15.06.12 Le Potentiel – Cinq questions à Bukeni Warozi (*)
Dans un futur proche, WITNESS et ses partenaires vont lancer un film sur les violences dont la femme congolaise est victime. Dans quel contexte ce film sera-t-il lancé ?
Le film est intitulé «Nos voix comptent : les femmes de la RDC demandent justice et responsabilité». Lopinion retiendra quil y a plus de dix ans, lEst de la RDC est en proie à des conflits armés. Les femmes en ont payé très cher. Des milliers de femmes et jeunes filles ont été exposées à des actes de viol et violences sexuelles, commis par toutes les parties engagées dans ces conflits armés. La grande échelle sur laquelle les crimes sexuels ont été commis, limpunité généralisée et la stigmatisation liées à ces crimes laissent des milliers de victimes isolées dans leurs propres communautés, avec un accès très limité à lassistance dont elles ont urgemment besoin.
Pouvez-vous révéler en quelques mots ce que relate le film ?
Les images ont été filmées par cinq dentre les 120 partenaires de Womens initiatives dans lEst de la RDC. Les femmes qui ont fait leurs témoignages expliquent entre autres le calvaire quelles ont vécu et le parcours de combattantes quelles ont pu emprunter pour atteindre le tribunal. Les experts en matière judiciaire et psychosociale interviewés dans le film, déplorent ce manque de proximité entre le justiciable et le juge. Ils condamnent également linaction du gouvernement congolais. A travers de récentes statistiques et déclarations des experts, le film présente une vue densemble en matière judiciaire, économique et sanitaire. Ces femmes courageuses demandent une action ultime de justice pour stopper ces viols et les prévenir en arrêtant les criminels, ainsi quun soutien adéquat.
Une certaine opinion pense que la RDC a fourni beaucoup defforts dans le domaine judiciaire. Et quau regard de réaménagements envisagés, la question de limpunité pourra être prioritaire. Etes-vous de cet avis ?
Bien que la RDC ait enregistré des progrès dans la criminalisation du viol et des autres formes de violences sexuelles en adoptant plusieurs lois en la matière, lapplication de ces lois reste un grand défi. Laccès à la justice et lexécution des décisions judiciaires en matière de violences sexuelles demeurent un obstacle majeur et découragent les victimes. Les rapports de viols ne sont pas pris en compte ou sont négligés. Rares sont les cas considérés dont les suspects sont arrêtés, jugés et condamnés à des peines. Très souvent, les suspects qui sont arrêtés sont relâchés par la suite, affaiblissant ainsi la lutte contre limpunité. Le film dont question retrace en 25 minutes, le récit de six femmes du Nord-Kivu et du Sud-Kivu ainsi que de la Province Orientale. Elles sont victimes de violences sexuelles et dont les auteurs identifiés comme les militaires des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), les rebelles rwandais de FDLR, les milices Maï-Maï et les rebelles ougandais de la LRA.
En quoi ce film se veut-il un plaidoyer ?
Ce film fait appel au nouveau gouvernement, particulièrement les ministres ayant en charge la Justice et le Genre. Que la priorité soit accordée à la lutte contre les violences sexuelles. De manière spécifique, ce film souligne limportance pour le gouvernement, daccorder la priorité à léradication de limpunité pour les auteurs de violences sexuelles, à la facilitation à laccès en justice pour les femmes victimes…. Priorité doit également être accordée à la réforme de lappareil judiciaire et lexécution effective des jugements en matière de violence sexuelle ; lurgente mise à disposition dune assistance psychosociale, économique et sanitaire aux femmes victimes de violences sexuelles.
Quen est-il du lancement de ce film ?
WITNESS, Womens initiatives for gender justice et les autres partenaires de lEst de la RDC vont lancer le film en début de semaine prochaine, avec des séances privées pour la ministre de la Justice et la ministre du Genre, de la Famille et de lEnfant. Déjà mardi prochain, une réception sera organisée au Grand Hôtel Kinshasa, pendant laquelle les ministres précitées sadresseront à lauditoire. Celui-ci sera composé de représentants du corps diplomatique, de représentants des Nations unies, ceux de la Société civile et autres. Deux dentre les partenaires de Womens initiatives for gender justice ayant participé à la réalisation du film seront à Kinshasa pour participer à la cérémonie de lancement du court métrage. A Kinshasa, le lancement sera suivi par des projections et activités dans lEst du pays. Notamment dans la province du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et la Province Orientale.
Propos recueillis par Olivier Kaforo (*)Responsable des programmes WITNESS pour lAfrique et le Moyen-Orient