11.12.12 La Prospérité – Crise politique en RDC : Samy Badibanga : ‘‘tous les fondamentaux doivent être mis sur la table’’

Après son coup de gueule contre le régime de Kinshasa, le dimanche 9 décembre 2012 à Kampala, dès l’entame des pourparlers, le M23 n’a pas été à la rencontre prévue hier, lundi 10 décembre 2012. Pendant ce temps, le gros des troupes de l’opposition resté à Kinshasa suit, à sa manière, cet autre épisode de la crise politique congolaise. Mais, pourquoi l’opposition n’a-t-il pas fait le déplacement de Kampala ? L’Honorable Samy Badibanga répond à cette question, dans une interview qu’il a bien voulu accorder à la Radio France Internationale. Pour cet élu de l’Udps, de surcroit président du Groupe parlementaire de sa formation politique et alliés, deux raisons majeures justifient cette absence. La première, relève-t-il, est que lui et ses collègues ont été invités en tant que Députés de l’opposition, sans que ne soit leur reconnue la qualité de composante à part entière. La deuxième raison, ajoute-t-il, ‘‘nous ne sommes pas prêts à aller à Kampala, pour être des observateurs ou des simples témoins.

Le rôle du Député, c’est le contrôler l’action du Gouvernement…’’. S’agissant des négociations, l’élu de Mont- Amba pense qu’il ne peut pas être question que de l’accord du 23 mars. Bien plus, Samy Badibanga est d’avis que tous les fondamentaux doivent être mis sur la table. Le pays étant miné par une grosse crise, fait-il savoir, il faudra traiter de toutes les questions.

‘‘On doit pouvoir arriver à faire d’un malheur, une opportunité et pouvoir régler, une fois pour toutes, cette question de crise ou des guerres à répétition’’, a-t-il martelé sur les antennes de Rfi. Ce n’est pas tout. Dans cette interview, l’Honorable Badibanga Samy parle également du M23, du Rwanda et de l’Ouganda, de la facilitation, de la constitutionnalité formelle et matérielle de l’accord du 23 mars, etc. Découvrez, ci-après, l’intégralité de cette interview. Rfi : Pourquoi l’opposition est-elle absente à Kampala ?

Samy Badibanga : Pour deux raisons majeures. La première, parce que on nous a invité en tant que Députés, mais on ne veut pas nous reconnaître en tant que composante de l’opposition. Et, le deuxième élément, c’est par rapport à la prise de parole. Nous ne sommes pas prêts à aller à Kampala pour être des observateurs ou des témoins. Le rôle du Député, c’est plutôt de contrôler l’action du Gouvernement et je pense que nous devrions être là, en mesure de se poser la question sur la constitutionnalité formelle et matérielle de cet accord. Rfi : Vous parlez de l’accord du 23 mars 2009 ?

Samy Badibanga : Tout à fait. Cet accord n’a pas été ratifié par l’Assemblée nationale, tel que le prévoit l’article 214 de la Constitution. Et donc, la première question qui devrait se poser, c’est celle de la constitutionnalité formelle et matérielle de cet accord. Rfi : Vous vous attendez à une invitation de dernière minute du facilitateur ougandais ?

Samy Badibanga : On n’a pas fait la demande, mais s’il y a une invitation de la CIRGL, c’est un organisme international de la région, on étudiera la question. Après avoir obtenu le cessez-le-feu entre les deux parties, nous pensons qu’il est temps de passer au dialogue républicain en tant que composante et avec toutes les composantes de la société congolaise. Rfi : Quand vous parlez de discussions inclusives, vous parlez donc de discussions qui concernent le M23 ?

Samy Badibanga : Oui, bien sûr. Le M23 a été reconnu sur le plan international et national, puisque le Gouvernement a accepté de négocier avec eux. Rfi : Comment est-ce que vous, vous considérez ce mouvement, le M23 ?

Samy Badibanga : C’est une rébellion. Ils ont utilisé les méthodes qui ne sont pas les nôtres. Mais, ils font des revendications qu’il faut mettre sur la table, avec toute autre revendication qui concerne la crise politique et la crise sécuritaire ; il faut pouvoir en discuter. Rfi : le M23 veut discuter de la forme de l’Etat, du fédéralisme, de la réforme de l’armée, de la gouvernance, de la question de légitimité du pouvoir…Pour vous aussi, ce sont des questions à débattre ?

Samy Badibanga : Tous les fondamentaux doivent être mis sur la table. Il est clair qu’il y a une grosse crise politique au niveau de la République ; Il faut traiter de toutes les questions. On doit pouvoir arriver à faire d’un malheur, une opportunité et pouvoir régler, une fois pour toutes, cette question de crise ou des guerres à répétition. Rfi : Mais justement. Est-ce le moment d’ouvrir un état des lieux général ; est-ce que l’urgence n’est pas de régler la crise à l’Est ?

Samy Badibanga : Ecoutez. Il y a un problème à deux niveaux. En lisant, en tout cas, le rapport des experts de l’Onu, il y a une crise sur le plan international avec les pays frontaliers, donc avec le Rwanda et l’Ouganda aussi qui a été cité. Il faudrait voir ce problème au niveau international, concernant la sécurité à la frontière et dans le Kivu, le problème des réfugiés et déplacés, le problème de la coopération régionale. Mais, il faudrait aussi voir, effectivement, le deuxième aspect concernant le problème inter congolais : la réforme de l’armée et de la police ainsi que des services de sécurité ; la réforme de la justice, la crise de légitimité et tout ce qui s’ensuit. Rfi : Donc, il ne peut pas être question que de l’accord du 23 mars ?

Samy Badibanga : Non. Absolument pas. Je pense qu’il est grand temps de discuter sur toutes les questions qui concernent la crise dans le pays. Rfi : Quelle forme, selon vous, devraient prendre ces discussions élargies ? Est-ce que ça devrait se passer en RDC ou à l’étranger ?

Samy Badibanga : Le format doit être déterminé par toutes les composantes. Et s’il faut le faire à l’étranger, il faudrait trouver le bon cadre, le bon pays qui a la distance nécessaire par rapport à ce conflit et qui peut nous permettre d’arriver à quelque chose. En tout cas, nous, on a été toujours pour l’égide des Nations Unies et on a toujours demandé, d’ailleurs, la nomination d’un émissaire pour pouvoir s’occuper de ce problème. Rfi : Justement. Que pensez-vous du fait que l’Ouganda soit facilitateur dans cette crise, l’Ouganda qui est considéré par certains comme agresseur ?

Samy Badibanga : L’Ouganda, pour le moment, dirige la CIRGL. Donc, je crois que c’était très difficile de s’en passer. Mais, je pense que d’ici le mois de janvier, il y aura changement au niveau de la présidence et on étudiera la question. Rfi : Quel est, selon vous, le rôle que doit avoir le Rwanda dans le règlement de la crise ?

Samy Badibanga : Il doit être partie prenante ; il doit faire partie de la solution plutôt que du problème. Rfi : Si les négociations s’engagent, est-ce que l’opposition va être capable de rester unie ?

Samy Badibanga : Je ne vois pas pourquoi. Jusque-là nous collaborons tout à fait naturellement et sans problème. Rfi : Oui, mais la question se pose quand on sait que depuis 2006, l’opposition à l’Assemblée nationale n’a pas été capable d’élire son porte-parole ?

Samy Badibanga : Là, ce n’était qu’une question d’ambition. Il y a eu aussi, peut-être, un problème interne au niveau du MLC, qui était le parti le plus important à l’Assemblée nationale. Mais, je pense que ce sont des divergences qui peuvent, très rapidement, être résolues. Rfi : Le Député de l’opposition Christian Badibangi, lui, est à Kampala. Il estime qu’il a un droit de regard sur les discussions.

Qu’est-ce que vous en pensez ?

Samy Badibanga : Les quatre présidents des groupes parlementaires représentent plus de 140 Députés ; nous représentons plus de 95% des partis politiques de l’opposition à l’Assemblée nationale. Je vous laisse seul juger de la représentativité. Rfi : Pour vous les décisions ou les recommandations, s’il y en a, qui seront prises à Kampala n’auront donc aucune valeur ? Samy Badibanga : Non. Surtout qu’on pense, malheureusement, qu’il n’y aura pas de suite. Rfi : Qu’il n’y aura aucun résultat ? Samy Badibanga : Non. Je n’y crois pas. Transcription de La Prospérité.

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