vision sur lavenir du Congo.
Cest un message que jadresse au peuple congolais.
A la page 70 de votre livre, il est écrit : «Le renversement de ce régime
irresponsable au Congo est la meilleure chose quon peut offrir au peuple
congolais aujourdhui. Mais ne pas apporter des solutions immédiates et
urgentes aux graves économiques et sociaux que vivent ces populations au
quotidien serait la pire de chose quelle redoute ouvrant ipso facto la voie à
léchec et à la méfiance à ce changement voulu et souhaiter de tout leur cœur».
Question : Comment envisagez-vous de renverser ce «régime irresponsable»?
Avant la tenue des élections, javais mis les forces de lopposition en garde
sur le risque daller aux élections de "manière inconsidérée". Il
fallait prendre le temps de la «réflexion structurée» pour mettre en place une
véritable stratégie daction pour amorcer le Changement. On ne pouvait pas
aller aux élections avant de mettre sur pied une véritable «résistance armée».
Et ce pour la simple raison que les résultats des consultations politiques
étaient connus davance. Personne ne ma écouté…
Cela fait bientôt quinze ans quon parle dune hypothétique «résistance
armée»…
Je ne suis pas daccord avec vous. La situation actuelle est différente de
celle qui prévalait à lépoque de lAFDL (Ndlr : Alliance des forces
démocratiques pour la libération du Congo). LAFDL a été initiée par la
«communauté internationale» pour abattre le régime du président Mobutu. Je peux
vous assurer quaucune opposition armée ne pourrait voir le jour au Congo sans
un dialogue préalable avec le «monde extérieur». Il faut un «dialogue
structuré» qui clarifie les objectifs. Pour ce faire, les Congolais doivent
sorganiser. Ils doivent se rassembler…
Qui doit rassembler qui ?
Il vous souviendra que notre parti avait organisé une conférence à Bruxelles
avec la participation de la sénatrice Cynthia Mc Kinney et du journaliste Charles
Onana. A lissue de cette rencontre, javais approché les responsables de
lUREC dOscar Kashala. Le secrétaire général de lUNIR-MN avait pris langue
avec les représentants de lUDPS. Il y a eu des discussions avec M. Félix
Tshisekedi Tshilombo. Jai dit à mes interlocuteurs que les élections au Congo
ne se gagnent pas dans les urnes. Elles se gagnent par des manipulations
informatiques.
On ne va pas refaire lhistoire…
Certes, on ne va pas refaire lHistoire mais nous ne pouvons pas ignorer
lHistoire. Il nest pas trop tard. Les signaux là ! Que voit-on ? Nous voyons
un président qui se dit «élu» et dont la cérémonie dinvestiture a été désertée
par ses pairs. A lexception du Zimbabwéen Robert Mugabe. Ces derniers temps,
des rapports accablants sur la la violence et la fraude électorale au Congo se
suivent. Le cinéaste belge Thierry Michel vient de nous donner une sorte de
«bonus» avec le film-documentaire sur lassassinat de Floribert Chebeya et
Fidèle Bazana.
Comment expliquez-vous lindolence ambiante ?
Cette situation est due au fait que lhomme congolais est émotif. Les Congolais
aiment les «mythes» et les «légendes». Un jour, on entend dire : «Nous sommes
tous derrière tel leader». Est-on sûr que cette personne dispose de moyens de
sa politique pour renverser le système en place ? Je peux vous dire que le
passage que vous avez épinglé à la page 70 de mon ouvrage a toute sa
signification.
Sauf que vous ne dites rien sur le modus opérandi…
Cest à nous à «nous organiser». Je suis seul avec mon parti.
Etes-vous entrain de dire que lopposition congolaise est incapable de se
rassembler ?
Effectivement! La cause de cette incapacité à sunir se situe au niveau de
certains leaders dits «charismatiques». Cest ainsi que jestime que les
Congolais doivent faire une autre lecture de lHistoire de leur pays. Nous
devons arrêter de nous accrocher à des «mythes» et autres «légendes» pour
identifier «léquipe qui peut gagner» ; lhomme qui peut nous conduire à la
victoire.
A propos de "mythes", faites-vous allusion à Etienne Tshisekedi wa
Mulumba ?
Je ne cite personne. Je suis simplement entrain de constater certaines
faiblesses qui affectent les forces de lopposition. Tout en saluant le courage
de M. Tshisekedi, je considère quil faut parfois se dire des vérités lorsque
certaines choses ne marchent pas au sein de la «famille». Vous avez suivi
autant que moi la ferveur suscitée au sein de la population congolaise tant à
lintérieur quà lextérieur lorsque M. Tshisekedi sest proclamé «Président
élu».
Si vous étiez en face dEtienne Tshisekedi, que lui diriez-vous?
Je lui dirai avec tout le respect que je lui dois que sa stratégie a peu de
chance daboutir. Dès lors, quil a constaté les fraudes et les irrégularités,
il aurait dû réagir. La population a attendu en vain le «mot dordre» pour
renverser le régime en place. Dailleurs, larticle 64 de la Constitution
confère cette prérogative aux citoyens congolais. Il ny a que M. Tshisekedi
qui pouvait donner cette "instruction" en vertu de sa «légitimité
morale».
Depuis près de cinq mois, Etienne Tshisekedi est assignée à résidence de
facto sans que personne ne bouge à Kinshasa. Devrait-on parler dun problème de
rapports de force en défaveur de lopposition ?
Jai plutôt le sentiment que lopposition ne veut pas renverser les rapports de
force. En 2006, les élections étaient entachées de fraudes et irrégularités. A
lépoque, la «communauté internationale» navait pas bronché. Aujourdhui, elle
dénonce des graves dysfonctionnements et des violations des droits humains.
Tout indique donc que la donne a changé. Que fait lopposition congolaise ?
Devrait-on paraphraser lex-président ivoirien Laurent Gbagbo qui disait
lors de la dernière élection présidentielle en Côte dIvoire qu«il ny a rien
en face»?
Je ne suis pas loin de paraphraser Laurent Gbagbo. Avant et après les
élections, les Congolais nhésitaient pas à manifester leur mécontentement. On
a assisté à des "démonstrations" même ici en Europe. Vous le savez
autant que moi que plusieurs compatriotes ont payé de leurs vies au Congo.
Voilà pourquoi la population attendait un «message politique». Un mot dordre.
Selon vous donc, le Congo-Kinshasa est dirigé par un pouvoir illégitime qui
se maintient par la force. Ma question est simple : Que faire ?
Jai déjà fait des propositions à lUDPS. Vous comprendrez que je mabstienne à
étaler nos stratégies et actions futures dans un organe de presse…
Plusieurs opposants tiennent ce même discours…
Que faire après les fraudes massives constatées lors des élections du 28
novembre? Ma réponse est simple : il faut renverser le régime en place à
Kinshasa. Jai tendu la main au président de lUDPS.
Selon vous, les députés élus de lopposition doivent-ils oui ou non siéger à
lAssemblée nationale ?
Cest encore un problème dabsence de stratégie. Comment pourrait-on reprocher
à certains élus de siéger à lAssemblée nationale lorsquils disent avoir battu
campagne avec leurs propres moyens financiers ?
LUDPS a décidé dexclure ses députés qui siègent à la Chambre basse. Quelle
est votre réaction ?
Je vous répondrai par une autre question : pourquoi, sommes-nous allés aux
élections ? Que peut-on reprocher à ces élus lorsque lensemble de la
population congolaise qui soppose au régime attend désespérément le «mot
dordre» du Président élu? Je ne suis pas entrain daccabler le président
Tshisekedi. Je ne fais que dire la vérité. Je sais que les personnalités de
lopposition qui siègent à la Chambre basse seront traitées de «collabos»,
selon la formule désormais consacrée. Je peux vous assurer que les membres de
lUNIR-MN nauraient pas siégé à lAssemblée nationale. Il est temps que nous
arrêtions de chercher ailleurs les responsables de nos «malheurs». Nous avons
un grosse part de responsabilité dans la situation difficile que traverse notre
pays. Il me semble que lheure de lautocritique est arrivée pour corriger nos
erreurs.
Quelles sont, selon vous, les erreurs commises ?
Lexclusion constitue, à mes yeux, la plus grosse erreur. Il reste que jai
fait le pas en tendant ma main. Cette main ne restera pas tendue éternellement.
Sil vous était donné de rencontrer «Joseph Kabila», que lui diriez-vous ?
Une telle rencontre est inenvisageable : il ny a en réalité rien à dire à
Joseph Kabila car «son régime est néfaste pour le Congo».
Vous avez connu personnellement Floribert Chebeya. Comment avez-vous
accueilli la nouvelle de sa mort ?
Dans mon ouvrage, je rends hommage à mon ami Chebeya. Cest vous dailleurs qui
me lavez présenté. Depuis notre premier contact, nous étions restés très
proches. Nous devrions dailleurs nous rencontrer à Brazzaville. Hélas ! Jai
écrit dans mon livre que je porte un deuil pour les militaires zaïrois tués par
le régime de Kinshasa en 2003 parce quils se réclamaient de lUNIR-MN.
Aujourdhui, je porte aussi un deuil pour Floribert Chebeya. Je vous révèle
QuArmand Tungulu Mudiandambu militait dans notre parti. La veuve Tungulu le
sait. Je peux vous dire que ceux qui ont une part de responsabilité dans la
mort de Chebeya, Tungulu et autre Fidèle Bazana devront un jour rendre des
comptes. Ces crimes ne resteront pas impunis.
Le ministre congolais de la Justice Emmanuel Luzolo Bambi Lessa a écrit à la
Commission de censure pour interdire la projection du film-documentaire au Congo.
Quelle est votre commentaire ?
Je dis simplement à ceux qui avaient prétendu à lépoque que «Joseph Kabila
représente lespoir pour le Congo» de réviser leurs souvenirs. Lorsque le
régime Mobutu a été renversé en mai 1997, nombreux sont les Congolais qui
espéraient assister à lavènement dun ordre politique totalement différent au
plan qualitatif. Quinze années après, cest la désillusion. Le Congo est devenu
une terre sans maître. Cette situation est malheureusement «encouragée» par les
Congolais eux-mêmes.
Comment ça ?
Qui sont les personnes qui gravitent autour de Joseph Kabila ? Des Rwandais ?
Les Premiers ministres successifs et les présidents des deux Chambres du
Parlement seraient-ils des Rwandais ? Comment expliquer quun pays comme le
Rwanda puisse régenter les affaires dun pays de la dimension du Congo sil
navait pas trouvé un «esprit macabre» au sein de notre peuple? Les Congolais
font preuve dun inquiétant «fainéantisme desprit». A ce rythme, il nest pas
exclu quun Chinois devienne un jour président de la RD Congo. Certains
trouveront les mots pour dire : «Tomesene na ye, Avandi na biso banda kala !».
Traduction : «Nous le connaissons bien. Il a toujours vécu parmi nous …».
Encore une fois, je regrette que notre peuple préfère les «mythes» et les
«légendes». Sans forfanterie, je peux vous dire que rien ne sera fait sans
lapport de lUNIR-MN.
Lactualité congolaise est focalisée sur les hésitations de «Joseph Kabila»
à transférer Bosco Ntaganda à la CPI à La Haye. Quelle est votre lecture de
cette affaire ?
Je constate que létau se resserre autour de Bosco Ntaganda. Je dois vous
avouer que jai été choqué par un message envoyé par un groupuscule parlant au
nom des «Banyamulenge». Je considère que les signataires de ce document ne sont
pas représentatifs de cette «communauté». Si ce groupe cherche à rejeter les
incriminations articulées à lencontre de «Bosco», il doit le faire sur le fond
du dossier et non en sappuyant sur lappartenance ethnique. Les Congolais
doivent savoir que les «Banyamulenge» ne font pas partie dune ethnie
minoritaire. Il ny a pas de tribu majoritaire au Congo. Que dira-t-on si
demain les membres de lethnie à laquelle appartient Thomas Lubanga faisait de
même ? Je ne suis pas sensible à la «victimisation» des membres de la
communauté tutsie. Bosco Ntaganda est un présumé criminel qui doit être entendu
par la justice internationale. Pourquoi les Congolais doivent-ils se plier
devant les caprices de ceux qui se disent
«Banyamulenge» parce quils bénéficient du soutien dun Etat qui fait du tort
au Congo? Ceux qui pensent quils pourront obtenir la balkanisation du Congo
pour former des micro Etats se trompent énormément…
Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi
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