15.05.12 RDC : Le degré zéro de la politique ?

Candidat aux dernières élections législatives, Gaspard-Hubert Lonsi Koko analyse dans son dernier ouvrage le processus électoral chaotique de novembre 2011 et l'incurie de la classe politique congolaise. Dans "Congo-Kinshasa : le degré zéro de la politique" (*) Lonsi Koko appelle à une recomposition de l'opposition et trace les contours d'une nouvelle classe politique congolaise qui a "urgemment besoin d'inventeurs d'avenir". Afrikarabia l'a rencontré à Paris.

"GH– Afrikarabia : Vous êtes retourné en République démocratique du Congo pour vous présenter aux élections législatives de novembre 2011 à Madimba, dans le Bas-Congo. Dans votre ouvrage vous écrivez avoir reçu "un choc" en retournant à Madimba ?

– Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Ce qui m'a choqué c'est la condition sociale et le niveau de vie de la population. Madimba est la terre d'origine de mes parents et j'y passais toute mes vacances. J'ai des souvenirs de Madimba hier, meilleurs qu'aujourd'hui. Tout ce que j'ai connu enfant s'est dégradé : les routes, la déforestation, il faut aller puiser l'eau potable un peu plus loin, il faut maintenant aller chercher sa nourriture à Kinshasa alors que par le passé c'était Madimba qui pourvoyait Kinshasa en nourriture… Si on souffre comme cela dans les campagnes, c'est qu'il y a un vrai problème politique en RDC, un pays immensément riche. Voilà la principale motivation de ma candidature aux législatives.

– Afrikarabia : Dans votre livre vous racontez le déroulement chaotique des élections de novembre. Comment voyez-vous la pratique de l'exercice politique au Congo-Kinshasa ?

– Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Un élément m'a surpris positivement, c'est l'envie des Congolais d'aller aux élections. Cela montre que, malgré les imperfections du scrutin, on ne peut plus aspirer à un mandat politique sans passer par des élections. Il y a désormais cette volonté d'aller systématiquement aux élections et j'ai trouvé cela intéressant. Au-delà de ce phénomène, beaucoup de choses m'ont déçu, d'où le titre du livre "Congo-Kinshasa, le degré zéro de la politique". Comment peut-on se présenter à une élection présidentielle sans avoir un programme et un projet de société digne de ce pays ? J'ai vu pendant les débats télévisés, certains candidats et non des moindres, qui ne se sont même pas déplacés pour dire pourquoi ils sollicitaient les suffrages du peuple congolais ! Ils n'ont envoyé que des émissaires ! Il n'y a eu que messieurs Kamerhe et Kashala qui ont essayé de parler d'un projet de société, qui pour moi étaient d'ailleurs très légers. Je n'ai pas vu le projet du candidat Kabila, ni le projet du candidat Tshisekedi. Ces deux personnes ne sont même pas venus à la télévision pour s'adresser aux Congolais. D'un autre côté, la population est encore immature politiquement… on dit d'ailleurs que l'on a les responsables politiques que l'on mérite. Faire de la politique en RDC ne constitue pas un engagement idéologique. C'est une activité professionnelle qui permet de se "remplir le ventre". La campagne ne se conçoit pas sur un projet politique mais uniquement sur des promesses électorales, moyennant des tee-shirts, des bouteilles de bière et quelques promesses d'embauche.

– Afrikarabia : On craignait une vague de contestation importante et des manifestations violentes après les irrégularités et les soupçons de fraudes massives pendant le scrutin. Il n'en a rien été ?

– Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Les Congolais ont élu Etienne Tshisekedi. Mais là où je peux faire des reproches à la population, c'est d'être restée les bras croisés pendant qu'on lui a volé sa victoire ! Les Congolais doivent avoir à l'esprit qu'ils sont souverains. Il fallait que la population descende dans la rue. Peu importe la violence, aucune révolution ne s'est faite sans effusion de sang.

– Afrikarabia : Quel rôle a joué la diaspora ?

– Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Malgré des imperfections, les Congolais vivants à l'étranger ont joué un rôle déterminant dans ce qui s'est passé au Congo. Aussi bien en terme de pression qu'en terme de conscientisation de la population restée au pays. Mais elle n'a pas eu droit de s'exprimer (la diaspora n'a pas le droit de vote, ndlr) et son plus grand tort est de ne pas avoir défendu, dès le départ, son droit à être candidat et électeur. Il faut que la diaspora puisse demain obtenir ses droits civiques.

– Afrikarabia : Vous dites qu'il n' y a pas d'idée, que les partis politique sont vidés de leur substance, que les "militants" ne sont souvent que des "figurants" payés pour participer aux meetings…

– Gaspard-Hubert Lonsi Koko : … pour 90% des politiciens congolais, ce sont des professionnels…

– Afrikarabia : … en France ou en Belgique aussi…

– Gaspard-Hubert Lonsi Koko : … même en étant professionnels, les hommes politiques travaillent ici en priorité pour l'intérêt général, plus que pour leurs intérêts personnels. Au Congo, c'est le contraire. Il n'y a pas véritablement d'hommes et de femmes d'Etat en RDC.

– Afrikarabia : Comment pensez-vous faire évoluer cette classe politique ?

– Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Il faut que le peuple congolais pousse sa classe politique à tendre vers l'excellence. Les Congolais doivent avoir la culture de la sanction. Il faut également que l'opposition ne soit pas uniquement destructrice. L'opposition doit être intelligente et doit être en mesure de proposer une alternative. Pour cela, les Congolais de l'extérieur doivent commencer à retourner au pays pour notamment faire de la politique autrement.

– Afrikarabia : Vous êtes proche de l'opposition, comment voyez-vous sa recomposition après ces élections ?

– Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Ces élections ont constitué un moment déterminant pour l'avenir et le devenir de la République démocratique du Congo. Il faut maintenant qu'une relève mette en place une nouvelle opposition, une opposition plus cohérente capable de se concerter pour l'intérêt général. Notre objectif est clair : il doit y avoir un changement de régime à Kinshasa. J'appelle tous les démocrates congolais, toute la jeunesse congolaise qui souhaite le changement à se rassembler et à se concerter. Il ne faut pas non plus cracher sur les anciens, si nous existons aujourd'hui c'est parce qu'il y a eu des personnalités comme Etienne Tshisekedi et d'autres qui ont mené de nombreux combats. C'est à nous de prendre la relève avec la vision et les méthodes d'aujourd'hui.

– Afrikarabia : Vous dites à la fin de votre ouvrage, après votre défaite aux élections législatives, que "ce n'est pas un échec" et que "ce n'est que partie remise" ?

– Gaspard-Hubert Lonsi Koko : Il y a des défaites qui préparent des victoires. C'est sûrement le meilleur moment de ma vie politique.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD

(*) "Congo-Kinshasa : le degré zéro de la politique" de Gaspard-Hubert Lonsi Koko
Editions L'Harmattan – avril 2012 • 152 pages – 15,50 euros

Photo : GH Lonsi Koko à Paris – Avril 2012 (c) Ch. Rigaud www.afrikarabia.com

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