28 08 12 RFI: Interview de Yamina Benguigui
RFI : Pourquoi François Hollande a-t-il décidé
finalement de se rendre à Kinshasa ?
Yamina Benguigui : Je crois que ça a toujours fait partie de ses
priorités, comme il la annoncé tout à lheure. Il a dit : cest important dy
aller et de tout dire partout. Cest une nouvelle posture, je pense, dans le
regard, en tout cas, sur lAfrique. La RDC est sur la voie de la
démocratisation. Donc, cest le pari aujourdhui, dêtre présent et de parler,
encore une fois, de tout.
RFI : Est-ce quen refusant dy aller, le président naurait pas envoyé un
signal plus fort au pouvoir en place à Kinshasa ?
Yamina Benguigui : Non. Ça ne sert à rien disoler un régime. Je ne
pense pas que la politique de la chaise vide soit praticable aujourdhui.
RFI : Est-ce que, aller sur place aujourdhui, ce nest pas, quelque part,
légitimer, confirmer ce président Joseph Kabila dont la réélection a été
contestée ? Çest ce que dit notamment lUDPS, le principal parti
dopposition…
Yamina Benguigui : Ecoutez, moi jai juste envie de vous faire une
réponse très courte. Ce nest pas une réunion bilatérale. Cest le sommet de la
Francophonie. Donc, il y a beaucoup de chefs dEtat africains. Les valeurs de la
démocratie sont présentes dans leurs sociétés. Je pense à Macky Sall entre
autres. Donc, il faut y aller. Et je pense quon peut écouter. On peut être à
lécoute du pays aussi.
RFI : Le président français vient dannoncer quil rencontrerait
lopposition politique. Est-ce que vous savez déjà sil rencontrera Etienne
Tshisekedi, le leader de lUDPS qui sétait autoproclamé président de la
République ?
Yamina Benguigui : Pour linstant, je ne connais pas sa feuille de
route. Sil y a une demande… voilà. Je ne peux pas mavancer pour lui. Il
rencontrera les membres de lopposition, il la dit.
RFI : François Hollande sétait donné une période de réflexion. Et il
avait demandé début juillet à Joseph Kabila de montrer sa volonté de promouvoir
la démocratie. Est-ce quil y a eu, ces deux derniers mois, des signes tangibles
qui ont été donnés ?
Yamina Benguigui : Alors je vous donne juste une information. Il y a
une interview qui a été donnée par monsieur Aubin Minaku, qui est président de
lAssemblée nationale de RDC, le 22 août. Et il dit bien : nous allons adopter
deux lois importantes pour la démocratie en République Démocratique du Congo.
Premièrement, la loi portant sur lorganisation et le fonctionnement de la
Commission électorale nationale indépendante, la Céni. Cest une loi que nous
allons adopter avant le 15 octobre. Nous allons aussi adopter la loi portant la
mise en place de la création de la Commission nationale des droits de lhomme,
parce que cest aussi important. Donc, nous nous devons de faire confiance. Nous
nallons pas commencer à décortiquer une réponse ou une parole qui ne seraient
pas fiables.
RFI : Vous personnellement, madame Yamina Benguigui, quand
vous avez rencontré le président Joseph Kabila, est-ce que vous lui avez posé
clairement des conditions pour la venue du président français ? Est-ce quil y a
eu des exigences de la part de la France ? Et lesquelles, si oui ?
Yamina Benguigui : Non. Vraiment, je crois quil faut oublier la
posture, de venir et de dire : je veux ça, je veux ça, je veux ça. Ce serait une
honte pour les Congolais que la France se comporte comme ça ! Nous nous devons
de venir. Oui, peut-être même prendre des coups. Moi-même, jai reçu des menaces
de mort par mail… Mais ce nest pas pour ça. Je pense que cest important, dans
la situation de la RDC, que ce sommet ait lieu.
RFI : Est-ce que vous avez évoqué laffaire Chebeya, du nom de ce
défenseur des droits de lhomme, qui a été retrouvé mort en juin 2010, et son
chauffeur Fidèle Bazana ? Le procès en appel a repris, est-ce que vous avez émis
des souhaits pour un procès plus juste, plus équitable ? Est-ce que vous lavez
formulé ?
Yamina Benguigui : Nous avons abordé, on va dire, tous ces problèmes.
Maintenant, je ne peux pas mingérer dans la justice congolaise. Je nétais pas
daccord avec lexpulsion du réalisateur…
RFI : Thierry Michel, le réalisateur belge, donc, auteur dun documentaire
sur le procès Chebeya…
Yamina Benguigui : Jy suis allée, jai vu le Premier ministre à ce
sujet. Et il va lannoncer. Thierry Michel va être invité, officiellement, à
venir présenter son film. Et jai vraiment dit tout ce que je pensais de cette
expulsion. Donc, voilà. Ça cest ma limite. Et ensuite, je pense que la présence
de ce sommet peut aussi ouvrir dautres horizons, y compris sur la justice.
RFI : Si vous aviez, en quelques mots, un message à adresser à tous ceux
qui sont opposés à la tenue de ce sommet, et qui ont menacé même den perturber
le déroulement, ce serait lequel ?
Yamina Benguigui : Moi, je les invite à venir au sommet. Ils sont les
bienvenus. On les entendra. Mais il ne faut pas oublier aussi le peuple. Je
crois quils sont fiers de recevoir ce sommet, dans un moment où la RDC est très
oubliée. Donc, jespère aussi que ce sommet se fera le réceptacle de ce qui sy
passe pour que, aussi, les nations sintéressent à ce conflit et fassent évoluer
les choses.