Les médias kinois et quelques questions d’actualité (JP Mbelu)

Prenons quelques
exemples.  Le 31 mars 2012, un ex-proche de Paul Kagame, le Docteur Théogène
Rudasingwa, lors d’une conférence à Bruxelles, soutient que c’est l’actuel
Président du Rwanda qui a orchestré la mort de Laurent-Désiré Kabila. Cette
révélation est faite longtemps après la diffusion d’un film posant effectivement
la question de savoir qui a tué Laurent-Désiré Kabila. (Le documentaire de
Thierry Michel est intitulé ‘Meurtre à Kinshasa. Qui a tué Laurent-Désiré
Kabila ?’) Il est quand même ahurissant que le début de réponse à la question
posée par ce documentaire n’ait pas retenu l’attention de plusieurs médias de
notre pays !

Et
puis,  en  suivant ce documentaire, on se rend compte que l’un des proches de
Laurent-Désiré Kabila, encore vivant, Yérodia Ndombasi, soutient que les
Congolais(es) arrêté(es) au sujet de ce meurtre sont innocent(es). Exploiter la
révélation de Théogène Rudasingwa  aurait permis l’attrait de l’attention sur
nos compatriotes incarcérés à la prison  de Makala et dont le procès est
toujours remis aux calendes grecques.

Malheureusement,
ces compatriotes ne sont pas les seuls. Plusieurs prisonniers d’opinion et/ou
politiques se retrouvent dans cette prison sans qu’un début de leur jugement
soit envisagé. Gabriel Mokia et le pasteur Kutino sont les cas les plus
connus.

En dehors de
Makala, il y a ces autres prisons souterraines et cachées où croupissent
certains de nos compatriotes dans le total mépris de la dignité humaine. Les
experts de l’ONU enquêtant sur les violations des droits humains pendant la
période électorale n’ont pas pu y avoir accès. Dans ces prisons souterraines et
cachées, vous retrouvez en autres la garde rapprochée de Mbuza  Mabe dont les
motifs d’arrestation sont inconnus jusqu’à ce jour.

Au sein de cette
garde, certains noms nous sont connus dont celui du lieutenant Mangangu Ndoye
Déogratias. Il est détenu avec trois de ses compagnons sans jugement sous le
fallacieux prétexte d’avoir participé à la rébellion des
Enyele.

Une autre question
d’actualité est celle de la nationalité de Bosco Ntaganda : il est un sujet
Rwanda et membre du FPR. A Kinshasa, les journaux font allusion à son éventuelle
arrestation et/ou à son jugement sans poser cette question de fond : comment un
sujet Rwandais, membre du FPR, a-t-il pu se retrouver à un haut niveau de la
hiérarchie militaire dans un pays où le Rwanda participe d’un génocide oublié
avec le soutien de grandes puissances occidentales de la prédation ? Ou cette
autre : qui nous a fait croire que Ntanganda était indispensable à la paix dans
notre pays pour qu’il se retrouve à un si haut niveau d’une armée ayant
contribué à l’extermination de nos populations ?

Malgré la clarté
des réponses à toutes ces questions, plusieurs médias kinois ne
cessent d’encenser « le raïs » ; c’est-à-dire celui qui a bénéficié directement
de l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila et favorisé l’infiltration de notre
armée par « les escadrons de la mort » du FPR. Bien que faisant ce travail de
thuriféraires-mangeurs-élitistes, certains de ces médias kinois finissent
toujours par trouver des « sorciers » à la base de notre misère
anthropologique.  Ils mettent entre parenthèses leur travail de désinformation
et de lobotomisation ; ils mettent entre parenthèses leur travail de lavage de
cerveaux.

C’est vrai. Il y a
le déni de la liberté d’expression dans lequel évoluent tous ces médias. Il est
bon de louer les efforts que l’un ou l’autre fournit pour décrier les pratiques
liberticides du  pouvoir (os) sortant.  Mais le déni de la liberté ne devrait
tout de même pas contribuer au déni de la vérité historique et à la
falsification de notre histoire collective.

Lentement mais
sûrement, plusieurs documents historiques ont jeté une grande lumière sur la
tragédie  que connaît la région de l’Afrique Centrale depuis les années 1990.
Les témoins vivants existent et sont même disposés à partager leur part de
vérité avec des juges impartiaux de cette tragédie. Rester à leur écoute nous
tournerait beaucoup plus vers la récolte des preuves supplémentaires que vers
une écriture insensée de notre commune histoire
collective.

Pour rappel,
Théogène Rudasingwa publie, le 01 octobre 2011, un an après la publication du
Rapport Mapping, un texte intitulé  ‘La vérité enfin’. Bien que tardive, cette
« vérité » venait confirmer des hypothèses assez étoffées de Pierre Péan, de
Charles Onana, d’Honoré Ngbanda et d’autres artisans de paix et de justice ayant
travaillé sur la tragédie de notre région. Depuis lors, Théogène Rudasingwa et
certains autres membres dissidents du FPR n’hésitent pas  à dire ce qu’ils
savent de notre commune tragédie.

Au Congo dit
démocratique, l’affaire Ntaganda est venue davantage éclairer le projet du FPR
et de ses parrains sur les pays dits des Grands Lacs. Un projet que décrit
clairement le documentaire intitulé ‘Le conflit au Congo. La vérité
dévoilée’.

Poursuivre la
réécriture de notre histoire en mettant entre parenthèses toutes ces révélations
équivaut à mener une action de suicide collectif.

Cela étant, nous
ne sommes pas sûrs que les médias kinois  en tiendront compte : ils doivent
survivre et ‘ils ne mangent pas la vérité historique’. Néanmoins, à défaut de ne
pas « la manger », ils pourraient la respecter sous peine d’être qualifiés
demain de  « médias collabos » et d’être destiné à la vindicte
populaire.

Bref, l’histoire
de notre  commune tragédie est déjà bien résumée dans certains documents
suffisamment étoffés. (Le dernier numéro de Rencontre et Paix intitulé ‘Spécial
Afrique Centrale’ du mois d’Avril 2012 peut être ajouté à ces documents.) Il
appartient aux médias alternatifs, à nos minorités organisées et agissantes de
se saisir de ces documents, de les étudier  et de les approfondir pour mieux
planifier leurs actions à impact visible au Congo, dans les pays des Grands Lacs
et dans toute l’Afrique. Les médias alternatifs et les minorités organisées
devront comprendre que la véritable réécriture de notre histoire ne se fera pas
avec les acteurs faisant partie du réseau transnational de la prédation de notre
pays. Quoi qu’ils disent, ils devraient d’abord répondre de leur responsabilité
dans notre commune tragédie. « Cinq chantiers, révolution de la modernité »,
tout ça, ce n’est que de la poudre aux yeux…Il n’y aura pas de « révolution de
la modernité » sans justice et vérité sur notre histoire
collective.

 

J.-P.
Mbelu

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