06/06/12 Podcast Journal – La liberté de la presse en doute, témoignage d'un journaliste victime
Témoignage
journalistes "Journaliste en danger" faisait état de 160 journalistes
arrêtés, menacés, intimidées et même tués pour des raisons liées à
lexercice de leur métier, en 2012, rien que pour la ville de Bukavu en
province du sud Kivu les cas sont déjà légion en mi année. Franck Zongwe
journaliste de vision Shala tv et Fm (chaine émettant à Bukavu), a été
victime de coups et blessures graves de la part des éléments de la
police nationale congolaise au mois de mars dernier. Dans une interview,
Franck sinquiète de cette situation à sa sortie dhôpital Saint-Luc.
Et se demande quest ce qui se passe pendant la nuit, si en pleine
journée il sest fait tabassé au vu et au su de tous? Soulignons que la
victime a été frappée pendant quil filmait un accident de circulation à
proximité dun poste de police.
Franck Zongwe Lukama témoigne.
Podcast Journal: Quest ce qui sest passé au juste?
Franck: Je n'en sais rien, je ne comprenais rien, jai vu dun
coup trois policiers venir. Au début je navais pas peur, parce que je
me disais que si jai commis une bourde, il suffisait de m'excuser. Mais
ils sont venus et ils ont directement commencé à me tabasser, sans dire
mot. Lun deux sortait dune petite bicoque et avait un de leurs
fouets électriques, cest lui qui ma fait le plus de mal; il men a
donné sur la tête, et les autres me donnaient des coups de pied et de
poing pendant que jétais déjà allongé par terre. Ma caméra était déjà
partie je ne sais où, ils mont tout pris.
La seule question que je me pose moi aussi: quest ce qui sest passé?
PJ: Et, comment laffaire évolue t-il?
F: Mes chefs sont arrivés de Kinshasa et jai introduit une
plainte contre lofficier de police qui avait envoyé ces policiers.
Cest dans lévolution du dossier que jai appris que les policiers
venaient de tracasser une femme veuve dans une petite maison juste en
face du lieu ou je filmais laccident en question. Alors leur chef, le
commissaire Hassan a cru que je filmais toute la scène de ses bévues et
il a ordonné que ses policiers mappréhendent. Jai même parlé avec la
victime de ces tracasseries de policiers, cette dame ma confirmé le
fait mais à son niveau elle a souhaité ne pas porter plainte pour
séviter des ennuies encore une fois. Tout en gardant lanonymat et me
suppliant même de ne pas parler de ce que ces policiers lui avaient
fait, elle ma signifié quelle a été menacé de mort si jamais cette
histoire sortait au grand jour. Je me suis alors retrouvé seul dans
laffaire. Mais lauditorat à évolué avec le dossier, ils avancent avec
linstruction, mon entreprise de presse vision Shala ma commis un
avocat pour suivre le dossier. Mais derrière ça cest devenu pire; mes
chefs ont commencé à être harcelés pour quils retirent la plainte,
dautres m'ont contacté directement mais mon chef est resté téméraire et
la plainte est maintenue. Ensuite, cest lauditorat elle-même qui a
commencé à envoyer des messages à notre directeur lui disant que je
cherchais une histoire à raconter à la télévision ou à la radio, au
moment où il instruisait encore le dossier. Cela ma tellement affaibli
que je me suis demandé comment expliquer que là où on recourt pour avoir
justice, cest là même que nous nous voyons découragés de la sorte?
Jusquaujourdhui aucune issue na été réservée à la plainte.
PJ: Qua dit la hiérarchie de la police?
F: Pour la police, leur commissaire provincial, le général Luzembo
a reconnu le forfait de ses agents et a même présenté des excuses
officielles à la presse, diffusées sur nos antennes aussi. Mais je me
demande encore qu'attend la justice pour trancher une affaire qui a été
prise en flagrant délit et si les aveux de la hiérarchie de la police ne
leur disent rien? Lauditeur instructeur continue à perdre du temps
avec les tergiversations de laccusé direct qui vraisemblablement
cherche à gagner du temps et faire disparaitre les preuves. Là où cest
inquiétant, cest quun lieutenant, le lieutenant Biza qui avait été
cité dans laffaire comme seul témoin de la brutalité dont jai été
victime et qui était prêt à témoigner contre son supérieur, voyant le
traitement inhumain qui ma été infligé, est décédé un jour avant
laudience des témoignages. Selon les sources policières il est mort à
la suite dune courte maladie. Trop étrange…
PJ: Et aujourdhui quest ce qui te reste à faire, ta santé va mieux?
F: Oui et non. Oui parce que le rapport médical na pas enregistré
une seule hémorragie interne ni des blessures graves; non parce que
jusqu'à ce que les vraies motivations de mon lynchage ne sont pas
connues je reste inquiet car mes bourreaux peuvent revenir à la charge
nimporte quand. Sils ont été impunis pendant quils ont agi en pleine
journée, quest ce quils ne feront pas pendant la nuit?
La situation des journalistes en RDC
réflexion sur les exactions perpetrées contre les médias. Photo (c)
Blaise Sanyila
par lANR (lagence Nationale de Renseignements), le service de sécurité
à mission floue de la RDC. Ces journalistes sont généralement
interpellés puis incarcérés après des animations des émissions de débat
politique au cours desquelles les invités présentent des avis contraires
au pouvoir, après des antennes à téléphone ouvert ou les radios donnent
le micro aux populations pour sexprimer librement sur des questions de
société ou de la politique du pays, ou encore, après des reportages
finissant en queue de poisson avec des cassettes et enregistreurs ravis
par des services divers sous prétexte de sécurité nationale. En
générale, lANR prend la place du CSAC et des cours et tribunaux,
interpelle les journalistes, les attend en violation de toute les
procédures contradictoires et les arrête. Les journalistes arrêtés sont
parfois libérés après une pression solidaire des médias qui en parlent
en boucle, et pour dautres cas impliquant surtout ce quils appellent
diffamation et calomnie à lendroit du chef de lÉtat, ils ne les
libèrent pas.
Mais face à une justice silencieuse devant des cas comme ceux qui
lui sont rapportés, la question est: nest-ce pas une politique du
régime?
A travers une augmentation de 35 cas toutes natures confondues, on
a une idée plus claire sur lévolution de la situation entre deux
périodes électorales au cours de laquelle la République Démocratique du
Congo dit avoir franchie une certaine démocratisation. On se rend compte
que la courbe na fait que grimper. Ça se remarque aussi bien que les
bourreaux des journalistes ont réduit les assassinats, les enlèvements
de journalistes et beaucoup d'autres méthodes pour adopter des pressions
administratives qui sont liées généralement à linstabilité des emplois
des journalistes, les pressions judiciaires avec le refus de la
dépénalisation du délit de presse qui fait que les journalistes
répondent devant des cours et tribunaux de leurs fautes professionnelles
en lieu et place des instances de régulation et dautorégulation et les
entraves à la libre circulation nationale et internationale avec les
suspensions des signaux des chaines diverses telles que RFI et les refus
de sorties en RDC et diffusion de certains faits tels que les divers
documentaires sur les enquêtes en rapport avec la mort de Mzee Laurent
Désire Kabila, lex-président et père du président en exercice.
En outre, les journalistes se retrouvent de plus en plus
interpelés et menacés pour des traitements et diffusions des diverses
informations. Doù une hausse très vertigineuse de lauto-censure par
des journalistes eux-même.