07.06.12 Le Potentiel – Cinq questions à Marie-Ange Lukiana

1.Qu’est-ce qui fait qu’aussitôt après les élections de novembre 2011, l’insécurité s’enflamme de nouveau à l’Est du pays, avec la naissance de nouveaux groupes armés tels que le M23?

Je crois que vous suivez vous-même la presse, mais aussi les dernières déclarations du porte-parole du gouvernement sur cette question précise de l’insécurité dans l’Est du pays. Il a eu à le dire qu’il y a eu des mutins, c’est-à-dire des ex-rebelles qui s’exercent dans l’armée régulière, mais qui se sont encore mutinés et qui ont repris les armes en tant que bandes rebelles. Vous avez parlé de M23, mais il y a aussi d’autres personnes citées, dont certains généraux ex-rebelles. A propos donc de cette insécurité, c’est toujours des FDLR et ces bandes armées qui, malheureusement, sèment toute cette confusion dans l’Est du pays.

2.Selon un rapport confidentiel de l’ONU, le régime de Kigali serait derrière le M23. Qu’en dites-vous ?

D’abord, le M23 est une rébellion ; ce n’est pas notre armée. On a appris qu’il y a des groupes rebelles qui se sont mis ensemble pour semer des troubles dans l’Est du territoire national. On ne peut que condamner ce que fait le M23 ; on ne peut que condamner ce que font les autres bandes armées puisqu’ils ne peuvent pas prendre en otage nos populations. Notre pays a opté pour la démocratie. Les gens qui veulent concourir le pouvoir doivent passer par les urnes et laisser nos populations en paix. Nous sommes contre ceux qui veulent accéder au pouvoir en brimant les droits des autres, particulièrement le droit à la vie et à la sécurité de la population.

3.La RDC et le Rwanda ont eu à signer une série d’accords sur la sécurité des frontières de deux pays. Mais il semble que le Rwanda ne respecte pas ces accords ?

C’est ce que le rapport de la Monusco a dit subitement et le gouvernement congolais est en train de mener des enquêtes pour voir si réellement ce qu’a dit la Monusco est vrai et tirer toutes les conséquences. Si nous avons encore bonne mémoire, il y a quelques années, même le président de la République l’avait dit haut et fort que le Rwanda, en ce moment-là, était en train d’empiéter sur notre territoire national. Donc, si les allégations de la Monusco s’avéraient vraies, nous allons tirer toutes les conséquences. Ce qui est vrai est qu’un accord existe entre nos deux pays pour que la RDC collabore avec le Rwanda pour pacifier définitivement l’Est du pays. Pourquoi cet accord avec le Rwanda ? C’est parce que l’origine de l’insécurité dans l’Est du pays, c’est une origine rwandaise. Et cela remonte à 1994 avec le génocide rwandais. Ce sont des Rwandais qui ont massacré leurs concitoyens sur le sol rwandais et ces gens sont entrés dans notre territoire en toute sauvagerie. Une fois chez nous, ils ont commencé à massacrer les populations, cherchant des espaces de vie. Comme des Congolais, ou des Zaïrois à l’époque, fuient, ils récupèrent des terres et s’installent. C’est là l’origine des bandes armées.

4. Vous étiez ministre du Genre au gouvernement sortant, qu’avez-vous fait en tant que femme pour éradiquer les multiples violations des droits de la femme dans l’Est du pays ?

Vous vous souvenez qu’en 2010, les femmes du monde entier sont venues dans notre pays en solidarité avec les femmes congolaises victimes justement de viols. Nous étions réunies à Bukavu pour la 3ème édition de la Marche mondiale de la femme. A ces assises, les femmes du monde entier avaient répercuté un seul message : la démilitarisation de la RDC qui passe par la délocalisation des FDLR ainsi que d’autres bandes armées rwandaises qui trouvent toujours des prétextes pour rester chez nous. Mais cette démilitarisation de la RDC passe aussi par la démocratisation réelle de tous les autres pays voisins, notamment le Rwanda, le Burundi, l’Ouganda, pour que leurs populations dispersées puissent rentrer se battre démocratiquement à l’intérieur de leurs pays respectifs.

5. Que faut-il faire, finalement, pour apporter une paix durable dans les Grands Lacs ?

Le détonateur de la déstabilisation de la RDC, c’est le génocide rwandais de 1994. Ce qu’il faut faire, c’est ce que les femmes du monde entier ont demandé lors de la Marche mondiale de la femme organisée il y a deux ans à Bukavu. Il faut que la communauté internationale qui avait demandé au Zaïre de l’époque d’ouvrir les frontières pour que ces gens-là ne soient pas massacrés par les régimes en place. Mais puisque cela a entraîné des effets négatifs, avec aujourd’hui plus de 5 millions de morts, plus d’un million de femmes et petites filles violées, plus de 2 millions de populations déplacées. Voilà pourquoi nous demandons à ce que la communauté internationale s’implique sincèrement pour mettre fin à ce phénomène provoqué par eux-mêmes.

Propos recueillis par Cécile Kibungu et Naomie Epeka, stagiaires/Ifasic

(*) Député national

 © Le Potentiel 2005

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