LAUDIOVISUEL PUBLIC CONGOLAIS (RDC) A LA VEILLE DES ECHEANCES ELECTORALES : ETAT DES LIEUX. ( J. KAFUKA RUJAMIZZI R. )
Quen est-il alors, des missions traditionnelles reconnues aux media en général, à savoir informer, former, éduquer, distraire ? Cette question nous rebondit en pleine figure, plus préoccupante que jamais. Dun côté, la remise en question qui sest installée au sein de la profession audiovisuelle : des hommes, des femmes réduits à leur plus simple expression, assujettis aux conditions dexistence et de travail quasi inhumaines. De lautre côté, des auditeurs et téléspectateurs dépités par une Radio et une Télévision « publiques »
plutôt médiocres dans leur contenu, optant de ce fait, de se réfugier
vers la multitude des Radios et TV privées, pour écouter et voir autre chose. Entre les deux, une tour administrative de la Cité de la « Voix du Peuple »,
abritant une direction générale toute vouée à la cause du maître.
Pendant des longues années, elle a également hebergé une autorité de
tutelle, soucieuse du culte du même maître. La longue liste des têtes
qui se sont succédées au 19ème niveau de cette tour est
éloquente : KANDE, SAKOMBI, MANDUNGU, BOKONGA, NGONGO, MASEGABIO, BANZA,
Kin KIEY… et récemment GHENDA, MUMENGI, KIKAYA, TSHILOMBO, MOVA, MENDE
etc… Aucun risque na été pris dans le choix !
sy trompe pas. Il découvre dès le début quil nest guère motivé à
bien faire son travail. Il vient dêtre engagé, souvent grâce à une
relation personnellle. Son emploi est plus ou moins garanti. Quelle
quen soit la qualité de prestation. Aussi, constate-t-il que ses aînés,
désabusés pour la plupart, ses collègues de service, viennent au
travail quand ils peuvent. Dautres ne se pointent quà la fin du mois,
pour une raison évidente.
par exemple. Il brûle denvie décrire, de pondre de bons articles… Il
aura du mal à trouver des confrères employés que cela intéresse. Non
parce que les aptitudes manquent, mais la règle ici, cest le moindre
effort, le strict minimum.
bien dans la recherche de linformation que dans la production des
magazines. Ce cas du jeune journaliste peut ne pas être représentatif de
lensemble du personnel, à travers les différentes filières. Il nen
revèle pas moins, le problème commun au personnel de laudiovisuel du
service public congolais : tous, hommes et femmes, jeunes et aînés, sont
mal conditionnés. Ils doivent chaque jour, découvrir par eux-mêmes des
raisons de satisfaction dans lexistence, sans céder au découragement.
mauvais conditionnement tient principalement à un facteur incidieux. Il
est lié au contexte politique qui regente tout ou presque, et qui fait
que les appréciations de lemployeur (auxiliaire du décideur politique)
en matière de recrutement et de promotion du personnel notamment, sont
sans appel. Lemployeur est seul à connaître les journalistes politiquement corrects.
Aussi, il est frappant dobserver, aujourdhui moins quhier dans
doute, lobsession quont les dirigeants de laudiovisuel du service public,
catégorisant les journalistes. Hier, il suffisait de sinterroger à
haute voix dans la salle de rédaction sur la vetusté dun matériel ou
dun manque abérrant de papier… pour se voir étiquetté « journaliste de lopposition ». Ainsi,
à limage de la scène politique, bipolarisée, le personnel de la Radio
Télévision Nationale Congolaise était bipolarisé. Il y a ceux qui
sinterrogent à haute voix sur leur métier, leurs conditions de travail,
qui tentent de garder une relative indépendance desprit dans les
prestations et les prises de position en public, dune part. Il y a
ensuite ceux qui, contents de leur sort, ou résignés, se satisfont du
minimum et trouvent leur compte dans diverses combines, visibles et
invisibles. Ils ne veulent rien savoir !
première catégorie, minoritaire, rassemble quelques diplômés détudes
supérieures, aînés désillusionnés ou jeunes observateurs critiques, tandis
quau sein de la deuxième catégorie on retrouve vaille que vaille les
courtisans de tous poils, activistes des mutuelles ethnique ou
régionaliste, et hélas, une majorité de la junte féminine. Observez
comment les différentes filières professionnelles se féminisent… Sur la
base de quelques mérites ? Le débat a déjà commencé.
il y a quelques années, traduisait réellement une situation dramatique.
Depuis, les choses nont pas beaucoup changé, au contraire. Loin de
nous toute idée de dramatiser, encore moins de caricaturer une réalité
vécue au quotidien. Prenons à titre dexemple, la rémunération.
ne peut affirmer quavec son seul salaire, il est capable de nouer les
deux bouts du mois. Même après ce geste applaudi du récent Directeur
Général intérimaire qui a décidé de multiplier par deux le revenu mensuel de chaque employé.
crise financière actuelle, les contraintes budgétaires dil y a
quelques décennies maintiennent constamment les salaires mensuel à un
niveau tellement bas, que le journaliste na que deux choix : soit vivre
de la solidarité communautaire,
soit et au mieux, cumuler de petits emplois : enseignant à temps
partiel dans un collège, commerçant à la petite semaine, collaborateur
dans un quotidien, attaché de presse dans un bureau ministériel… Ce
genre de vie est si dur à supporter physiquement et psychologiquement
que nombreux sont ceux qui se sentent enchaînés à lexistence comme à
une roue sans fin, où la fatigue, les courbettes et lépuisement sont la
règle. Cette modicité légendaire des salaires est à la base dune forme
de corruption généralisée, acceptée par la société congolaise, un
phénomène qui a déjà acquis ses lettres de noblesse : le coupage.
donné ou à remettre au journaliste ? Un prétexte à toutes sortes
dabus : corruption, achat de faveurs, détournement, vol … Lors quon
gagne un salaire décent, il est évidemment facile de critiquer cette
pratique. La réalité est que, même si ce phénomène choque, le
journaliste de la RTNC na
pas dautre alternative pour nourrir sa famille, ou plus banalement pour
sacheter une paire des chaussures. Les confrères « privilégiés »,
désignés correspondants permanents auprès de certaines institutions
publiques comme lAssemblée nationale, lHotel du Conseil (Primature), le Sénat et surtout la Présidence de la république vivent tellement bien dans les bonnes grâces de leurs patrons
circonstanciels, au point doublier quils sont dabord et avant tout
employés de la Radio Télévision Nationale Congolaise. Et toute allusion
faite au rappel éventuel de lun ou lautre à la rédaction est vite
vécue par le concerné comme un cauchemar, une tentative
déstabilisatrice, un complot quil faut écarter par tous les moyens.
humaine, facile à comprendre dans un contexte où, selon une enquête
inédite, le nombre des journalistes vivant dans lextrême précarité en
RD Congo a atteint en 2005, son niveau le plus élevé depuis les années
1970. Or, selon un observateur avisé, « jamais dans lhistoire, la faim na abattu larbitraire. Celui qui a faim ne pense quà manger ! »
aux infrastructures, et pour paraphraser une célèbre consoeur, la RD
Congo ressemble à un cimétière déléphants blancs. De ces projets
mégalomaniaques hérités du régime Mobutu, réalisés grâce à la collusion
entre le pouvoir politique et les amis étrangers, ne subsistent que des squelettes. Lun dentre eux nest autre que la célèbre Cité de la « Voix du peuple ». Juste
une année après son inauguration en 1976, on pouvait apercevoir, il
faut le savoir, des micros de studio, faisant partie des instruments
musicaux dans certains orchestres de Kinshasa ! Au fil des années, des
équipements sont tombés en panne, dautres cannibalisés ou carrément
volés. Des studios ont cessé de fonctionner, la climatisation des
salles, les studios et bureaux mise hors dusage, tout comme le bon
fonctionnement des ascenseurs…
dans tous les secteurs. Laudiovisuel public na rien vu venir. Il a
plutôt pris du temps pour le comprendre. Bref, la maintenance de
léquipement et du matériel na pas suivi, le renouvellement non plus.
montre des images, on ne peut simaginer des miracles opérés derrière
son petit poste de radio et de TV par un personnel plus que dévoué, mais
payé en monnaie de sokomutu.
un haut responsable de linformation a le devoir de convaincre à la
fois ses collègues participant à laction gouvernementale et ses
collaborateurs de service que lon a tout à gagner à dire la vérité.
Quel quen soit le contexte. Que ceux qui travaillent dans les medias respectent toujours la verite, la solidarite et la dignite des personnes,
dixit Benoit XVI. Cest une dure leçon, admettre que nous ne sommes que
des humains, avec nos faiblesses. Ou encore que le pays connaît des
problèmes et na pas les moyens de ses ambitions … Il faut pour cela des
hommes, des femmes qui soient en paix avec eux-mêmes. Des personnes qui
comprennent que les saisons passent. Il nous faut des hommes et des
femmes qui savent sélever.
la place, nous avons plutôt assisté à la succession dacteurs très
politiques, parachutés au gré des saisons, les uns aussi zélés que
dautres, toujours soucieux de faire plaisir au « Guide ». Aucun grand caractère, aucun visionnaire capable de tirer laudiovisuel public vers le haut. La machine dictatoriale
bien en place, a broyé des consciences, soumis des esprits, généré une
petite mentalité habitant des opérateurs politiques au goût prononcé à
laccumulation pour soi, à la légereté caractérisant plus généralement
la classe politique congolaise dhier et daujourdhui.
la fourniture déquipements audiovisuels. Que des irrégularités dans la
procédure ayant mené à la signature de ce contrat ! Toutes les
tentatives dauditeurs accrédités, cherchant à connaître le contenu
exact de ce contrat léonin, se sont littéralement heurtées aux refus polis venant den haut. Certains membres du personnel RTNC, parmi lesquels quelques syndicalistes, ont payé cash leur curiosité toute professionnelle… Qui se cache derrière Téléconsult ? « De gros bonnets de la République très, très démocratique… », indiquent des sources parlementaires. « A
commencer par certains ministres de linformation qui se sont succédés
depuis 2002, et qui ont été grâcieusement arrosés par Sieur P». Le scandale Téléconsult promet bien de révélations !
est placé sous la tutelle du ministère de la communication et des
médias. Concrètement, ce dernier outrepasse ses prérogatives de tutelle
légale pour se mêler de la gestion quotidienne, et de linformation (censure, communiqués à lire intégralement, page magazine …) et de ressources (recrutement, promotion, choix de présentateur, contrats …) Le ministre de la communication est en réalité le ministre de la RTNC, et ses conseillers autant dautres directeurs au sein de laudiovisuel public.
à une question dun confrère, un ancien ministre de linformation
déclara ce qui suit pour justifier linopportunité de toute initiative
visant le changement : « les
institutions étant faites par des hommes et pour des hommes, tant que
lhomme naura pas lui-même changé de mentalité, je crois que les
institutions, si nouvelles soient-elles, ne pourraient rien changer à la
situation ». Sans chercher la polémique, quelles mentalités faut-il
changer ? Comment change-t-on de mentalités ? Qui doit prioritairement
changer de mentalité?
ne pas sinterroger sur la démagogie malsaine distillée par des
journaux radio-rélévisés plutôt misérables ? Comment ne pas sattrister
face à linconscience affichée par une télévision à bout de souffle et
sans grands moyens ? Comment, dans un contexte en voie de
démocratisation, ne pas réagir contre lexploitation éhontée que des
ministres de linformation ont fait de la Radio et de la TV publiques depuis si longtemps ?
devrait constituer un motif de préoccupation pas seulement de sa
direction générale, mais surtout au niveau des instances nationales de
décision ! Car, elle devrait se doter de ressources morales nécessaires
pour affronter de vrais défis, parmi lesquels le développement et la démocratie.
Concrètement, la question est dimaginer des mécanismes, par filière de
métier, susceptibles de mobiliser efficacement le potentiel des cadres
dont elle recèle : formateurs, réalisateurs, journalistes, cinéastes… Il
sagit dimpulser ces compétences reconnues, afin de mettre au point
des démarches sectorielles viables, conçues en fonction des besoins
réels de la communauté nationale, et non comme cest de coutume, du bon
vouloir ou du rêve de quelques autorités.
devrait de lors, se départir de cette fâcheuse tendance à être
gouvernée sur la base dhumeurs partisanes. Nous le savons désormais,
cest ce genre de pratique courante qui a précipité son déphasage. Alors
que les auditeurs et téléspectateurs tentent de comprendre le pourquoi
de la médiocrité de certaines émissions ou de labsence prolongée de tel
bon animateur, parti voir ailleurs,
et bientôt le pourquoi de limposition dune rédévance qui serait
perçue au niveau national, ne vaudrait-il pas mieux douvrir la RTNC
à tous les principaux courants dopinions ? Elle ne sen porterait que
mieux, et pourrait enfin servir réellement le bien collectif. Mais ceci
serait vain, dès lors quon ninstallerait pas le personnel dans un
environnement épanouissant, remettant au premier plan les valeurs
déthique publique, hier et aujourdhui foulées aux pieds. En vérité,
rien de durable ne pourrait être entrepris tant que laudivisuel du service public sera geré comme un ligablo. Rien de démocratique ne sera fait tant que les serviteurs de lEtat places au sommet de la RTNC
nintégreront pas lesprit républicain qui doit habiter chacun deux :
de lautorité de tutelle à celle de la direction générale.
partisane, privée de moyens de lambition nationale, comme elle lest,
peu consciente de son rôle de support accompagnant le processus
démocratique, ne sera jamais en mesure de favoriser le moindre progrès.
Mais où sont donc, ces vertus en RD Congo ? A force de feindre de lui
rendre hommage, le vice a fini par se prendre pour la vertu, et il se
rend hommage à lui-même. La politique, synonyme de mensonges et
magouilles en tout genre, na jamais suscité autant dinterrogations.
Observez donc la scène politique congolaise avec ses acteurs, grands et
petits, de gauche comme de droite. Voyez comment ils sy bousculent, à
la veille des échéances électorales annoncées. Les uns, pointés du doigt
par divers rapports denquête sur divers crimes (plus de 4 millions de Congolais tués en moins dune décennie, oubliés, sacrifiés sur lautel darrangements politiciens …) ou
daudit dans leur gestion des affaires publiques, les autres, jeunes,
apprentis intriguants, mangeant à tous les rateliers. Quelquun sur la
même scène sest trompé de langage, criant au voleur ! « Corruption, tolérance Zéro ! » Au bout, sans surprise, les cameras invitées pour la circonstance se sont braquées sur du menu … lampiste !
ce beau monde, les institutions de la démocratie représentative sont
progressivement mises en place, nous annonce-t-on, avec une satisfaction
non dissimulée! Pourtant, avec ce beau monde, les valeurs morales sont
en déconfiture, quand elles ne sont pas recyclées en confiture
déthique, où lédulcorant dissipe le goût du fruit ! Les moralités du
jour ? Largent fait le bonheur ! On na jamais besoin dun plus petit que soi ! Bien mal acquis profite toujours ! Il faut se fier aux apparences ! A bon mentir qui vient de … ! Lhabit fait le moine etc… Bref, sur la place publique de Kinshasa, les fables de La Fontaine se lisent à lenvers ! Laudiovisuel du service public,
principal vecteur dun certain discours politique, nest certes pas
responsable de tous les maux ci-haut épinglés. Mais consciemment ou non,
tous ces maux sy donnent rendez-vous.
gravité de cette crise peut se mesurer par rapport au degré de
confiance que les auditeurs et téléspectateurs font en cet audiovisuel
du service public. Y ajouter
le discredit qui frappe la politique politicienne, il nest pas
excessif de se faire du souci quant à son avenir, et plus généralement
de la démocratie.
si cela ne suffisait pas, cest précisement dans ce contexte brumeux
quil convient de considérer la place prise par un troisième laron : la fabrique brassicole !
Et de refléchir un instant, aux rapports qui sétablissent entre
celle-ci, la politique, laudiovisuel public et lopinion. Emporté à son
corps défendant dans un tourbillon, au nom de la survie, la RTNC
est partout déstabilisée. Tous les acteurs parlent en même temps. Les
brasseries plantent leurs drapeaux aux heures indues : théâtres,
spectacles, émissions sportives (seul pays au monde où des présentateurs obligés vantent des pseudo-qualités de boissons alcoolisées).
La politique contrôle linformation et les magazines, tandis que
lopinion avec au premier plan, la jeunesse congolaise, marché-cible,
trinque, subit. Les bières mettent pieds dans la casserole politicienne,
les politiques tiennent table ouverte sur le plateau de la TV, laudiovisuel du service public
et son personnel sont tournés en dindon de la farce. Les quelques
milions de Francs congolais mis en jeu au passage, servent à engraisser
quelques malins, postés ici et là !
choses ont été dites et redites, sous diverses formes. Les enjeux, à la
veille des échéances électorales, sont tels que nous ne nous
fatiguerons nullement de les redire, même si certains esprits se lassent
de les entendre. La réhabilitation des infrastructures, la maintenance
technique, une meilleure gestion des ressources et la motivation du
personnel ne viendraient pas à bout toutes seules, de linsatisfaction
généralisée, de la médiocrité ambiante.
travail de fond devrait commencer là où il a été abandonné,
cest-à-dire au niveau même de la refléxion, de la conception des
missions à confier maintenant, à une Radio et une Télévision de service public, dans un contexte libéralisé,
sinscrivant dans une dynamique démocratique, étant donné les attentes
dun auditoire toujours plus avisé, toujours critique. Ensuite, placer
lhomme quil faut, à la place quil faut. Même si les résultats ne
peuvent être attendus quà moyen terme. Innover, enfin. Qui dit innover
dit remettre en question les acquis du passé, pour aller de lavant, en
préservant léquilibre entre la gestion des risques et lexploitation
des opportunités. Sans oublier la proximité et la transparence, qui sont des composantes essentielles à la bonne image de laudiovisuel véritablement du service public, aujourdhui et demain.