21 11 12 Hervé Ladsous sur RFI: «Le métier de la Monusco, ce n'est pas de casser du M23»
RFI : Hervé Ladsous, la prise de Goma par les forces
rebelles du M23, à la barbe et au nez de la Monusco, nest-ce pas le plus gros
échec et une humiliation pour les Nations unies, en République démocratique du
Congo ?
nest pas celle-là. Ce nest pas celle qui convient. Dabord, à Goma, les
troupes du M23 sont entrées au nez et à la barbe des troupes congolaises. Il
faut réaliser quil y avait 7 000 troupes congolaises et quelles se sont,
malheureusement, évaporées dans la nature.
Imaginez la situation dans laquelle sont les 1 500
casques bleus, avec une ville de près dun million dhabitants. Il est évident
que le mandat porte dabord sur la protection des civils. Eh bien, la Monusco protège les civils.
Le métier de la Monusco, ce nest pas de casser du M23. Ce nest pas son
mandat.
Protéger la population civile, cest
votre mission. Mais cela veut dire quà Goma, vous allez être obligé de
collaborer avec le M23.
Non ! Nous avons des
politiques de conditionnalité, qui ne nous permettent pas de collaborer avec des
gens qui sont coupables des pires exactions. Noublions pas quau fil des mois,
le M23 sest rendu coupable dattaques terribles contre les civils, qui ont fait
un très grand nombre de victimes, et dattaques contre les femmes. Il sest
rendu coupable de recrutement denfants qui ont été abominablement mal traités,
y compris sur le plan sexuel. Donc, tout cela exclu le principe dune
coopération. Maintenant, quil puisse y avoir cœxistence dans certaines
situations, et que de toute façon il faille faire face à certaines situations
durgence, là cest la réalité.
Alors, question
directe : à quoi sert aujourdhui cette Monusco budgétivore ? Son budget annuel
avoisine le milliard et demi de dollars par an.
Nous sommes dans ce qui est actuellement le mandat le plus robuste qui
ait été donné par le Conseil de sécurité à une mission de la paix des Nations
unies. Et quand je dis mission de paix, ça suppose quil y ait un minimum de
volonté de faire cesser les violences ! Là, clairement, on est au-delà dune
situation de ce type.
Et encore une fois,
notre mission nest pas dentrer en conflit frontal avec tel ou tel groupe armé.
Elle est dappuyer les forces armées congolaises – il faut encore que les forces
armées congolaises soient présentes sur la scène – et puis, dempêcher les abus
qui mettent en cause les civils. Et cela, nous le faisons au quotidien. Alors,
je suis le premier à reconnaître quil y a, malheureusement, des situations dans
lesquelles, oui, des civils ont été victimes. Ils nont pas pu
lempêcher.
Daucun assure que le mandat de la
Monusco doit évoluer. Y êtes-vous favorable ? Paris fustige notamment un mandat
qui ne permet pas dintervenir pour sopposer à quelques centaines dhommes. Que
répondez-vous ?
Le mandat, ce nest pas
nous qui le fixons. Cest le Conseil de sécurité. Donc cest au Conseil de
sécurité de prendre ses responsabilités, sil estime que ce mandat doit être
renforcé. Il faut savoir que depuis le début de cette opération, les
hélicoptères armés de la Monusco se sont déployés de manière constante. Ils ont
tiré des centaines de roquettes, de missiles. Les tanks ont tiré des centaines
dobus, pour enrayer cette offensive, avec toutes ces conséquences humanitaires
!
Des statistiques pareilles, vous savez, on ne les voit
dans aucune autre opération de maintien de la paix ! Dailleurs, jhésite
maintenant, à utiliser lexpression « opération de maintien de la paix », à
propos du Kivu. Ce sont des situations très différentes de celles que les
casques bleus ont connu par le passé ailleurs dans le monde !
La prise de Goma, nest-ce pas tout de même un échec
diplomatique et politique de la Monusco, qui na pas incité les deux parties,
Kinshasa et M23, à négocier ?
Dabord, je dirais que
cest quand même un échec. Et ça, cest assez consternant. Cest un échec pour
la République démocratique du Congo. Cest sa souveraineté qui est violée par
des mouvements soutenus de létranger. Pour le reste, des contacts diplomatiques
sont en cours, parce que, au-delà des situations militaires, il est évident
quil faut des solutions politiques.
Dans
un récent rapport des Nations unies, lOuganda et le Rwanda ont été cités comme
parrains du M23. Allez-vous condamner ces deux pays ?
Cest un rapport dun comité dexperts. Donc, ce nest pas un rapport
officiel des Nations unies. Un certain nombre déléments sont sortis dans la
presse. Il appartient au Conseil de sécurité – qui doit dailleurs le faire dans
les prochains jours – de se déterminer sur ce quont dit les experts. Lorgane
politique des Nations unies cest dabord le Conseil de sécurité.
Par ailleurs, le secrétaire général des Nations unies, lui
aussi, a condamné de la manière la plus vive toutes ces exactions. Et je crois
que cest bien ainsi que les choses doivent être. Il y a lapproche militaire
qui provoque des drames, et il y a lapproche diplomatique.
Demain devrait avoir lieu
cette rencontre des trois présidents. Il est clair quon ne peut pas rester dans
cette logique militaire infernale qui fait tellement de victimes. Il faut
trouver des solutions politiques durables à cette crise, qui dure quand même
depuis tant dannées et qui a fait tant de victimes !