24.04.12 Le Potentiel – CINQ QUESTIONS : questions à Malisi Malisawa Paluku, député national

1. Hier, enseignant et défenseur des masses laborieuses, aujourd’hui député élu. Que défendriez-vous en priorité ?

Mon combat est celui que j’ai toujours mené depuis le 17 janvier 2005, quand les enseignants de la ville de Butembo et environs m’ont désigné pour être l’un des leurs porte-voix. C’est faire appliquer les dispositions des articles 23 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et 36 de notre Constitution, qui font du travail un devoir et un droit sacrés. Et, l’Etat doit garantir une rémunération équitable et décente aux agents et fonctionnaires de l’Etat, policiers, militaires …

2. Retracez-nous votre parcours du syndicalisme à la politique active ?

Je suis d’avis que les enseignants de Butembo et environs ont été des visionnaires. Ils se sont réunis le 17 janvier 2005, cela a été pour moi le point de départ du combat syndical qui s’est mué en combat politique. Quand je me suis consacré à défendre la cause des enseignants, des élèves et parents d’élèves, ceux-ci ont estimé que je suis capable de les représenter à l’hémicycle. La base enseignante de Butembo m’a mandaté, le 14 juin 2010, pour présenter ses doléances non seulement au secrétariat général du Syeco, mais aussi aux ministères de l’EPSP et de l’ESU. Le mémorandum des enseignants du Nord-Kivu contenait entre autres préoccupations : numéros suspendus, omis sur listings, absence de listings à la paie, salaires insuffisants, retard de paie, etc. Il y avait aussi des doléances des élèves chassés des salles de classes pour insolvabilité. Sans oublier celles des enseignants sous le poids de l’âge et de la maladie. J’ai aussi présenté à cette occasion les doléances de l’ESU, notamment celles de l’Université officielle du Ruwenzori. Et chaque fois que j’avais été reçu, je faisais la restitution à la base, ce qui a renforcé le capital confiance qu’elle avait placée en moi ….

3. Sur quelle liste avez-vous été élu ? Tout est parti de l’engagement que j’ai endossé. En avril 2011, j’effectue le voyage de Kinshasa où je devais prendre part à un audit au secrétariat général du Syeco. Pendant 4 jours, nous étions en audit avec des syndicalistes de France et du Canada. Où j’ai exposé sur la souffrance des enseignants du Nord-Kivu. Au bout du compte, les enseignants de Butembo ont élaboré une fiche d’enquête à travers laquelle il était demandé d’indiquer les noms des enseignants à plébisciter comme candidats à la députation nationale. Au dépouillement de la fiche au siège urbano-rural du Syeco/Butembo, il a été constaté que le mien avait été plébiscité. J’ai été de tenter de décliner l’offre, car je ne voulais pas finir en politique. Mais les enseignants m’ont encouragé à saisir cette occasion pour renforcer la mission que nous assumions déjà. Le 15 août 2011, j’ai été emmené à démission de mes fonctions de secrétaire permanent au cours d’une assemblée générale pour être disponible à la députation nationale ; en tenant compte des textes statutaires du Syeco. Je devais donc adhérer à un parti politique. Après examen des statuts et projets de société de différents partis politiques, les enseignants ont décidé que j’adhère à l’UDCF (Union des démocrates chrétiens fédéralistes) de Pierre Pay Pay, parce que son projet de société et ses statuts étaient proches de ma vision de syndicaliste. Le 5 novembre 2011, j’ai adhéré officiellement à l’UDCF, un parti d’Opposition.

4. Quel tableau dressez-vous du secteur de l’éducation dans l’Est du pays ?

L’Est du pays fait face à l’insécurité, ce qui fait que les élèves et enseignants en font les frais. Des enseignants déplacés sont à la touche parce qu’ils ont quitté leurs écoles à la suite de l’insécurité. Certains élèves ont perdu leurs parents/tuteurs ; l’école est abandonnée, sinistrée, brûlée… Il faut aussi plaider pour la suppression totale de la prise en charge, car c’est un lourd fardeau que supportent les parents d’élèves, eux-mêmes sinistrés. C’est aussi là une preuve de la démission du gouvernement. Alors que la RDC a souscrit aux Objectifs du développement pour le millénaire (ODM), entre autres celui qui stipule que l’enseignement doit être gratuit et obligatoire, c’est-à-dire il faut donner à tout enfant la possibilité d’avoir accès à l’éducation et d’y être maintenu jusqu’à la fin de sa formation. Des enseignants pris en étau par ce système de prise en charge ont une dette morale envers les parents. Conséquence : des élèves deviennent désobéissants, la baisse drastique de la qualité de l’enseignement. L’enseignant devient la risée de la société et peut-être l’homme le plus aigri de la société. Il s’adonne par conséquent à l’alcoolisme pour échapper à la misère que la société leur impose.

5. Malgré les plans de stabilisation menés avec la bénédiction de la communauté internationale, l’Est du pays reste en proie à l’insécurité. Quel commentaire faites-vous de la situation ?

Cinq ans après élection massive de l’autorité morale de la Majorité présidentielle à l’Est, le constat est lamentable. Et je souligne ici que c’est le 30 juin 2006 qu’il battait campagne dans un stade scolaire à Butembo, à cette occasion il promettait qu’il garantirait la sécurité, l’électrification de cette partie du territoire national ; qu’il travaillerait pour l’amélioration des conditions de vie du Congolais, qu’il se battrait pour l’éducation de qualité et accessible à tous… Un beau projet présenté à la population. En 2006, j’ai même battu campagne pour ce projet. Aujourd’hui, je ne sais pas s’il faut que je le regrette parce que l’homme a déçu les espoirs. Pour que la confiance renaisse, il doit honorer ses promesses de 2006. Je suis déçu que des compatriotes, originaires d’autres provinces, se montrent indifférents quand nous parlons de l’insécurité dans l’Est du pays. On doit savoir que même si cette partie est proche de l’Ouganda, du Rwanda ou du Burundi, elle appartient au Congo, aux ancêtres fondateurs de ce pays. La sécurité c’est une épine dans le pied du gouvernement et tant qu’on ne l’aura pas extirpée, le Congo restera malade. L’autorité de la MP n’a pas réalisé ses promesses et s’il y a glané quelques voix à la dernière présidentielle, c’est parce qu’il a utilisé comme stratégie de campagne les Cinq chantiers. Il a commencé à réfectionner la route, comme si on allait poser de l’asphalte…

Par St. Augustin Kinienzi

 © Le Potentiel 2005

Laissez un commentaire

Vous devez être connectés afin de publier un commentaire.