Pourquoi la Chine courtise l’Afrique ? Par Ed. Nsimba

 

 

 

L’appel de la presse
occidentale de droite n’est ni accidentel ni insolite, encore moins innocent.
Il  est calculé mais avoue
paradoxalement le sentiment d’impuissance de l’Occident de contenir la poussée
de la Chine en
Afrique. Comme pendant la longue période de la guerre froide, la presse de
droite recommande la constitution de
l’Union Sacrée entre les Etats-Unis et l’Europe pour faire barrage à la montée
de la Chine en
Afrique.

La hantise de voir la Chine devenir une puissance
économique, commerciale, scientifique et technologique mondiale ne date
pas d’aujourd’hui. Rappelez-vous du livre : « Quand la Chine se réveillera, le
monde tremblera » du brillantissime Alain Peyrefitte, publié en 1973
(Editeur : Fayard). Mais, avant Peyrefitte, Napoléon Bonaparte avait déjà
alerté le monde occidental du danger chinois. A la fin du 19ème  Siècle, précisément en 1895, une bonne
partie de l’intelligentsia Occidentale  inventa
le terme du « Péril Jaune » qui d’une manière simple veut
dire : « les peuples d’Asie sous la houlette de la Chine vont surpasser les
blancs et dominer le monde ».  Le chef de fil de ce China bashing
(dénigrement) n’est autre que Paul d’Estournelles de Constant, élu de la Sarthe à la Chambre des députés puis
au Sénat, entre 1895 et 1924, prix Nobel de la Paix en 1909 pour son action en faveur de
l’arbitrage international.

 

Connu pour ses phrases
loufoques et idées saugrenues, son gout prononcé de la litote et ses penchants
pour le manichéisme absolu, le présentateur 
William James "Bill"O'Reilly, Jr, de la chaine
américaine Fox News (media de droite et des néoconservateurs) déclarait
qu'«après avoir eu peur que tout soit fabriqué en Chine, nous craignons
maintenant que ce pays nous achète morceau par morceau». Ainsi, dans les médias
occidentaux de droite, la Chine
est responsable des déboires des économies occidentales, de la perte des
emplois dans l'industrie du textile,  métallurgie,
sidérurgie, artisanat jusqu'à la flambée des prix du pétrole.

 

La vérité est à la
fois simple et complexe. La montée en puissance de la Chine est un enjeu de taille
et ce choc systémique –du point de vue géostratégique – est très redouté par les
occidentaux. Quand l’empire britannique (qui fit près d’un siècle la première
puissance économique, culturelle, scientifique et militaire mondiale, qui
occupa 25% du territoire de la planète terre) s’était disloqué et ruiné et ne
pouvait plus assurer le leadership mondial, les Etats-Unis prirent la relève. Le transfert du leadership mondial s’est fit à l’intérieur d’une même
race (race blanche  à
prédominance Anglo-saxonne), d’une même religion (christianisme à dominance
protestante), d’une même culture (la sacralisation de l’individualisme et de
l’excellence), d’une même civilisation (judéochrétienne) et d’un même
alphabet (synthèse des écritures cyrillique, grecque et
germanique). 

 

Si les chinois
reprennent le flambeau du leadership mondial, pour la première fois dans
l’histoire contemporaine, le leadership mondial passera d’une race à
l’autre (race blanche à la race jaune), d’une religion à l’autre, d’une culture
à l’autre, d’une civilisation à l’autre et d’un alphabet à l’autre.   

 

L’éventualité que la Chine et avec elle l’Asie,
ravisse le leadership mondial ne relève pas d’une platitude frivole, d’une
fantaisie d’esprit mais des faits économiques et financiers avérés, vérifiables
et palpables. Au mois de février
2010
, les statistiques, des statistiques qui dérangent, ont révélés : la Chine est désormais première exportatrice mondiale
en détrônant l’Allemagne. La
Chine
est véritablement l’atelier du monde, elle fabrique
déjà 60% des objets manufacturés du monde, quasiment tous les vêtements,
les jouets et l’électronique. La
Chine
–toujours elle- est depuis ce mois de février 2010 le
premier producteur mondial des automobiles.

 

La Chine se spécialise aussi dans les industries de
pointe à haute valeur ajoutée comme la télématique (alliage de la  télécommunication et de l’informatique
qui  accouche les supports
médiatiques numériques et interactifs, les autoroutes de l’information et
cyberespace), la robotique (alliage de la mécanique, de l’électronique et de l’informatique),
la bio-industrie (alliage de la biologie moléculaire et la chimie), l’aéronautique
(avions, hélicoptères et drones) sans oublier les autres technologies de pointe
comme l’exploration spatiale (fusées et véhicules spatiaux).

 

Plus fort encore, la Chine
est désormais la deuxième puissance économique mondiale en éjectant encore et
toujours l’Allemagne et le Japon.
 Il y a un consensus
sur les prévisions des Instituts de Recherche et d’Analyse Economique et de
Perspective. Et ceci, quelque soit le mode de comparaison des PIB réels
des différents pays: soit par la méthode de taux de change (on choisit une
monnaie de référence –généralement le dollar américain- et une  année de base) soit par la méthode de
Parité de Pouvoir d’Achat (PPA). Quelle que soit la méthode de conversion
adoptée, si la Chine
maintient son taux de croissance du PIB réel actuel (9%), la Chine sera la première
puissance mondiale en 2030. L’Amérique impériale sera rétrogradée à la deuxième
place. Les pays européens y compris l’Allemagne ne feront plus partie des Top
10 dans moins de 10 ans. Les Etats-Unis seront bien seuls parmi les 10
premières économies mondiales.  Les
pays émergents qui pèsent déjà 40% du PIB mondial ne feront certainement pas
des cadeaux à l’impériale Amérique.

Le président B.H. Obama en a conscience. Lors de son discours en janvier 2010
sur l’Etat de l’Union, il l’a dit sans détour : les Etats –Unis n’accepteront
jamais la deuxième place.
 Pour
ce faire il faut reformater et améliorer le système d’éducation des
Etats-Unis : accroitre l’enseignement des mathématiques depuis les lycées
et développer les facultés de génie à l’université, notamment les mathématiques
supérieures appliquées, la science et la technologie. La réponse de la Chine n’a pas tardé. Devant des étudiants chinois en télématique, l’ancien  président chinois Hu Jintaobombe, le torse bombé, roule
les muscles et donne de la voix : « le 21eme siècle sera asiatique ou
ne sera pas ».  Dopés
par leur fibre patriotique et portés par un orgueil nombriliste collectif, les
étudiants –ces grosses têtes et futurs haut cadres- applaudissent à tout rompre
et crient très fort,  portant
leurs voix au paroxysme : « Rien, ni personne n’arrêtera la Chine ».

 

Rien, ni personne n’arrêtera la
Chine
 ? Pas si certain. Car la Chine puissance émergente
soit-elle a beaucoup des défis à relever avant de détrôner les Etats-Unis et
prendre la première place comme leader mondial.
 

D’abord, la pression démographique. La Chine totalise une population estimée en 2009 à
1,34 milliards d’habitants. Malgré la politique de limite de fécondité (qui
ordonne aux chinois de ne faire qu’un enfant par couple), la population
chinoise continuera d’augmenter, bien que dans des proportions moindres.

 

Le véritable défi des
planificateurs chinois est de nourrir la population. La Chine est un vaste pays avec
9,5 million de km² mais les terres arables représentent moins de 10%
de la superficie totale du pays. L’agriculture
chinoise est dualiste avec une agriculture d’exportation et une agriculture
vivrière qui rivalisent pour les ressources (terre, capital humain, investissement,
énergie, engrais, etc.).  

Le cheptel bovin est un autre casse-tête des planificateurs chinois. Certes, avec près de 482 millions de
têtes, soit 3,2 fois plus que le cheptel européen, le cheptel bovin chinois
compte pour plus de la moitié du cheptel mondial. Toutefois, ceci était suffisant
quand le niveau de vie en Chine était faible. Avec l’élévation du PIB réel par
tète, les chinois consomment beaucoup. Par exemple en 1980, un chinois
consommait 14 kg
de viande par an, en 2009  il
en consomme 60 kg.

 

Le deuxième défi des planificateurs chinois est d’accommoder une population qui s’ouvre à la société
de consommation avec beaucoup d’avidité.  Fin décembre 2005, le Bureau d’Etat
des Statistiques (BES) chinois a estimé que 562 millions de personnes vivaient
en ville et 745 millions de personnes dans les régions rurales. Il y a de
grandes disparités entre le niveau de vie des citadins et celui des ruraux.

 

 Le troisième défi des planificateurs chinois est de diversifier la source de croissance économique. La
croissance chinoise est tirée par la demande d’exportation. Toutefois, la crise
mondiale de 2007-2008 a
« déstabilisé » la
Chine. Les
principaux pays qui achètent les produits chinois
sont les pays occidentaux, les Etats-Unis en tête or ces pays ont réduit leur
demande d’importation en réponse à la crise mondiale. Résultat : il y a eu décroissance économique en Chine.

Alors, les planificateurs chinois peaufinent une nouvelle stratégie du
développement. Ils  veulent
que la demande intérieure soit la force motrice de la croissance à parité égale
avec la demande d’exportation. Seulement voilà, bien que la Chine soit pourvue d’une
bonne dotation en ressources naturelles, les énormes besoins de modernisation
de la Chine
nécessitent d’immenses ressources agricoles, minérales (bauxite, cuivre, étain,
fer, zinc, etc.) et énergétique (pétrole).

 

Et quel est le continent qui est le véritable réservoir de ces
ressources ? L’Afrique bien sûr.
 Cependant, beaucoup des pays africains sont confrontés à de lancinants
problèmes des balances des paiements, donc des devises. 
Comment promouvoir le
commerce entre la Chine
et l’Afrique dans des telles conditions ? Les planificateurs chinois ont
trouvé l’astuce : le troc.
L’argumentaire des planificateurs chinois est imparable. La Chine n’est pas en quête de
devises. Elle est assise sur un matelas de devises. Déjà fin 2006, les réserves
en devises étrangères se sont élevées 1066,3 des milliards de dollars
américains. Et en mars 2013 les réserves de change de la Chine, les plus importantes au monde, ont atteint
fin mars le montant record de 3440 milliards de dollars soit 1000 milliards de
plus que la dette française.

La Chine est devenue la vache à lait ou le financier mondial. C’est elle qui
finance une bonne partie des déficits budgétaires et dette publique des pays
occidentaux.  Par exemple,
le déficit budgétaire fédéral des Etats-Unis représente 10.8% du PIB nominal et
sa dette publique avoisine les 100% du PIB. Pour financer son déficit et
éponger sa dette publique, les Etats Unis « vendent » des bons de
Trésor, obligations et bons de développement. La Chine, le Japon et les
monarchies du Golfe persique achètent ces bons de Trésor. La Chine à elle seule, détient
21% des bons de Trésor américains.

 

Pour revenir à l’Afrique,
la Chine a
conclu des trocs (matières premières contre investissement chinois). La presse
de droite occidentale dénonce avec beaucoup de virulence les contrats chinois
et se portent en défenseur de l’Afrique.  Il y a à peine quelques années cette même presse
« assassinait » l’Afrique en la présentant comme une succursale
de l’enfer, un continent où il ne fait pas bon de vivre, un continent maudit
qui ne s’en sortira jamais, parce qu’inlassablement parcouru par les cinq
démons de l’apocalypse : guerres civiles répétitives, pandémie hautement
pathogène (SIDA, tuberculose, paludisme), famine, calamité naturelle et
mauvaise gouvernance
.

 

La presse occidentale de droite ne cherche pas à protéger l’Afrique, elle
veut simplement empêcher la
Chine
de construire des « zones d’influence » qui
vont la renforcer sur le plan géostratégique, géopolitique, économique et
culturel.

 

L’hypocrisie de la
presse occidentale de droite n’est plus à démontrer. Elle est simplement
pathologique. Tenez. Tous les responsables occidentaux, à commencer par les
présidents,  font le pèlerinage en Chine
et s’inclinent devant les dirigeants chinois. Des marchés juteux sont conclus
et sont largement médiatisés. Dès lors, pourquoi l’Afrique n’a-t-elle pas
le droit de traiter avec la
Chine
 ?

 

Au finish, il
appartient aux africains de définir un cadre de coopération équitable avec la Chine. Il n’y a que
trois scenarios possibles :

 

1. Soit la coopération
Afrique-Chine est un jeu à somme nulle (l’Afrique gagne, la Chine gagne).

2. Soit un jeu à somme
positive (l’Afrique gagne et la
Chine
perd)

3. Soit un jeu à somme
négative (l’Afrique perd, la
Chine
gagne)

La Chine jure la main sur le cœur que c’est un jeu à somme nulle :
gagnant-gagnant
. Il appartient aux africains de s’assurer qu’ils ne sont pas
exploités par la Chine,
l’Empire du Milieu. Mais les africains -les vrais- ne doivent pas s’appuyer sur
les prescriptions occidentales. Peut-on faire confiance aux hypocrites
occidentaux ?  

Du Président
Obama  à la Chancelière Merkel
en passant par Hollande, pourquoi se rendent-ils en Chine et signent des
contrats avec elle ? Pourquoi ne dénoncent-ils jamais le non respect des
droits de l’homme, le manque de la démocratie et le système policier
chinois ?????????.

La réponse est
simple : les faramineux contrats chinois valent plus que les droits de
l’homme.

 

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