24.09.12 Le Potentiel – Jean-Michel Dumond : « Nous voulons affirmer notre attachement à lunité du pays »
La Francophonie, la guerre dans lEst de la RDC, la coopération entre lUnion européenne (UE) et la RDC, la crise économique en Europe, les accords de partenariat économique avec les pays dAfrique, Caraïbes et Pacifique (ACP) sont les questions dactualité sur lesquels le Groupe de presse Le Potentiel (quotidien Le Potentiel, Radio-télé 7) sest entretenu, le vendredi 21 septembre 2012, avec le chef de la Délégation de lUnion européenne en RDC, lambassadeur Jean-Michel Dumond. Par rapport à la situation qui prévaut dans la partie Est de la RDC, lambassadeur Dumond a réaffirmé, au nom de son institution, « lattachement à lunité » de la RDC.
La province du Nord-Kivu est en proie à une guerre entretenue par les troupes rebelles du «Mouvement du 23 mars (M23)», soutenues par le Rwanda qui nie cependant son implication dans cette guerre. Quen pense lUnion européenne à ce sujet ?
La position de lUnion européenne est claire. LUE est, depuis toujours, attachée à lunité, à la souveraineté et à lintégrité territoriale de la République démocratique du Congo. Elle condamne, sans la moindre réserve, le M 23 et soutient les efforts du gouvernement congolais pour rétablir son autorité dans la région. Alors, que faisons-nous concrètement ? Nous intervenons à Kigali où nous avons très clairement dit au gouvernement du Rwanda quil doit condamner explicitement, pas seulement implicitement, le M23 et quil doit prendre toutes les mesures pour que cesse le soutien à ce mouvement, pour collaborer avec les experts de lOnu qui ont mis à nu lévidence de ses ingérences au Congo. Nous insistons auprès du Rwanda pour qu'il sengage dans un dialogue constructif avec la RDC à tous les niveaux de manière à ce que les racines du problème soient traitées.
Il y a un certain nombre dinitiatives régionales qui sont en cours, notamment celles qui sont prises par la Conférence internationale de la région des Grands Lacs (CIRGL) et qui visent à létablissement dune Force internationale neutre, dun mécanisme de vérification conjoint. LUnion européenne, qui participera au sommet du 27 septembre à New York – le président du Conseil européen y sera présent – soutient ces initiatives. Ceci souligne encore plus la nécessité, pour la RDC, de mener une réforme du secteur de sécurité qui lui permette de disposer réellement de forces armées qui soient à la fois professionnelles, bien équipées, bien formées, mobiles. Et puis, nous savons que ces unités militaires qui montent au front, laissent un vide dans une grande partie de lEst du Congo. Il faudrait quil y ait dans ses régions une police congolaise qui assure lordre, la sécurité et la stabilité. Cest le sens de laction que nous menons pour permettre à larmée et à la police dêtre efficaces, professionnelles, respectueuses des populations et soucieuses, avant tout, dassurer lordre public pour le bénéfice de tous.
Lopinion ne voit pas très clair sur la position de lUnion européenne. Le rapport sur la présence des troupes rwandaises sur le sol congolais est clair. Pourquoi ne demandez-vous pas à Kigali, mieux à Kagame, de retirer ses troupes en lieu et place de pousser la RDC à des négociations ?
Au-delà des négociations, du dialogue plus exactement, nous avons dit très clairement au gouvernement du Rwanda quil devait cesser toute ingérence et que toute mesure devait être prise pour que cesse tout soutien au M23 et nous lui avons demandé de condamner explicitement cela. Nous avons pris un certain nombre de mesures, notamment le gel de tout appui budgétaire. Lors de la dernière réunion de lUnion européenne, il y a trois jours, nous sommes convenus de ne reprendre aucune assistance budgétaire nouvelle au Rwanda tant que celui-ci naurait pas donné des signes concrets de vouloir coopérer.
Pour mettre un terme à la guerre qui sévit dans lEst du pays, les chefs dEtat des pays de la région des Grands Lacs ont proposé la mise sur pied dune force internationale neutre. Comment appréciez-vous cette initiative ?
Cest très important que ce soient dabord les pays de la région qui essaient de trouver une solution parce quils sont à même de connaître les tenants et les aboutissants de la question, mieux à même dagir. Donc, nous soutenons cette initiative. Le secrétaire exécutif de lUnion a discuté à Bruxelles les modalités de ce soutien. Et lors de la réunion du 27 septembre à New York, nous réitérerons ce soutien.
Dans quelques jours, Kinshasa va accueillir le 14ème Sommet de la Francophonie. Quel regard portez-vous sur ces assises ?
Je signale dabord que le vice-président de la Commission européenne sera à Kinshasa pour ce Sommet pour livrer le message de sympathie de lUnion européenne aux participants à ces assises de la Francophonie. Je crois que cest quand même un événement extrêmement important, puisque cest la première fois quun Sommet de la Francophonie se tient en Afrique centrale. Ce sera loccasion de débattre dun certain nombre de sujets importants qui, au-delà de la Francophonie, concernent lensemble des pays membres de la communauté internationale.
Je crois que cest une chance, une occasion pour la République démocratique du Congo de se faire connaître puisque 75 pays siègent au Sommet de la Francophonie, soit en tant que pays membres, soit en tant que pays associés ou observateurs. Cest loccasion pour tous de découvrir les réalités complexes, les défis et les difficultés auxquels est confrontée la RDC, de mieux comprendre et de mieux coopérer à lavenir sur les défis que doit relever ce pays.
Selon le conseiller spécial du secrétaire général de la Francophonie, Ousmane Paye, les questions économiques occuperont une place importante à ce 14ème Sommet. Comment les pays riches pourront-ils marquer leur solidarité envers les pays pauvres ?
La solution se trouve dabord chez les Congolais, eux-mêmes. Ce pays est riche. Il abrite des réserves minières, qui en font un scandale géologique. Il abrite d'importantes réserves de pétrole. Il a des terres qui permettent de nourrir un milliard dhabitants. Son potentiel hydroélectrique peut alimenter lensemble du continent africain et bien au-delà. Donc, lessentiel, cest de sorganiser pour que les richesses du pays se traduisent en croissance et pour que celle-ci bénéficie à la population. Je crois que cest là le défi essentiel.
Le Premier ministre a mis en place un programme ambitieux et réaliste. Cela suppose un certain nombre defforts. Et lUnion européenne est décidée à accompagner ce programme. Maintenant, nous réfléchissons sur la manière de développer cette coopération, cette assistance au cours du 11ème Fonds européen de développement (FED) de 2014-2020. Nous devons voir comment nous pouvons coopérer avec la RDC, avec les Congolais pour que toutes les richesses se traduisent en progrès économiques et sociaux pour la population congolaise.
Dans un autre registre, nous allons parler des Accords de partenariats économiques (APE) entre lUnion européenne et les Pays dAfrique, des Caraïbes et Pacifique (ACP). Pouvez-vous faire létat des lieux de ces accords au stade actuel et nous dire, au moment où la crise est en train de secouer presque la plupart des Etats de lUnion européenne. Les pays africains peuvent encore croire aux APE ?
Les négociations continuent entre lUnion européenne et le groupe des Etats dAfrique centrale. La RDC a choisi de discuter, de négocier dans ce cadre. Nous espérons que ces négociations puissent déboucher sur un compromis satisfaisant qui bénéficie aux deux parties.
Je sors un peu de lactualité congolaise. Dernièrement, le journal français Charlie Hebdo a fait une caricature du prophète Mahomet. Un pays de lUnion européenne, en loccurrence la France, est menacé pour cela. Quelle est lattitude de lUnion européenne quand on sait quun ambassadeur a été tué à Benghazi, simplement parce que Mahomet a été caricaturé ?
Nous défendons la liberté de la presse, la liberté dopinion et la liberté de pensée. Il est clair que la solidarité de lUnion européenne est, dans ce cas, extrêmement claire. Nous défendons les mêmes positions partout, que ce soit en Europe, en Afrique ou dans le reste du monde. Vous allez avoir le Sommet de la Francophonie. Il y a quelques jours, à loccasion de la rentrée de la session parlementaire, nous avons entendu les présidents du Sénat et lAssemblée nationale nous annoncer un certain nombre dinitiatives importantes, par exemple sur la Commission des droits de lHomme, sur la restructuration de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).
Je crois que ce sont des étapes importantes. Et je pense que, partout dans le monde, nous défendrons les mêmes valeurs. Je pense également que tout ce qui se passe avec Charlie Hebdo, il est clair que notre solidarité est totale, quel que soit le jugement que vous pouvez porter sur la sagacité politique. Mais, en matière de principe, nous affirmons la même chose. Pour ce qui concerne le meurtre dont a été victime lambassadeur des Etats-Unis, je ne suis pas sûr que cela soit lié à laffaire du film dans la mesure où il apparaît de plus en plus quil a été victime dune attaque terroriste. Comme je lai dit, nous défendons partout les mêmes valeurs. Un exemple tout simple : en ce moment se déroule le procès des assassins de Floribert Chebeya, les missions européennes assistent à ce procès.
Et nous espérons que ce procès fera la lumière sur tout ce qui sest passé, que tout se déroule dans les conditions de transparence qui permettent à la justice dêtre impartiale. Nous souhaitons que tous les responsables, quelle que soit leur importance, puissent être entendus et que toutes les mesures soient prises pour que la vérité éclate et que justice se fasse. Donc, où que nous soyons, où que nous agissons, notre langage est le même parce que, in fine, il ny a que des hommes qui souffrent et qui méritent dêtre défendus.
Parlons de la crise financière au sein de lUnion européenne. On a limpression que la Grèce est abandonnée. Ny a-t-il pas crainte que ce pays quitte lespace monétaire européen ?
Je ne pense pas parce que les dernières informations en notre possession ne vont pas dans ce sens-là. La Banque centrale, par la voie de son président, a dit clairement que son soutien serait illimité. Encore ce matin, si vous regardez ce qui se passe sur les places boursières, vous verrez que leuro est en hausse et que le dollar américain et le yen sont en baisse. Les données macroéconomiques de lUnion européenne, globalement, sont meilleures que celles des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et du Japon. Cest ça, la réalité économique.
Donc, les mesures qui ont été prises sont compliquées parce que nous ne sommes pas un Etat centralisé mais une union dEtats souverains. Les processus de décisions sont plus compliqués. Cela fait que cest plus long. Mais de bonnes décisions sont prises. On va vers lunion bancaire, vers plus de responsabilités communes, plus de solidarité. Un certain nombre de pays souhaitent que cette solidarité saccompagne de mesures qui encadrent léconomie. Cest une discussion qui a lieu et je suis sûr que nous arriverons aux décisions qui seront dans lintérêt de tous. Et que lUnion européenne sortira plus forte de cette crise.
Que répondez-vous à certains auteurs, penseurs et économistes, européens tel que le Français Paul Gorrion, qui estiment que le capitalisme est à lagonie ? Est-ce la fin du capitalisme ?
On parle de la fin du capitalisme depuis des décennies sans quon nait jamais vu sa disparition. Il y en a qui sont dailleurs morts avant (Rires)…
Donc, le capitalisme est éternel ?
LUnion européenne nest pas le capitalisme mais une aventure engagée par un certain nombre de pays européens qui ne voulaient plus revoir les horreurs de la guerre (40-45). Cest une économie fondée non seulement sur le libéralisme économique mais aussi sur la solidarité, la tolérance, sur le partage. Cest donc bien au-delà du seul jeu du capitalisme que certains qualifient parfois de sauvage.
Nous sommes déjà au 11ème FED. Peut-on avoir le bilan de 10 premiers FED ? Et quelles sont les activités qui sont programmées dans le cadre du 11ème FED qui peuvent aller dans le sens de consolider lélan de la reconstruction qui sobserve dans le pays ?
Nous ne sommes pas encore dans la phase de négociations à proprement parler. Pour linstant, nous discutons des orientations fondamentales concernant notre coopération avec la RDC (2014-2020). Nous sommes dans le cadre de lAccord de Cotonou. Cela veut dire que nous ne sommes pas dans un programme dassistance que nous prodiguerions depuis Bruxelles. Cest un programme que nous développons en commun avec lensemble des forces productives congolaises.
Cest-à-dire que nous discutons avec le gouvernement, la Société civile – nous avons eu, il y a deux jours un ensemble des Organisations non gouvernementales qui soccupent de développement – les syndicats, les présidents de deux chambres du Parlement, les commissions des affaires étrangères du Sénat et de lAssemblée nationale, la Fédération des entreprises du Congo. Tout cela, pour essayer daboutir au programme qui soit le plus efficace à la fois en termes de croissance et de bénéfice pour la population congolaise. Alors, puisquil y a un programme du gouvernement, nous partons du principe, après lavoir lu et discuté, selon lequel ce programme peut être la base de notre action au Congo.
Le gouvernement, les autorités congolaises disent que la gouvernance est au cœur du problème. Comme je le disais ci-haut, il y a énormément des richesses mais qui ne se traduisent pas au bénéfice de la population congolaise. Le premier axe de notre action que nous avons conduit au cours du 10ème FED et que nous poursuivrons concerne la gouvernance. Cela veut dire quil faut que la paix, lordre et la sécurité règnent sur lensemble du territoire national. Pour cela, il y a trois éléments importants, à savoir une armée professionnelle, républicaine, qui nobéisse pas à des réflexes communautaristes, qui soit bien payée, où largent qui est payé par lEtat arrive réellement aux soldats, qui soit mobile pour se déplacer dun endroit à lautre.
Le deuxième axe : il faut une police qui soit au service de la population, qui assure, là où larmée nest pas présente, la défense des frontières du pays. Sans oublier lordre et la sécurité. Il faut une justice équitable parce quil faut mettre un terme à la culture de limpunité. Tout le monde doit être redevable à la justice, quon soit puissant ou faible. Et ça, cest un élément fondamental du contrat social. Il faut que tous les justiciables, tous les Congolais sachent que, sil y a un problème, ils peuvent se tourner vers la justice. Celle-ci nest pas faite pour les puissants mais pour les faibles pour quils puissent se défendre.
Cest important parce que, si vous navez pas une population qui adhère, qui reconnaît la légitimité de laction du gouvernement, vous narriverez pas à la mobiliser pour les réformes nécessaires. Cest le premier volet que nous complèterons par des actions pour faire en sorte que le pays soit géré encore mieux. Nous reconnaissons que des progrès considérables ont été réalisés concernant, notamment le budget de lEtat, la croissance économique, les salaires des fonctionnaires qui sont maintenant ordonnancés. Tout nest pas encore parfait. Par exemple, dans le secteur de la sécurité, on a enregistré des progrès que nous continuons à accompagner.
Le deuxième volet concerne les infrastructures parce que nous voulons affirmer notre attachement à lunité du pays. Je me déplace le plus possible dans ce vaste pays. Et quand je vais à Goma, à Bukavu ou dans dautres régions, je vois des gens qui, depuis 30 ans, sont restés sur place sans venir à Kinshasa, par exemple. Ils ne connaissent pas leur pays. Il est important quils puissent circuler. Cela veut dire quil y a un certain nombre de moyens de communication à mettre en place. Bien sûr, il ne faut pas construire des routes partout. Mais on peut réfléchir à un schéma qui permette dassurer la circulation dEst à lOuest.
Le 18 juillet dernier, nous avons procédé au début du balisage du fleuve Congo, sur un bateau en aval de Kinshasa, pour poser la première balise qui permettra, dans 3 ans, aux bateaux de naviguer sans encombres, même de nuit, entre Kinshasa et Kisangani et entre Kinshasa et Ilebo sur la rivière Kasaï. Et à partir de là, nous nous occuperons de routes nationales n°1 et n°3, puis dautres. Tout cela pour assurer le niveau de communication minimal. Pour cela, il faut que nous nous y engagions avec nos partenaires congolais pour que les routes que nous construisons soient entretenues. Il faut aussi que ce système soit respectueux de lenvironnement. Cest une dynamique à laquelle nous pouvons penser.
Malheureusement, nous constatons que, souvent les routes que nous réhabilitons servent au trafic de charbon de bois. Ça, cest une vraie catastrophe! Cela signifie la déforestation. Pour le moment, elle reste limitée. Mais elle progresse. Et la déforestation veut dire moins de précipitations, moins deau. Les deux tiers de précipitations étant liés à ce quon appelle le niveau de l'évotranspiration, cest-à-dire les précipitations liées à la pluie, à lexistence des forêts. Comme conséquences, vous avez les inondations, etc.
Donc, cest une menace très grave pour le pays. Cest ainsi que cela doit nous inciter à réfléchir sur le troisième volet qui est lenvironnement. Le Congo a une chance extraordinaire dêtre le deuxième poumon vert de la planète après le Brésil. Il faut préserver cela. Des parcs nationaux existent dans ce pays et qui sont extraordinaires. Cest une chance aussi en termes de tourisme. Nous soutiendrons les experts qui étudient comment produire du charbon de bois dans des conditions qui ne dégradent pas la forêt. A quelque 150 km de Kinshasa, à Mampu, au Plateau des Bateke, nous avons une expérience remarquable, tout à fait réussie. Une expérience qui mérite dêtre étendue. Je crois que cest une bonne chose. Et nous soutiendrons aussi tous les programmes qui permettent le développement dune agriculture durable respectueuse de lenvironnement.
Il sera également question de la santé. Malheureusement, ce pays nest pas dans une bonne situation au regard à ce qui touche à lespérance de vie, à la mortalité infantile, à la mortalité maternelle. Les chiffres sont mauvais. On parle beaucoup de la fièvre dEbola mais moins de la rougeole qui tue encore des milliers denfants chaque année. Normalement, dans un pays développé, les enfants souffrent de rougeole mais nen meurent pas. Il y a donc là tout un progrès à faire. Et nous nous sommes décidés à accompagner la RDC dans ce secteur. Nous avons dépensé des sommes importantes, plus de 100 millions deuros, au cours du 10ème FED pour aider loffre des soins de santé dans deux régions de la RDC, en particulier dans certaines zones des provinces du Kasaï et du Kivu. Nous avons lintention de continuer avec le programme de santé déjà défini par le gouvernement congolais.
Lorsquon fait le bilan de la coopération traditionnelle, on constate que cela na pas bien marché. Nest-il pas temps de la revoir pour en faire un partenariat gagnant-gagnant ?
Cest évident que cest le secteur privé qui crée des emplois. Pour cela, il faut trois conditions préalables : un cadre législatif qui soit favorable. Je citerai un exemple de lagriculture pour laquelle la loi qui a été adoptée dans son article 16, encore en révision, a découragé les investisseurs. Dès le jour que cette loi a été adoptée, plusieurs entreprises qui devaient investir au Congo sont immédiatement allées investir ailleurs. La deuxième condition, ce sont les infrastructures. Cest-à-dire quil faut fondamentalement des routes, des voies de communication. Il y a également la question des transports aériens. Sur ce plan, il faudra une adaptation de la législation, une réforme des agences. Nous sommes prêts si ce préalable est rempli, à participer.
Enfin, la troisième condition est relative au climat des affaires. Et là, le gouvernement sy emploie. Mais il y a des progrès à faire. Il faut que les tracasseries, les harcèlements et un certain nombre de pratiques qui existent, cessent. Regardez les indicateurs internationaux. La situation est claire. Comme je le disais, il ny a aucune raison que ce pays, qui a toutes les potentialités du monde, reste dans létat où il est.
Vous avez dit que le Congo est le deuxième poumon vert du monde après le Brésil. Comment jugez-vous lattitude de la communauté internationale, notamment lUnion européenne, qui pense que le Brésil doit être bien récompensé au détriment de la RDC ?
Je suis tout à fait daccord. Il faut effectivement que la politique qui soit définie, prenne en compte lensemble des données du problème. Je pense que les habitants qui vont récolter des chenilles dans la forêt ne posent à lévidence aucun problème. Si vous prenez le charbon de bois, ce quil faut, cest gérer ce capital naturel de façon intelligente et qui bénéficie à tous. Prenez le parc national des Virunga, celui-ci a un capital formidable pour lhumanité. Et si vous lutilisez bien, vous aurez des touristes qui viendront. Cela bénéficierait à lensemble de la population. Déjà aujourdhui, vous avez quelques milliers de visiteurs. Pourtant, cest le premier employeur, désormais, de la région. Prenez le cas du Rwanda qui, grâce à lutilisation raisonnée de son capital naturel, rapporte à peu près 750 millions de dollars américains par an.
Alors, les populations qui vivent autour de ce parc doivent être intéressées à la gestion de celui-ci. Il y a des emplois directs puisque des gens sont employés comme gardes. Vous avez aussi des ressources à gérer, de façon raisonnée, comme le lac Edouard. Et puis, vous pouvez aménager des zones de forêts autour des parcs qui pourront être exploitées de manière à soulager la pression qui sexerce sur le parc. Donc, vous avez parfaitement la possibilité de le faire. Mais il faut discuter avec tout le monde, dont la population.
LUnion européenne nest-elle pas entrée dans le jeu des autres bailleurs de fonds, notamment les institutions financières internationales, pour faire de la RDC un éternel assisté, dans la mesure où les fonds daide sont insignifiants par rapport aux besoins du pays ?
Côté insignifiant, je ne crois pas quand vous savez que dans certains ministères, les crédits apportés par lUnion européenne représentent les deux tiers de crédits de ces ministères. Je ne crois pas que ça soit insignifiant. Mais ce qui est important, cest que les Congolais se prennent en charge, quils prennent leur destin en mains. 52 ans après lindépendance, nous ne pouvons plus rester à une relation dassisté. LUnion européenne souhaite – cest, dailleurs, le cœur de nos discussions avec lUnion africaine – discuter avec un partenaire qui soit un vrai partenaire et qui pense à son avenir, à son destin. Et le problème ne se posera plus.
Revenons à la guerre dans lEst du pays. Quelle est aujourdhui la meilleure stratégie à mettre en œuvre pour quon mette définitivement un terme à cette situation ?
Le gouvernement sest doté dinstruments juridiques qui lui permettent, aujourdhui, davoir une armée professionnelle. Le cadre législatif est là. Il est question du statut militaire, de lois de proclamation budgétaires. Il faut procéder au recrutement dans des conditions qui permettent de former des gens. Cest-à-dire quon ne peut pas recruter à tout vent. Il faut que les militaires soient formés. Nous attendons que le gouvernement nous donne les dernières données certifiées pour entamer la deuxième étape relative à la formation.
Jirai, la semaine prochaine, à Kananga pour inaugurer lécole dadministration militaire et assister au lancement de la deuxième année de lAcadémie militaire. Cest là le moyen darriver à former cette armée parce que vous avez besoin de forces de sécurité efficaces. Cest le premier pas.
Ceci étant, il est clair quil ny a pas de solution militaire au problème de lEst du Congo. Il faut discuter avec les voisins. Et le défi à long terme, cest de trouver des moyens dune coopération régionale qui permettent à tous de se développer. Il faut le faire dans le respect de la légalité internationale. Il y a des problèmes de populations, des problèmes économiques, lexploitation illégale des ressources naturelles. Cest pour cela que les règles qui existent, doivent être respectées. Il en est de même en matière de nationalité. Il y a des Congolais qui parlent différentes langues. Un certain nombre de ces gens là sont établis au pays depuis 130 ou 140 ans. Ils sont Congolais. Cest au Congo de soccuper deux et pas à un pays étranger.
Cest très clair. Mais au-delà de ça, on peut imaginer une coopération qui permette de développer les routes, les interconnexions électriques. Il existe quand même des projets qui sont bénéfiques aux populations dans la vallée de la Ruzizi. Et pourquoi ne pas imaginer une exploitation minière bénéfique à tous, pour ces minerais extraits illégalement et vendus à bas prix dans les conditions dexploitation proprement inhumaines qui permettent à des intermédiaires de gagner beaucoup dargent. Cest à ce genre de choses quil faut réfléchir. Il faut un dialogue et réfléchir à la coopération à long terme. Cest ce que nous avons fait en Europe. Après la dissolution du Bloc soviétique, la fin de la guerre en Yougoslavie, il y a avait beaucoup de haine, de difficultés. Celles-ci ont été surmontées en développant le respect mutuel, la tolérance, les intérêts économiques partagés. Je dirais que, malgré les difficultés daujourdhui, lUnion européenne reste un modèle de réussite.
La tendance géopolitique actuelle fait que des Etats se regroupent autour de grands ensembles. Cest le cas de lUnion européenne. Ny a-t-il pas nécessité dexplorer cette piste pour mieux défendre ses intérêts ?
La forme que peut prendre ce grand ensemble africain, cest une autre question. Il peut être une Union, une fédération ou une confédération. Ce nest pas à nous de choisir. Mais, cest clair que notre approche est exactement celle-là. Cest-à-dire mettre en place une coopération entre lUnion européenne et lUnion africaine. Cest le sens de la Déclaration de Lisbonne. Cest aussi le sens de la coopération que nous avons discutée ensemble. Pour le cas de la RDC, cest très compliqué. A elle seule, elle appartient à la fois à lAfrique centrale, à lAfrique orientale et à lAfrique australe.
Parfois, il y a quelques difficultés à vous situer. Cest un avantage et un inconvénient. Parlons aussi des problématiques militaires; l'époque des interventions militaires européennes est terminée. LUnion africaine a fait le choix de construire cinq brigades militaires correspondant aux cinq régions qui structurent le continent africain. L'assistance de l'Union européenne ira désormais aux organisations régionales qui mettent en place ces structures militaires pour essayer de régler entre Africains les problèmes africains.
24 09 12 Le Potentiel – Jean-Michel Dumond : « Nous voulons affirmer notre attachement à lunité du pays »
troupes rebelles du «Mouvement du 23 mars (M23)», soutenues par le Rwanda qui
nie cependant son implication dans cette guerre. Quen pense lUnion européenne
à ce sujet ?
La position de lUnion européenne est
claire. LUE est, depuis toujours, attachée à lunité, à la souveraineté et à
lintégrité territoriale de la République démocratique du Congo. Elle condamne,
sans la moindre réserve, le M 23 et soutient les efforts du gouvernement
congolais pour rétablir son autorité dans la région. Alors, que faisons-nous
concrètement ? Nous intervenons à Kigali où nous avons très clairement dit au
gouvernement du Rwanda quil doit condamner explicitement, pas seulement
implicitement, le M23 et quil doit prendre toutes les mesures pour que cesse le
soutien à ce mouvement, pour collaborer avec les experts de lOnu qui ont mis à
nu lévidence de ses ingérences au Congo. Nous insistons auprès du Rwanda pour
qu'il sengage dans un dialogue constructif avec la RDC à tous les niveaux de
manière à ce que les racines du problème soient traitées.
Il y a un certain nombre dinitiatives régionales qui sont en cours,
notamment celles qui sont prises par la Conférence internationale de la région
des Grands Lacs (CIRGL) et qui visent à létablissement dune Force
internationale neutre, dun mécanisme de vérification conjoint. LUnion
européenne, qui participera au sommet du 27 septembre à New York – le président
du Conseil européen y sera présent – soutient ces initiatives. Ceci souligne
encore plus la nécessité, pour la RDC, de mener une réforme du secteur de
sécurité qui lui permette de disposer réellement de forces armées qui soient à
la fois professionnelles, bien équipées, bien formées, mobiles. Et puis, nous
savons que ces unités militaires qui montent au front, laissent un vide dans une
grande partie de lEst du Congo. Il faudrait quil y ait dans ses régions une
police congolaise qui assure lordre, la sécurité et la stabilité. Cest le sens
de laction que nous menons pour permettre à larmée et à la police dêtre
efficaces, professionnelles, respectueuses des populations et soucieuses, avant
tout, dassurer lordre public pour le bénéfice de tous.
Lopinion ne voit pas très clair sur la position de lUnion
européenne. Le rapport sur la présence des troupes rwandaises sur le sol
congolais est clair. Pourquoi ne demandez-vous pas à Kigali, mieux à Kagame, de
retirer ses troupes en lieu et place de pousser la RDC à des négociations
?
Au-delà des négociations, du dialogue plus
exactement, nous avons dit très clairement au gouvernement du Rwanda quil
devait cesser toute ingérence et que toute mesure devait être prise pour que
cesse tout soutien au M23 et nous lui avons demandé de condamner explicitement
cela. Nous avons pris un certain nombre de mesures, notamment le gel de tout
appui budgétaire. Lors de la dernière réunion de lUnion
européenne, il y a trois jours, nous sommes convenus de ne reprendre aucune
assistance budgétaire nouvelle au Rwanda tant que celui-ci naurait pas donné
des signes concrets de vouloir coopérer.
Pour
mettre un terme à la guerre qui sévit dans lEst du pays, les chefs dEtat des
pays de la région des Grands Lacs ont proposé la mise sur pied dune force
internationale neutre. Comment appréciez-vous cette initiative ?
Cest très important que ce soient dabord les pays de la
région qui essaient de trouver une solution parce quils sont à même de
connaître les tenants et les aboutissants de la question, mieux à même dagir.
Donc, nous soutenons cette initiative. Le secrétaire exécutif de lUnion a
discuté à Bruxelles les modalités de ce soutien. Et lors de la réunion du 27
septembre à New York, nous réitérerons ce soutien.
Dans quelques jours, Kinshasa va accueillir le 14ème Sommet de la
Francophonie. Quel regard portez-vous sur ces assises ?
Je signale dabord que le vice-président de la Commission européenne sera
à Kinshasa pour ce Sommet pour livrer le message de sympathie de lUnion
européenne aux participants à ces assises de la Francophonie. Je crois que cest
quand même un événement extrêmement important, puisque cest la première fois
quun Sommet de la Francophonie se tient en Afrique centrale. Ce sera loccasion
de débattre dun certain nombre de sujets importants qui, au-delà de la
Francophonie, concernent lensemble des pays membres de la communauté
internationale.
Je crois que cest une chance, une
occasion pour la République démocratique du Congo de se faire connaître puisque
75 pays siègent au Sommet de la Francophonie, soit en tant que pays membres,
soit en tant que pays associés ou observateurs. Cest loccasion pour tous de
découvrir les réalités complexes, les défis et les difficultés auxquels est
confrontée la RDC, de mieux comprendre et de mieux coopérer à lavenir sur les
défis que doit relever ce pays.
Selon le conseiller
spécial du secrétaire général de la Francophonie, Ousmane Paye, les questions
économiques occuperont une place importante à ce 14ème Sommet. Comment les pays
riches pourront-ils marquer leur solidarité envers les pays pauvres ?
La solution se trouve dabord chez les Congolais, eux-mêmes. Ce pays est
riche. Il abrite des réserves minières, qui en font un scandale géologique. Il
abrite d'importantes réserves de pétrole. Il a des terres qui permettent de
nourrir un milliard dhabitants. Son potentiel hydroélectrique peut alimenter
lensemble du continent africain et bien au-delà. Donc, lessentiel, cest de
sorganiser pour que les richesses du pays se traduisent en croissance et pour
que celle-ci bénéficie à la population. Je crois que cest là le défi
essentiel.
Le Premier ministre a mis
en place un programme ambitieux et réaliste. Cela suppose un certain nombre
defforts. Et lUnion européenne est décidée à accompagner ce programme.
Maintenant, nous réfléchissons sur la manière de développer cette coopération,
cette assistance au cours du 11ème Fonds européen de développement (FED) de
2014-2020. Nous devons voir comment nous pouvons coopérer avec la RDC, avec les
Congolais pour que toutes les richesses se traduisent en progrès économiques et
sociaux pour la population congolaise.
Dans un autre
registre, nous allons parler des Accords de partenariats économiques (APE) entre
lUnion européenne et les Pays dAfrique, des Caraïbes et Pacifique (ACP).
Pouvez-vous faire létat des lieux de ces accords au stade actuel et nous dire,
au moment où la crise est en train de secouer presque la plupart des Etats de
lUnion européenne. Les pays africains peuvent encore croire aux APE
?
Les négociations continuent entre lUnion
européenne et le groupe des Etats dAfrique centrale. La RDC a choisi de
discuter, de négocier dans ce cadre. Nous espérons que ces négociations puissent
déboucher sur un compromis satisfaisant qui bénéficie aux deux parties.
Je sors un peu de lactualité congolaise. Dernièrement, le
journal français Charlie Hebdo a fait une caricature du prophète Mahomet. Un
pays de lUnion européenne, en loccurrence la France, est menacé pour cela.
Quelle est lattitude de lUnion européenne quand on sait quun ambassadeur a
été tué à Benghazi, simplement parce que Mahomet a été caricaturé ?
Nous défendons la liberté de la presse, la liberté dopinion et
la liberté de pensée. Il est clair que la solidarité de lUnion européenne est,
dans ce cas, extrêmement claire. Nous défendons les mêmes positions partout, que
ce soit en Europe, en Afrique ou dans le reste du monde. Vous allez avoir le
Sommet de la Francophonie. Il y a quelques jours, à loccasion de la rentrée de
la session parlementaire, nous avons entendu les présidents du Sénat et
lAssemblée nationale nous annoncer un certain nombre dinitiatives importantes,
par exemple sur la Commission des droits de lHomme, sur la restructuration de
la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).
Je crois que ce sont des étapes importantes. Et je pense que, partout
dans le monde, nous défendrons les mêmes valeurs. Je pense également que tout ce
qui se passe avec Charlie Hebdo, il est clair que notre solidarité est totale,
quel que soit le jugement que vous pouvez porter sur la sagacité politique.
Mais, en matière de principe, nous affirmons la même chose. Pour ce qui concerne
le meurtre dont a été victime lambassadeur des Etats-Unis, je ne suis pas sûr
que cela soit lié à laffaire du film dans la mesure où il apparaît de plus en
plus quil a été victime dune attaque terroriste. Comme je lai dit, nous
défendons partout les mêmes valeurs. Un exemple tout simple : en ce moment se
déroule le procès des assassins de Floribert Chebeya, les missions européennes
assistent à ce procès.
Et nous espérons que ce procès
fera la lumière sur tout ce qui sest passé, que tout se déroule dans les
conditions de transparence qui permettent à la justice dêtre impartiale. Nous
souhaitons que tous les responsables, quelle que soit leur importance, puissent
être entendus et que toutes les mesures soient prises pour que la vérité éclate
et que justice se fasse. Donc, où que nous soyons, où que nous agissons, notre
langage est le même parce que, in fine, il ny a que des hommes qui souffrent et
qui méritent dêtre défendus.
Parlons de la crise
financière au sein de lUnion européenne. On a limpression que la Grèce est
abandonnée. Ny a-t-il pas crainte que ce pays quitte lespace monétaire
européen ?
Je ne pense pas parce que les dernières
informations en notre possession ne vont pas dans ce sens-là. La Banque
centrale, par la voie de son président, a dit clairement que son soutien serait
illimité. Encore ce matin, si vous regardez ce qui se passe sur les places
boursières, vous verrez que leuro est en hausse et que le dollar américain et
le yen sont en baisse. Les données macroéconomiques de lUnion européenne,
globalement, sont meilleures que celles des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et
du Japon. Cest ça, la réalité économique.
Donc, les
mesures qui ont été prises sont compliquées parce que nous ne sommes pas un Etat
centralisé mais une union dEtats souverains. Les processus de décisions sont
plus compliqués. Cela fait que cest plus long. Mais de bonnes décisions sont
prises. On va vers lunion bancaire, vers plus de responsabilités communes, plus
de solidarité. Un certain nombre de pays souhaitent que cette solidarité
saccompagne de mesures qui encadrent léconomie. Cest une discussion qui a
lieu et je suis sûr que nous arriverons aux décisions qui seront dans lintérêt
de tous. Et que lUnion européenne sortira plus forte de cette crise.
Que répondez-vous à certains auteurs, penseurs et
économistes, européens tel que le Français Paul Gorrion, qui estiment que le
capitalisme est à lagonie ? Est-ce la fin du capitalisme ?
On parle de la fin du capitalisme depuis des décennies sans quon nait
jamais vu sa disparition. Il y en a qui sont dailleurs morts avant
(Rires)…
Donc, le capitalisme est éternel
?
LUnion européenne nest pas le capitalisme mais
une aventure engagée par un certain nombre de pays européens qui ne voulaient
plus revoir les horreurs de la guerre (40-45). Cest une économie fondée non
seulement sur le libéralisme économique mais aussi sur la solidarité, la
tolérance, sur le partage. Cest donc bien au-delà du seul jeu du capitalisme
que certains qualifient parfois de sauvage.
Nous
sommes déjà au 11ème FED. Peut-on avoir le bilan de 10 premiers FED ? Et quelles
sont les activités qui sont programmées dans le cadre du 11ème FED qui peuvent
aller dans le sens de consolider lélan de la reconstruction qui sobserve dans
le pays ?
Nous ne sommes pas encore dans la phase de
négociations à proprement parler. Pour linstant, nous discutons des
orientations fondamentales concernant notre coopération avec la RDC (2014-2020).
Nous sommes dans le cadre de lAccord de Cotonou. Cela veut dire que nous ne
sommes pas dans un programme dassistance que nous prodiguerions depuis
Bruxelles. Cest un programme que nous développons en commun avec lensemble des
forces productives congolaises.
Cest-à-dire que nous
discutons avec le gouvernement, la Société civile – nous avons eu, il y a deux
jours un ensemble des Organisations non gouvernementales qui soccupent de
développement – les syndicats, les présidents de deux chambres du Parlement, les
commissions des affaires étrangères du Sénat et de lAssemblée nationale, la
Fédération des entreprises du Congo. Tout cela, pour essayer daboutir au
programme qui soit le plus efficace à la fois en termes de croissance et de
bénéfice pour la population congolaise. Alors, puisquil y a un programme du
gouvernement, nous partons du principe, après lavoir lu et discuté, selon
lequel ce programme peut être la base de notre action au Congo.
Le
gouvernement, les autorités congolaises disent que la gouvernance est au cœur du
problème. Comme je le disais ci-haut, il y a énormément des richesses mais qui
ne se traduisent pas au bénéfice de la population congolaise. Le premier axe de
notre action que nous avons conduit au cours du 10ème FED et que nous
poursuivrons concerne la gouvernance. Cela veut dire quil faut que la paix,
lordre et la sécurité règnent sur lensemble du territoire national. Pour cela,
il y a trois éléments importants, à savoir une armée professionnelle,
républicaine, qui nobéisse pas à des réflexes communautaristes, qui soit bien
payée, où largent qui est payé par lEtat arrive réellement aux soldats, qui
soit mobile pour se déplacer dun endroit à lautre.
Le deuxième axe : il faut une
police qui soit au service de la population, qui assure, là où larmée nest pas
présente, la défense des frontières du pays. Sans oublier lordre et la
sécurité. Il faut une justice équitable parce quil faut mettre un terme à la
culture de limpunité. Tout le monde doit être redevable à la justice, quon
soit puissant ou faible. Et ça, cest un élément fondamental du contrat social.
Il faut que tous les justiciables, tous les Congolais sachent que, sil y a un
problème, ils peuvent se tourner vers la justice. Celle-ci nest pas faite pour
les puissants mais pour les faibles pour quils puissent se défendre.
Cest
important parce que, si vous navez pas une population qui adhère, qui reconnaît
la légitimité de laction du gouvernement, vous narriverez pas à la mobiliser
pour les réformes nécessaires. Cest le premier volet que nous complèterons par
des actions pour faire en sorte que le pays soit géré encore mieux. Nous
reconnaissons que des progrès considérables ont été réalisés concernant,
notamment le budget de lEtat, la croissance économique, les salaires des
fonctionnaires qui sont maintenant ordonnancés. Tout nest pas encore parfait.
Par exemple, dans le secteur de la sécurité, on a enregistré des progrès que
nous continuons à accompagner.
Le deuxième volet concerne les infrastructures parce
que nous voulons affirmer notre attachement à lunité du pays. Je me déplace le
plus possible dans ce vaste pays. Et quand je vais à Goma, à Bukavu ou dans
dautres régions, je vois des gens qui, depuis 30 ans, sont restés sur place
sans venir à Kinshasa, par exemple. Ils ne connaissent pas leur pays. Il est
important quils puissent circuler. Cela veut dire quil y a un certain nombre
de moyens de communication à mettre en place. Bien sûr, il ne faut pas
construire des routes partout. Mais on peut réfléchir à un schéma qui permette
dassurer la circulation dEst à lOuest.
Le 18 juillet dernier, nous
avons procédé au début du balisage du fleuve Congo, sur un bateau en aval de
Kinshasa, pour poser la première balise qui permettra, dans 3 ans, aux bateaux
de naviguer sans encombres, même de nuit, entre Kinshasa et Kisangani et entre
Kinshasa et Ilebo sur la rivière Kasaï. Et à partir de là, nous nous occuperons
de routes nationales n°1 et n°3, puis dautres. Tout cela pour assurer le niveau
de communication minimal. Pour cela, il faut que nous nous y engagions avec nos
partenaires congolais pour que les routes que nous construisons soient
entretenues. Il faut aussi que ce système soit respectueux de lenvironnement.
Cest une dynamique à laquelle nous pouvons penser.
Malheureusement, nous
constatons que, souvent les routes que nous réhabilitons servent au trafic de
charbon de bois. Ça, cest une vraie catastrophe! Cela signifie la
déforestation. Pour le moment, elle reste limitée. Mais elle progresse. Et la
déforestation veut dire moins de précipitations, moins deau. Les deux tiers de
précipitations étant liés à ce quon appelle le niveau de l'évotranspiration,
cest-à-dire les précipitations liées à la pluie, à lexistence des forêts.
Comme conséquences, vous avez les inondations, etc.
Donc, cest une menace très
grave pour le pays. Cest ainsi que cela doit nous inciter à réfléchir sur le
troisième volet qui est lenvironnement. Le Congo a une chance extraordinaire
dêtre le deuxième poumon vert de la planète après le Brésil. Il faut préserver
cela. Des parcs nationaux existent dans ce pays et qui sont extraordinaires.
Cest une chance aussi en termes de tourisme. Nous soutiendrons les experts qui
étudient comment produire du charbon de bois dans des conditions qui ne
dégradent pas la forêt. A quelque 150 km de Kinshasa, à Mampu, au Plateau des
Bateke, nous avons une expérience remarquable, tout à fait réussie. Une
expérience qui mérite dêtre étendue. Je crois que cest une bonne chose. Et
nous soutiendrons aussi tous les programmes qui permettent le développement
dune agriculture durable respectueuse de lenvironnement.
Il sera également question de la santé.
Malheureusement, ce pays nest pas dans une bonne situation au regard à ce qui
touche à lespérance de vie, à la mortalité infantile, à la mortalité
maternelle. Les chiffres sont mauvais. On parle beaucoup de la fièvre dEbola
mais moins de la rougeole qui tue encore des milliers denfants chaque année.
Normalement, dans un pays développé, les enfants souffrent de rougeole mais nen
meurent pas. Il y a donc là tout un progrès à faire. Et nous nous sommes décidés
à accompagner la RDC dans ce secteur. Nous avons dépensé des sommes importantes,
plus de 100 millions deuros, au cours du 10ème FED pour aider loffre des soins
de santé dans deux régions de la RDC, en particulier dans certaines zones des
provinces du Kasaï et du Kivu. Nous avons lintention de continuer avec le
programme de santé déjà défini par le gouvernement congolais.
Lorsquon fait le bilan de la coopération traditionnelle, on constate
que cela na pas bien marché. Nest-il pas temps de la revoir pour en faire un
partenariat gagnant-gagnant ?
Cest évident que cest le
secteur privé qui crée des emplois. Pour cela, il faut trois conditions
préalables : un cadre législatif qui soit favorable. Je citerai un exemple de
lagriculture pour laquelle la loi qui a été adoptée dans son article 16, encore
en révision, a découragé les investisseurs. Dès le jour que cette loi a été
adoptée, plusieurs entreprises qui devaient investir au Congo sont immédiatement
allées investir ailleurs. La deuxième condition, ce sont les infrastructures.
Cest-à-dire quil faut fondamentalement des routes, des voies de communication.
Il y a également la question des transports aériens. Sur ce plan, il faudra une
adaptation de la législation, une réforme des agences. Nous sommes prêts si ce
préalable est rempli, à participer.
Enfin, la troisième condition
est relative au climat des affaires. Et là, le gouvernement sy emploie. Mais il
y a des progrès à faire. Il faut que les tracasseries, les harcèlements et un
certain nombre de pratiques qui existent, cessent. Regardez les indicateurs
internationaux. La situation est claire. Comme je le disais, il ny a aucune
raison que ce pays, qui a toutes les potentialités du monde, reste dans létat
où il est.
Vous avez dit que le Congo est le deuxième
poumon vert du monde après le Brésil. Comment jugez-vous lattitude de la
communauté internationale, notamment lUnion européenne, qui pense que le Brésil
doit être bien récompensé au détriment de la RDC ?
Je suis tout à fait daccord. Il faut effectivement que la politique qui
soit définie, prenne en compte lensemble des données du problème. Je pense que
les habitants qui vont récolter des chenilles dans la forêt ne posent à
lévidence aucun problème. Si vous prenez le charbon de bois, ce quil faut,
cest gérer ce capital naturel de façon intelligente et qui bénéficie à tous.
Prenez le parc national des Virunga, celui-ci a un capital formidable pour
lhumanité. Et si vous lutilisez bien, vous aurez des touristes qui viendront.
Cela bénéficierait à lensemble de la population. Déjà aujourdhui, vous avez
quelques milliers de visiteurs. Pourtant, cest le premier employeur, désormais,
de la région. Prenez le cas du Rwanda qui, grâce à lutilisation raisonnée de
son capital naturel, rapporte à peu près 750 millions de dollars américains par
an.
Alors, les populations qui vivent autour de ce parc
doivent être intéressées à la gestion de celui-ci. Il y a des emplois directs
puisque des gens sont employés comme gardes. Vous avez aussi des ressources à
gérer, de façon raisonnée, comme le lac Edouard. Et puis, vous pouvez aménager
des zones de forêts autour des parcs qui pourront être exploitées de manière à
soulager la pression qui sexerce sur le parc. Donc, vous avez parfaitement la
possibilité de le faire. Mais il faut discuter avec tout le monde, dont la
population.
LUnion européenne nest-elle pas entrée
dans le jeu des autres bailleurs de fonds, notamment les institutions
financières internationales, pour faire de la RDC un éternel assisté, dans la
mesure où les fonds daide sont insignifiants par rapport aux besoins du pays
?
Côté insignifiant, je ne crois pas quand vous
savez que dans certains ministères, les crédits apportés par lUnion européenne
représentent les deux tiers de crédits de ces ministères. Je ne crois pas que ça
soit insignifiant. Mais ce qui est important, cest que les Congolais se
prennent en charge, quils prennent leur destin en mains. 52 ans après
lindépendance, nous ne pouvons plus rester à une relation dassisté. LUnion
européenne souhaite – cest, dailleurs, le cœur de nos discussions avec lUnion
africaine – discuter avec un partenaire qui soit un vrai partenaire et qui pense
à son avenir, à son destin. Et le problème ne se posera plus.
Revenons à la guerre dans lEst du pays. Quelle est aujourdhui la
meilleure stratégie à mettre en œuvre pour quon mette définitivement un terme à
cette situation ?
Le gouvernement sest doté
dinstruments juridiques qui lui permettent, aujourdhui, davoir une armée
professionnelle. Le cadre législatif est là. Il est question du statut
militaire, de lois de proclamation budgétaires. Il faut procéder au recrutement
dans des conditions qui permettent de former des gens. Cest-à-dire quon ne
peut pas recruter à tout vent. Il faut que les militaires soient formés. Nous
attendons que le gouvernement nous donne les dernières données certifiées pour
entamer la deuxième étape relative à la formation.
Jirai, la semaine prochaine, à Kananga pour inaugurer lécole
dadministration militaire et assister au lancement de la deuxième année de
lAcadémie militaire. Cest là le moyen darriver à former cette armée parce que
vous avez besoin de forces de sécurité efficaces. Cest le premier pas.
Ceci étant, il est clair quil ny a pas de solution militaire
au problème de lEst du Congo. Il faut discuter avec les voisins. Et le défi à
long terme, cest de trouver des moyens dune coopération régionale qui
permettent à tous de se développer. Il faut le faire dans le respect de la
légalité internationale. Il y a des problèmes de populations, des problèmes
économiques, lexploitation illégale des ressources naturelles. Cest pour cela
que les règles qui existent, doivent être respectées. Il en est de même en
matière de nationalité. Il y a des Congolais qui parlent différentes langues. Un
certain nombre de ces gens là sont établis au pays depuis 130 ou 140 ans. Ils
sont Congolais. Cest au Congo de soccuper deux et pas à un pays
étranger.
Cest très clair. Mais au-delà de ça, on peut
imaginer une coopération qui permette de développer les routes, les
interconnexions électriques. Il existe quand même des projets qui sont
bénéfiques aux populations dans la vallée de la Ruzizi. Et pourquoi ne pas
imaginer une exploitation minière bénéfique à tous, pour ces minerais extraits
illégalement et vendus à bas prix dans les conditions dexploitation proprement
inhumaines qui permettent à des intermédiaires de gagner beaucoup dargent.
Cest à ce genre de choses quil faut réfléchir. Il faut un dialogue et
réfléchir à la coopération à long terme. Cest ce que nous avons fait en Europe.
Après la dissolution du Bloc soviétique, la fin de la guerre en Yougoslavie, il
y a avait beaucoup de haine, de difficultés. Celles-ci ont été surmontées en
développant le respect mutuel, la tolérance, les intérêts économiques partagés.
Je dirais que, malgré les difficultés daujourdhui, lUnion européenne reste un
modèle de réussite.
La tendance géopolitique actuelle
fait que des Etats se regroupent autour de grands ensembles. Cest le cas de
lUnion européenne. Ny a-t-il pas nécessité dexplorer cette piste pour mieux
défendre ses intérêts ?
La forme que peut prendre ce
grand ensemble africain, cest une autre question. Il peut être une Union, une
fédération ou une confédération. Ce nest pas à nous de choisir. Mais, cest
clair que notre approche est exactement celle-là. Cest-à-dire mettre en place
une coopération entre lUnion européenne et lUnion africaine. Cest le sens de
la Déclaration de Lisbonne. Cest aussi le sens de la coopération que nous avons
discutée ensemble. Pour le cas de la RDC, cest très compliqué. A elle seule,
elle appartient à la fois à lAfrique centrale, à lAfrique orientale et à
lAfrique australe.
Parfois, il y a quelques difficultés
à vous situer. Cest un avantage et un inconvénient. Parlons aussi des
problématiques militaires; l'époque des interventions militaires européennes est
terminée. LUnion africaine a fait le choix de construire cinq brigades
militaires correspondant aux cinq régions qui structurent le continent africain.
L'assistance de l'Union européenne ira désormais aux organisations régionales
qui mettent en place ces structures militaires pour essayer de régler entre
Africains les problèmes africains.
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