15.03.13 Le Phare – Ruberwa annonce déjà les conclusions de Kampala « Kinshasa na pas le choix, il y aura intégration du M23 »
Depuis mai 2012, larmée combat le Mouvement du 23 mars (M23) dans lest de la République démocratique du Congo. Les rebelles revendiquent à lorigine la pleine application des accords du 23 mars 2009, qui avaient notamment régi leur intégration dans larmée et devaient consacrer le retour de milliers de réfugiés congolais tutsis. Le plus vieil ancêtre du M23 est le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), lex-rébellion de lavocat Azarias Ruberwa, 48 ans, originaire du Sud-Kivu (est) et qui fut vice-président de la transition (2003-2006) au sortir de la guerre. Aujourdhui, le RCD est un parti dopposition qui compte trois sénateurs et une trentaine de députés provinciaux.
RFI : Vous avez rencontré, début mars, Aubin Minaku, président de lAssemblée nationale, dans le cadre de consultations préliminaires menées en amont des concertations nationales voulues par le président Joseph Kabila, Azarias Ruberwa il nous a dit que le président était conscient quil y avait beaucoup de problèmes dans le pays et il nous a donné quelques matières qui allaient faire lobjet de ce dialogue – des questions liées à la gouvernance, des questions liées à la justice, des questions liées à la réconciliation… (…) Nous lui avons fait des suggestions – avec cette réserve que, pour la démocratie, si cest une réunion sérieuse nous prendrons part, mais si cest du gaspillage de temps et dénergie, de fonds, sans déboucher sur des remèdes substantiels, à ce moment- là on ne pourrait pas en faire partie. Il ma laissé entendre que ce serait des décisions qui seront exécutées.
Quavez-vous suggéré?
La première matière cest évidemment la situation sécuritaire du pays, en particulier la situation sécuritaire à lest. Compte tenu de la nature, de lhistorique et de la vision, surtout, du RCD, nous avions dit que nous pouvions être dun apport important pour une paix durable à lest de la RDC en particulier, et dans lensemble du pays en général. Nous connaissons le problème, nous connaissons les hommes, nous avons géré cette partie du territoire les années passées (…) Nous avons également abordé des matières comme la réconciliation et particulièrement laspect de la nation. Parce que depuis lIndépendance, lorsquon ne reproche pas ici dappartenir à telle province, on reproche dappartenir à telle tribu ou alors davoir tel type de faciès et ça fait de vous [quelquun de] plus Congolais ou moins Congolais.
Vous faites référence aux Congolais tutsis?
Oui, absolument, bien sûr ! Il y a pas mal de questions. (…) Au-delà du niveau national, vous avez dautres questions intrinsèques au sein de la société où, quelquun, parce quil est tutsi, il a tel faciès, on va lui imputer une nationalité étrangères (…) Il y a aussi des questions spécifiques aux minorités, telle cette question des réfugiés qui ne rentrent pas alors que ça fait quinze ans quils sont dans les pays voisins. Ils voient leur terre en face, et donc ils peuvent constituer à coup sûr un bastion de recrutement pour quiconque veut des revendications quils estiment légitimes.
Le M23 a étendu ses revendications à la sphère sociale, politique, économique… recoupant des doléances de lopposition. Est-ce que le M23 a sa place à la table de ces concertations?
Si les concertations se faisaient avant la conclusion des discussions de Kampala, évidemment, ils seraient peut-être fondés – comme tout Congolais qui fait des critiques – mais pas comme revêtus dun mandat. Par contre, si au moment de ces consultations, la réunion de Kampala conclut que le M23 a un statut de parti politique ou de mouvement, et bien là, il fera cause commune avec les autres.
Certains estiment que les accords de Kampala pourraient se terminer par une réintégration dans larmée des soldats du M23…
Kinshasa na pas le choix. Dans une guerre où vous navez pas la suprématie; vous ne pouvez pas mettre fin à cette guerre sans intégration. Cest quasi impossible. (…) Nous revenons encore une fois au débat sur la paix et la justice. Je minterroge : comment voulez-vous que les chefs de larmée, qui sont exclus de larmée et qui sont sous sanction [de lONU], laissent jouer la carte de la paix pour que ce soit simplement leurs subalternes qui soient intégrés ? Et leur sort, alors ? Et ils diraient
« Nous faisons la paix mais emmenez-nous en prison »? (…) Il ny a pas de mythe ou de mystère à faire il y aura intégration. Maintenant, avec la division du M23, cest une autre affaire…
Le M23 a éclaté en deux factions, lune proche du chef militaire, le général Sultani Makenga, lautre proche du président politique, Jean-Marie Runiga. Est-ce une chance pour la paix ou deux fois plus de problèmes pour Kinshasa?
A court terme, cest une chance pour la paix parce quil y aura certainement un accord avec le gouvernement. Le premier accord ou laccord à court terme sera entre le gouvernement et le groupe du général Makenga. Je pense quil ny a pas de doute. A court terme cest bon pour le gouvernement. Mais à long terme, cest une mauvaise chose. Jaurais préféré un accord comme cétait envisagé il y a quelques semaines entre le gouvernement et lensemble du M23, plutôt quavec une partie.
Avez-vous essayé de dire à vos anciens frères darmes du RCD de baisser les armes?
Ce nétait pas mon rôle. Dabord, personne ne me la demandé. Et dans un contexte comme celui-ci, on va vous sortir toutes thèses du monde pour montrer que Vous êtes contre les intérêts de la République. Alors pour éviter ce genre, de débat, compte tenu des sensibilités qui entourent ces questions, communautaires aussi, jai dû me dire : « Chaque fois que je vais mexprimer, je vais soutenir des négociations ». Et je le fais. (…) Je nai pas fait un travail systématique parce que je nen navais pas le mandat. Au demeurant jaurais pu aider à coup sûr à régler ce genre de problème.
Vous avez été candidat malheureux à la présidentielle de 2006. Comptez-vous tenter votre chance en 2016?
Cest trop tôt mais dire que je ny pense pas, ce serait faux. Je ne confirme pas la chose encore, mais justement par rapport à mes convictions et par rapport au potentiel du pays, je me dis pourquoi ne pas continuer à travailler sur lopportunité dun jour où je puisse être en mesure dinfluencer à grande échelle. Le moment venu je préciserai mes ambitions.
(Par Habibou Bangré)