Matata Ponyo reconduit les « matata » des IFI chez nous (J.-P. Mbelu)

Bien
que victimes d’un coup d’Etat administratif après les élections de novembre et
décembre 2011, les minorités organisées et agissantes devraient
s’en tenir au devoir patriotique de la vigilance. Elles devraient demeurer
attentives à la façon dont les bénéficiaires de ce coup d’Etat voudraient mener
davantage le pays, notre patrimoine commun, à la dérive. Pendant
que la guerre de prédation bat son plein à l’Est pour transformer
définitivement cette partie de notre pays en un morceau du marché de l’Afrique
de l’Est, à Kinshasa, les débats, chez les bénéficiaires dudit coup d’Etat et
leurs clients, tournent autour du programme de gouvernement de Matata Ponyo pour
les cinq ans à venir. A y regarder de plus prêt, ce programme tourne autour de
deux axes principaux : l’amélioration du climat des affaires et la
reconduction de l’Initiative des Pays Pauvres Très endettés
comme sous
Gizenga et Muzito ; c’est-à-dire l’application du Consensus de Washington et des
mesures d’austérité au Congo. Contrairement aux apparences, c’est un programme
fondamentalement extraverti.

Pour
cause. Qui dit amélioration du climat des affaires dit libéralisation,
dérèglementation et privatisation. C’est-à-dire privilège accordé à la
suprématie du marché et non à la souveraineté économique et
politique au pays. Initié à Lyon en 1996 au sommet de G7, l’IPPTE « est le
dernier mécanisme conçu par la communauté des créanciers à l’intention des Etats
surendettés en vue de parachever leur conversion rapide à l’économie de marché.
Elle consiste en des rééchelonnements successifs de la dette pour les pays ayant
réalisé de façon durable de « bonnes performances » selon les critères des
IFI. » (A. TRAORE, Le viol de l’imaginaire, Paris, Fayard, 2001,
p.46). Qu’est-ce que cette façon de procéder à comme corollaire ? Lisons encore Aminata Traoré : « Puisqu’elle prévoit que le FMI et la
Banque mondiale décident de l’éligibilité d’un pays, elle tend à
institutionnaliser l’ingérence politique. Les Etats concernés se trouvant pris
en tenailles entre une demande sociale forte et l’exigence de réduction des
dépenses publiques pour répondre aux recommandations des créanciers. »
(Ibidem) Pour dire les choses autrement, il est quasi-impossible
de s’inscrire dans la logique de l’IPPTE et d’augmenter les salaires de la
fonction publique, de créer des emplois décents dans la fonction publique, de
financer convenablement l’éducation nationale, la santé, le logement social,
etc. Les sceptiques peuvent étudier les sources du financement du programme de
gouvernement de Matata Ponyo. En plus de ressources internes ( ?), ce programme
mentionne les ressources additionnelles (PPTE, ct.) et les ressources provenant
des partenariats avec les institutions multilatérales (FMI, BM, BAD, etc.) Il
évoque aussi le troc : la construction d’infrastructures contre échanges des
ressources naturelles. (Il reconduit le principe des contrats léonins semblables
à ceux signés entre certaines entreprises chinoises et les gouvernants
précédents.)

Il est
quand même curieux qu’au moment où, en Europe, les gouvernements ayant avalisé
les mesures d’austérité prônées le FMI, la Commission Européenne et la Banque
centrale européenne tombent les uns après les autres, nous puissions avoir au
Congo, des « députés » soutenant un programme de gouvernement fondé sur les
mêmes mesures (plus le troc de nos matières premières) ! Le plus curieux est que
dans les débats, il n’y ait pas eu- à notre connaissance- un simple
rapprochement entre ce qui se passe en Grèce, en Espagne, au Portugal, en Italie
et peut-être bientôt en France et ce programme néolibéral de Matata
Ponyo !

Chez
nous, « les honorables », dans leur immense majorité, voudraient
juger sur les faits. Ils sont donc incapables de prévoir les faits à partir des
moyens auxquels ledit gouvernement va recourir pour exécuter son
programme. Là, il y a quelque chose qui ne va pas et cela fondamentalement.
Dison brièvement que du point de vue économique, Matata Ponyo ne fera pas mieux
que Gizenga et Muzito : il applique la même politique économique néolibérale que
ses prédécesseurs. Il est plus ou moins sûr que l’application de ce programme contribuera à l’enrichissement sans cause
d’une poignée d’élites compradores ; notre peuple n’y trouvera pas son compte.
Ses droits économiques, sociaux et culturels ne seront pas respectés. Le recours
à la violence, à la guerre, à la violation massive des droits de l’homme et à la
manipulation médiatique sera permanent pour éviter que les plus éveillés de ce
peuple n’usent de leurs droits et libertés fondamentales pour décrier les
mesures d’austérité reconduites par Matata Ponyo. (Demander à Matata Ponyo de
s’impliquer pour que cesse la violence dans notre pays, c’est couper la branche
sur laquelle il est assis, la loi de la guerre de tous contre tous sur laquelle
est fondée le néolibéralisme.)

 Pouvait-il en être autrement ? Non. D’un
processus non-conforme à la vérité et à la justice, il est difficile de tirer
des institutions citoyennes au service de la vérité, de la paix et de la justice
sociale.

Avouons que comme tous les autres pays du monde
subissant les diktats des IFI et des oligarchies d’argent, le Congo (RD) notre
pays, connaît des problèmes structurels intenses, à commencer par celui de
l’existence d’un Etat républicain. Depuis la guerre de prédation et de basse
intensité qui nous est livrée par « les cosmocrates » et leurs
nègres de service, notre pays est devenu une jungle où règne la loi du plus
fort. Les minorités agissantes et organisées l’ont suffisamment bien compris.
Comme des fourmis, elles travaillent à leur redynamisation, à la résistance
contre les forces mortifères et à la réinvention d’un autre Congo. Cela prend du
temps et c’est normal : nous luttons contre un système néolibéral cynique et
bien outillé par ses « petites mains ».

 


Laissez un commentaire

Vous devez être connectés afin de publier un commentaire.