Crise dans la sous-région des Grands Lacs Le retour au Rwanda de la communauté tutsi congolaise est une solution a envisager (Simon Pierre Péan)

Ils ont
fait près de 5 millions de morts en terre congolaise au cours de ces 15
dernières années.

Une fois à la tête du pays, Mobutu
Sese Seko, Laurent-Désiré Kabila et Joseph Kabila ont posé, chacun, des
actes encourageants dans le sens de favoriser l’intégration de cette
communauté dans l’espace national.

Mais à chaque tentative de tendre la
main à cette communauté, chacun a failli se faire arracher le bras.
D’ailleurs, Mobutu et L-D. Kabila sont morts pour causes directes et
indirectes de leur ouverture aux Tutsi. Joseph Kabila pourrait perdre sa
vie sinon le pouvoir.

La déduction tient alors de la
logique suivante : la communauté tutsi, tout au moins son élite, n’a
jamais été prête pour l’intégration
. Ce qui conforte la thèse de la
recherche du Tutsiland qui se grefferait sur le territoire congolais au détriment, cela va de soi, du Kivu.

Depuis l’indépendance, toutes les solutions préconisées se révèlent inadéquates.

Nous pensons qu’il y en a une qui mérite d’être mise sur la table des négociations puisque jamais envisagée jusqu'à présent : le retour à la mère patrie, le Rwanda.

Évalués à 2.825.000, les Tutsi de la
région des Grands Lacs sont, au dernier recensement, 1.207.000 au
Burundi, 1.044.000 au Rwanda, 297.000 en RDC, 213.000 en Tanzanie et
64.000 en Ouganda.

C’est peut-être cynique d’y penser et
de le dire, mais le plaidoyer pour le retour à la mère patrie se fonde
sur le génocide de 1994.

Voici une vingtaine d’années que le
chiffre avancé pour ce crime est de 800.000 Tutsi (et Hutu modérés)
tués. Même si la proportionnelle n’a jamais été établie, on sait au
moins que la communauté la plus touchée (d’où le génocide) est celle
regroupant celle des Tutsi.

Dès lors qu’elle s’estime en
insécurité permanente en RDC, la communauté tutsi congolaise (297.000
âmes) trouverait bien sa place dans son pays d’origine.

Sa chance, elle la tient de la présence de Paul Kagame à la tête du Rwanda actuellement.
Demain, ce sera trop tard.

Voici en quoi consiste demain : à
l’image de l’Afrique du Sud où la majorité démographique est détenue par
la communauté noire (comme aux États-Unis où elle est détenue par la
communauté blanche), le Rwanda finira, par le jeu démocratique libre
fondé sur le principe « un homme, une voix », par revoir la communauté
hutu (85 % de la population) reprendre le pouvoir.

Dans 10, 20 ou 30 ans, Paul Kagame ne
sera toujours pas là, et même si par miracle il restait à son poste, la
position de la communauté internationale aura évolué. Donc, c’est
maintenant ou jamais !

Maintenant ou jamais d’autant plus
qu’avec le cycle des guerres qu’elle entretient dans sa terre de
transplantation, la communauté tutsi congolaise est en train de se
priver de la confiance des Congolais non tutsi. Sur l’échelle de 70
millions d’habitants que compte la RDC, les 300.000 Tutsi sont 230 fois
moins ! Donc, 1 Tutsi devra affronter la colère ou la méfiance de 230
Congolais.
 Il ne s’y sentira jamais en sécurité absolue.

D’aucuns pensent que la protection de
cette minorité passe par la création d’un Tutsiland sur le sol
congolais. En fait, pour dire vrai par la balkanisation du Congo, car
personne de sensé ne voit ce pays survivre à cette greffe.

On peut déjà en être sûr : le
Katanga, le Bas-Congo et les deux Kasaï – où l’option du fédéralisme est
plus prononcée depuis l’indépendance qu’à Équateur, en Province
Orientale, au Nord Kivu, au Sud Kivu et au Bandundu défenseurs
de l’unitarisme – saisiraient l’occasion pour s’autodéterminer.

Mais, la protection de la minorité
tusti congolaise ne sera pas garantie pour autant. Pour la bonne et
simple raison que le Tutsiland sera un État entouré par une communauté
hutu profondément frustrée, présente en RDC, en Ouganda, au Rwanda même
et au Burundi, donc largement majoritaire.

Dans la même logique, ce serait une
erreur que de croire dans la protection de la minorité tutsi congolaise à
partir d’un Kivu redécoupé. Ce Kivu-là est constitué du Nord Kivu
(59.483 km² pour 5.800.000 habitants) et du Sud Kivu (­65.070 km² pour
4.650.000).

 Devant un danger commun, ils vont faire bloc avec un État
qui aura une superficie de 124.553 km² pour une population de 10.450.000
habitants. En soustrayant la communauté tutsi congolaise, c’est un
peuple de près de 10.000.000 d’habitants dressés comme un seul homme
contre les 1.344.000 Tutsi du Rwanda et de la RDC réunis !
Avec son
gouvernement central à Goma ou à Bukavu, le nouvel État du Kivu aura ses
institutions de la République, son armée, sa police, ses services de
sécurité. Il n’attendrait plus un ordre lent en provenance de Kinshasa.

Cet État -là, blessé dans sa chair à
cause de la greffe Tutsiland, s’estimera en droit de récupérer par tous
les moyens son territoire.
Et son combat sera légitime. Paul Kagame ne
sera certainement plus là pour affronter l'ire des Kivutiens. James
Kabarebe ou Louise Mishikwabo ne saurait y faire face.

Comme on peut s’en rendre compte, le
retour des Tutsi de la RDC en mère patrie relève de l’évidence. C'est la
solution idoine qui puisse leur être proposée. La communauté hutu du
Rwanda n’y trouvera rien à redire puisque ces Tutsi sont partis du
Rwanda par la volonté de la puissance coloniale et sont en droit d’y
rentrer par leur propre volonté.

La mutinerie du M.23 et le soupçon du
soutien du Rwanda évoqué maintenant à haute voix par la communauté
internationale créent l’occasion de lancer ce débat. A quelque chose,
malheur est bon, dit-on.

En se livrant à la surenchère avec la
nouvelle revendication sur la vérité des urnes alors qu’au départ, il
était question uniquement de l’application de l’Accord de Goma, le M.23
fait diversion. Le Rcd, l’Upc, le Cndp se sont livrés à la même
diversion pour appâter l’opposition politique congolaise. Et celle-ci
est chaque fois tombée dans les panneaux.

Il est à espérer des Congolais qu’ils ne se tromperont plus de lutte ni d’adversaire en cherchant l’ennemi dans leurs rangs.

En faisant de leur retour en mère
patrie l’objectif premier de leurs revendications, les Tutsi congolais
changeront  le cours de l’histoire.
Déjà, pour se rassurer des bonnes
dispositions de Paul Kagame à leur égard, ils pourraient proposer aux
Nations Unies ou à l'Union africaine un référendum de réintégration.

Si le régime rwandais encourage la
réintégration, c’est qu’il est prêt pour leur retour à la mère patrie.
S'il s'y oppose, c'est qu’il n’a jamais voulu d’eux.
C'est la preuve par
neuf que Paul Kagame les instrumentalise pour les faire haïr des
Congolais. 

La Communauté internationale ne va  leur reprocher l’initiative du retour au Rwanda, au risque de
confirmer elle-même sa complicité.

C'est le moment pour le leadership
tutsi congolais de mettre Kigali à l'épreuve de la vérité. Au lieu de
s'en tenir à des stratagèmes de tourner en rond, les personnalités tutsi
congolaises comme Moïse Nyarugabo, Bizima Kahara, Azarias Ruberwa,
Désiré Kamanzi etc. devraient envisager la solution du Grand Retour.

Bruxelles, le 18 août 2012


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