24 07 12 Afrikarabia: «Kabila est le seul obstacle à la paix » selon le général Munene

"Munene
Afrikarabia : Faustin Munene, depuis 3 mois le Nord-Kivu est le théâtre
de violents affrontements entre la rébellion du M23 et l’armée
congolaise, comment analysez-vous la situation ?


Faustin Munene :  Pourquoi la situation s’est dégradée dans ce secteur ?
C’est là qu’a lieu le pillage organisé de nos richesses, c’est là que
les populations connaissent le pire de ce qu’a connu l’humanité depuis
la seconde guerre mondiale, tout cela cautionné par le gouvernement
congolais. C’est dans cette régions que l’on risque de connaître le
pire, c’est à dire la balkanisation de notre pays. Et c’est donc dans
cette zone que s’organise une forte résistance contre un gouvernement
illégal et illégitime. La seule personne qui est responsable de cette
explosion à l’Est s’appelle Joseph Kabila. Plusieurs raisons à cela : sa
mauvaise gouvernance et la mise en place d’un régime dictatorial sans
justice sociale. C’est un régime où toutes les institutions sont prises
en otages. Il engage la République dans des accords secrets (avec le
Rwanda, ndlr), il prend ses décisions seul, personne ne sait ce qu’il
fait. Le conflit à l’Est ne s’explique pas par les « forces négatives »
(FDLR, Maï-Maï et maintenant M23, selon Kinshasa, ndlr). Ce terme est un
concept erroné qui n’est pas acceptable juridiquement. Dans ce conflit,
nous avons d’un côté, un gouvernement illégitime, avec l’armée
congolaise, la police nationale, les services de renseignement et des
mercenaires engagés à partir des pays des Grands lacs, et de l’autre
côté vous avez le peuple qui n’a d’autre moyen que l’auto-défense et la
résistance. Lorsque l’on dit « forces négatives », il s’agit donc d’une
mascarade pour en faire ce que l’on veut.

– Afrikarabia :
Que pensez-vous du projet d’envoi d’une « force internationale neutre »
dans la région pour stabiliser la frontière entre la RDC et le Rwanda ?
C’est une solution selon vous ?

– Faustin Munene :
C’est une violation très grave du droit. Cette décision a été prise
seule, en ignorant le peuple d’abord et la Constitution ensuite.
Kinshasa est seulement en quête de légitimité internationale (après les
élections contestées de novembre 2011, ndlr) et l’Union africaine a été
prise en otage. Sur le plan technique, nous avons déjà une force
internationale qui s’appelle la Monusco (mission des Nations unies en
RDC, ndlr) forte de 18.000 hommes. Pour moi, la « force neutre » est
simplement destinée à mettre notre pays sous tutelle.  Je voudrais
adresser un message à l'Union africain : il faut une solution plus
durable et un cadre juridique. Il faudrait aussi y inclure la
résistance, nous avons des propositions à faire.


Afrikarabia : Est-ce que votre mouvement, l’Armée de résistance
populaire (ARP), est déjà engagée sur le terrain et mène des actions ?


Faustin Munene : A l’Est, la population s’est dressée comme un seul
homme contre le régime. L’auto-défense est un des principes de la
résistance. L’auto-défense est d’ailleurs autorisée par l’article 63 et
64 de la Constitution. Dans notre cas, il s’agit de légitime défense.
Nous nous battons contre ce génocide qui a eu lieu à cause de notre
hospitalité pour avoir reçu des réfugiés rwandais (après le génocide de
1994, ndlr). Nous payons le prix fort. Et maintenant les Congolais ne
veulent plus de Kabila. Joseph Kabila est le seul obstacle à la paix. La
résistance est présente sur le terrain, dans toutes ces formes. Il ne
faut pas oublier que le M23, c’est l’ancien CNDP, qui compose une partie
des FARDC (l’armée régulière congolaise, ndlr). Le CNDP s’est rallié au
PPRD, (le parti majoritaire de Joseph Kabila, ndlr). Nkunda, Ntaganda
et les autres… ont été promus aux grades d'officiers supérieurs par le
président Kabila lui-même. Le CNDP constitue donc pour moi une
composante du gouvernement. Les gens du M23 ont compris cela et ont
tourné casaque. Ils intègrent donc le camp que nous appelons celui de la
résistance. En ce qui nous concerne, la résistance n’a pas de couleur.


Afrikarabia : Est-ce que cela veut dire que l’ARP est présente sur le
terrain à l’Est, à Walikale par exemple et dans d’autres endroits ?


Faustin Munene : Oui, nous  sommes présents depuis longtemps, avant
même le M23, juste après ce que l’on appelle le « hold-up électoral » de
Joseph Kabila. Nous avons alors pris la décision ferme de défendre
notre territoire. Dès le mois de janvier 2012, nous nous sommes
positionnés auprès de nos populations pour l’auto-défense. Nous sommes
présents dans 4 provinces : Province orientale, Nord-Kivu, Sud-Kivu et
Nord-Katanga.

– Afrikarabia : Qui sont les alliés de l'ARP sur le terrain ?


Faustin Munene : La résistance comme principe de légitime défense
engage l'ensemble des résistants, de l'intérieur et de l'extérieur. Il
n'y a pas d'alliance, tout le monde qui prend position contre ce régime
fait partie de cette résistance. Tous les moyens sont bons pour que
Kabila parte. Nous ne faisons aucune discrimination.

– Afrikarabia : Cela veut dire que vous pouvez vous allier au Nord-Kivu au groupe Maï-Maï Raïa Mutomboki par exemple ?


Faustin Munene : Tout ceux que vous citez font partis de ce que nous
appelons les forces de résistances. Je le répète, le terme de « forces
négatives » est très méprisant et cache la vérité des choses. L'ARP, sur
le terrain, est représentée par tous ces groupes d'auto-défense. Le
terme Maï-Maï est très mal utilisé. Pour moi, les Maï-Maï sont tout
simplement des résistants qui refusent la terreur, les pillages et tout
ce que l'on connaît de mal. Maï-Maï, c'est un état d'esprit, nous
n'avons pas de tribu qui s'appelle Maï-Maï.

– Afrikarabia : Quels sont les alliés politiques de l'ARP ?


Faustin Munene : Nous faisons partis de la grande famille de
l'opposition. Nos alliés sont tout ceux combattent le régime de Joseph
Kabila. Tous les partis politiques d'opposition sont nos alliés
naturels.

– Afrikarabia : Pouvez-vous nous dire où vous êtes actuellement et dans quelles conditions vous vivez ?


Faustin Munene : J'ai échappé à maintes reprises à des tentatives
d'assassinat. J'ai donc traversé chez nos voisins (au Congo-Brazzaville,
ndlr). On m'a condamné par contumace en RDC, on a même arrêté des gens
qui ont travaillé avec moi il y a plus de 10 ans. Beaucoup de mes
collaborateurs ont perdu la vie. Je devais être liquidé avant le chef de
l'Etat (Laurent-Désiré Kabila a été assassiné le 16 janvier 2001). J'ai
donc trouvé protection auprès du gouvernement du Congo-Brazzaville.
Mais
vous savez, j'ai participé au coeur du pouvoir, pendant la guerre
contre régime de Mobutu, j'étais aux côtés du président assassiné,
Laurent-Désiré Kabila et je connais tellement bien Joseph Kabila…
peut-être mieux que tout le monde. Le président Sassou (président du
Congo-Brazzaville, ndlr), en  grand sage, n'a pas accepté la demande
d'extradition de la RDC.

– Afrikarabia : Cela veut dire que vous êtes libre de vos mouvements au Congo-Brazzaville ?


Faustin Munene : Ici je suis protégé car l'ennemi est partout. L'ennemi
me cherche à la loupe. Tous les services de Joseph Kabila cherchent à
m'assassiner, je suis donc protégé ici.

Propos recueillis par Christophe RIGAUD

Photo : Faustin Munene © DR

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