19 07 12 Jeune Afrique : EAC – Richard Sezibera : "Pourquoi nous, nous réussissons"
Appliqué, mesuré,
Richard Sezibera pèse chaque mot. Le secrétaire général de la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC), 48 ans, s'exprime
avec la prudence typique des dirigeants formés dans le moule du Front
patriotique rwandais (FPR). Après des études de médecine à Kampala, ce
Rwandais qui a connu l'exil très jeune (il a grandi au Burundi) s'est engagé
dans ce qui était alors une rébellion lancée depuis l'Ouganda
contre le régime de Juvénal Habyarimana.
Médecin personnel
du président Pasteur Bizimungu après la prise de Kigali par le FPR en 1994, il
est nommé, en 1999, ambassadeur aux États-Unis, puis envoyé spécial de Paul
Kagamé (devenu président) dans la poudrière des Grands Lacs, en 20039(…)
Jeune Afrique :
L'EAC est l'une des zones économiques les plus dynamiques du continent. Quels
sont ses atouts ?
Richard Sezibera
: J'en vois au
moins trois. D'abord, nous avons un projet d'union politique fort et clair,
nous voulons devenir une fédération. Les intégrations partielles marchent
généralement mal : si vous vous limitez à un marché commun, personne ne voit
d'urgence à s'investir dans le processus. Les citoyens de nos pays, au
contraire, aspirent à devenir des « Est-Africains ». Ensuite, nos
dirigeants ont de vraies visions de développement. Les présidents du Rwanda, de
l'Ouganda, du Burundi et de la Tanzanie ont vu leurs pays traverser des
périodes terribles et veulent construire un avenir différent. Enfin, ils ont
très tôt fait confiance au secteur privé. Grâce à ce choix – au Kenya par
exemple -, même quand l'État est paralysé, les entreprises
fonctionnent(…).
D'autres pays
ont-ils exprimé leur souhait de rejoindre l'EAC ?
La Somalie est
candidate. Son dossier doit bientôt être étudié.
Et la RDC ?
Certains
responsables de l'est du pays nous ont fait part de leur intérêt, mais il n'y a
eu ni candidature officielle ni vraies discussions.
Vous étiez
l'envoyé spécial de Paul Kagamé dans les Grands Lacs entre 2003
et 2008. Aujourd'hui, la situation semble être au même point qu'à l'époque.
Y a-t-il eu de véritables progrès ?
Oui. La RDC a
connu deux élections, et, aussi imparfaites qu'elles aient été, cela paraissait
inenvisageable quelques années plus tôt. Il existe un cadre de discussion entre
Kinshasa et le Rwanda, le Burundi et l'Ouganda. Certains groupes armés, comme
les FDLR [rébellion hutue issue de la fuite des génocidaires rwandais en RD
Congo, NDLR], ont été sensiblement affaiblis.
Mais il y a de
nouveaux groupes rebelles, et la RDC accuse le Rwanda d'être derrière l'un
d'eux…
Les deux pays
continuent de débattre. Mais si la communauté internationale ne change pas de
méthode en RD Congo, elle ne peut s'attendre à obtenir des résultats
différents. Les problèmes fondamentaux de celle-ci sont connus : questions de
gouvernance, relations entre les différents groupes ethniques et présence des
FDLR, qui, au-delà de leurs capacités militaires, propagent la haine et les
divisions ethniques dans une région déjà fragile. Quand vous ajoutez à cela
l'incapacité du gouvernement à gérer équitablement ses ressources, la
persistance des difficultés n'est pas si étonnante.
Mais la Mission
de l'ONU en RD Congo (Monusco) est la plus coûteuse au monde. La communauté
internationale ne lésine pas sur les moyens…
C'est vrai, mais
ils sont mal ciblés. Elle s'occupe beaucoup de certaines questions, telles les
élections. C'est très bien, mais elle ne traite pas les problèmes
fondamentaux…
D'où la solution
peut-elle venir ?
Prenez les exemples du Burundi, du
Soudan du Sud… Quand on implique les Africains pour résoudre les crises
africaines, et en particulier les voisins, on a de bien meilleurs résultats.
Parce qu'ils comprennent mieux les enjeux et s'engagent davantage. Je ne vois
pas pourquoi cela serait différent pour la RD Congo.