Les guerres du Kivu et leurs significations politiques pour la société congolaise et la construction de l'Etat. Par Kä Mana, Président de Pole Institute
Dans le feu des discours tonitruants
Je me dois de dire d'entrée que j'écris cette réflexion en pleine période de
turbulence suscitée par une nouvelle phase de la guerre du Kivu : la phase qu'a
lancée le groupe M23, un nouvel avatar d'un mouvement qui a débuté depuis 1997,
quand les troupes de l'AFDL, qui rassemblaient des militaires rwandais,
ougandais, burundais et congolais ont pris Kinshasa et ont chassé Mobutu Sese
Seko du pouvoir pour installer à sa place un nouveau chef, Laurent Désiré
Kabila.
A cette période, la guerre de conquête du Congo par l'AFDL était perçue et
présentée sous plusieurs aspects.
Du côté des vainqueurs, elle était une guerre de libération. Elle avait pour
but et pour dessein fondamentaux de casser un système de dictature honni par le
peuple, au profit d'une perspective de démocratie nouvelle. Elle ambitionnait
aussi de redresser l'économie nationale et d'ouvrir un règne de prospérité pour
les populations. Le discours dominant chez les vainqueurs prétendait vouloir
changer l'homme congolais corrompu et perverti par le despotisme, grâce à la promotion
des valeurs morales d'où émergerait un Congo nouveau. Un nouvel âge d'or était
promis, dans un sensationnel caravansérail de rêves, d'utopies, d'espérances et
d'aspirations pour des lendemains qui dansent. Le nouveau président, auréolé du
titre de sage, Mzee, et d'étincelantes étoiles d'intelligence stratégique pour
conduire le peuple vers un nouvel Eden, clama partout que le Congo bénéficiait
d'une nouvelle naissance et d'un nouveau commencement. On croyait entendre un
nouveau Messie.
ne fut pas celui de la défaite, mais celui de la dénonciation d'une agression
venue de l'étranger, avec des marionnettes congolaises affublées de faux titres
de libérateurs, à la tête d'une armée d'enfants condamnés à faire la guerre
pour le triomphe des accords de Lemera, vrai motif d'une guerre pour la
balkanisation du Congo et le pillage de ses richesses par les Rwandais et les
Ougandais, seuls maîtres du jeu dans la chute de Mobutu. Honoré Ngbanda fut le
héraut de ce discours. Fort de sa place centrale dans le système de sécurité et
dans les renseignements généraux de Mobutu, il voulait qu'on le croie sur
parole parce qu'il savait de quoi il parlait.
Entre les vainqueurs et les vaincus vibrait le discours des
opposants de l'intérieur, sous la houlette du président de l'UDPS, Etienne
Tshisekedi, qui voulait donner un vrai contenu à la libération et exigeait le
départ des militaires étrangers pour laisser les Congolais discuter et décider
entre eux du destin du Congo. Il sentait l'anguille sous la roche d'un nouveau
pouvoir dont les rênes étaient entre les mains des étrangers. Il refusait une
libération en trompe-l'œil et rêvait d'un nouveau commencement et d'une
nouvelle naissance du pays sous des auspices de vraie résurrection : une
nouvelle vie dans un nouveau souffle pour un présent et un futur de bonheur.
par Laurent Désiré Kabila, Honoré Ngbanda et Etienne Tshisekedi, une ombre
grondait : le projet propre du Rwanda, de l'Ouganda et, dans une faible mesure,
du Burundi. Je parle d'ombre parce que ce projet n'a jamais été articulé
publiquement par ceux à qui les Congolais l'attribuent. Ni le Rwanda, ni
l'Ouganda, ni même le Burundi n'ont jamais affirmé clairement qu'ils aient eu
pour ambition de porter les rêves de Laurent Désiré Kabila, de s'emparer du
Congo pour le balkaniser et le piller comme l'affirmait Ngbanda, ni même de
quitter tranquillement le cœur du pouvoir en RDC pour satisfaire les
revendications d'Etienne Tshisekedi. Le silence de ces pays sur leur visée en
territoire congolais signifie soit que leur projet n'est pas aussi construit et
aussi cohérent que les Congolais le pensent, soit qu'il relève des services
secrets qui l'accommodent selon les circonstances, soit qu'il est incohérent et
inconsistant, articulé sur le cout terme et dénué de toute force capable de
l'imposer à l'opinion mondiale de manière crédible.
On pourrait même penser que les pays qu'un certain discours
congolais traite d'envahisseurs, d'agresseurs, de pilleurs et de prédateurs ne
sont silencieux sur leurs ambitions au Congo que parce qu'ils ne sont pas
eux-mêmes maîtres de ce qu'ils sont censés faire dans notre pays. Ils ne
seraient alors que les exécutants d'un agenda qui vient des mystérieux maîtres
économiques du monde, ceux qu'un certain nombre d'intellectuels congolais
qualifient de vrais commanditaires de la guerre du Kivu, pour déstabiliser le
Congo, le fragiliser, le diviser et mieux exploiter ses richesses. On connait
l'archéologie du discours de ces forces mondiales : depuis le projet de la
renaissance africaine lancé par le président américain Bill Clinton, qui mit
Mobutu Sese Seko dans l'œil du cyclone politique des Grands Lacs et fit émerger
Paul Kagame comme nouvel homme fort de la région jusqu'aux ambitions de grands
et de petits prédateurs économiques et financiers qui entretiennent le chaos
congolais. En outre, on connaît la complexification du problème congolais
depuis l'entrée en lice de
Chine
conflits de puissance et d'hégémonie que cela entraîne avec les maîtres
traditionnels du pays que sont les grandes puissances d'Occident.
Le plus difficile aujourd'hui, c'est de découvrir la ligne
de traçabilité qui conduit de l'ambition des grandes puissances au Congo à
l'implication du Rwanda et de l'Ouganda dans les guerres du Kivu et dans les
milices et les mouvements internes au pays, dont le rôle ne peut pas se réduire
à n'être que des simples marionnettes de Kigali et de Kampala.
Les discours des milices congolaises et des mouvements
soutenus par Kigali et Kampala ne rendent pas les choses très lisibles. Les
alliances et les renversements d'alliances entre ces milices, les
réorientations constantes des stratégies et les rectifications constantes des
buts et des enjeux des luttes, les changements de positionnements politiques
entre les dirigeants congolais et rwandais en fonction des tactiques obscures
liées à des intérêts de conservation du pouvoir, rien ne permet de donner une
clé de lecture prête à utiliser pour un chercheur qui aimerait comprendre
froidement ce qui se passe vraiment dans la guerre du Kivu.
Les réalités se sont plus opacifiées encore depuis
l'avènement de Joseph Kabila Kabange à la magistrature suprême de
congolais voit dans ce président l'homme du Rwanda. Un soutien solide et
inconditionnel aux ambitions de Kigali. Un cheval de Troie commode qui permet
au pouvoir rwandais d'avoir la mainmise sur le Congo et de continuer à
manipuler la politique congolaise en fonction des intérêts de la tribu tutsi
dans son intention de s'offrir
RDC
même discours congolais soutient le président Kabila Kabange chaque fois que
des tensions s'enveniment entre Kigali et Kinshasa. Dès qu'un mouvement rebelle
contre le pouvoir de Kinshasa se met en marche à l'Est du pays, le président
congolais enfourche le cheval de l'accusation du Rwanda, sans expliquer comment
ce pays dont il affirmait qu'il est un allié militaire dans la lutte pour la
pacification du Kivu est devenu un ennemi. Il ne dit jamais ce qu'il a fait des
accords clairs ou secrets qu'il a signés avec Kigali. Il reste silencieux sur
le sort des alliances militaires qui le lie au président Kagamé pour lutter
contre les " forces négatives " que le Rwanda traque au Congo et pour
neutraliser les milices congolaises qui déstabilisent le Congo. Personne ne
sait pourquoi ces alliances et ces accords n'aboutissent pas à des victoires
décisives.
qui devraient poser ces questions et interpeler le pouvoir de Kinshasa
n'arrivent pas à user de leur mémoire et de leur capacité de réflexion pour
demander au gouvernement à quel jeu il joue et selon quelles logiques de fond
il agit. Elles enfourchent elles-mêmes le cheval de la lutte contre la
balkanisation du pays, sans se demander s'il n'y a pas manipulation de
l'inconscient collectif congolais par Kinshasa et Kigali ensemble pour des
intérêts politiques inavoués. On ne se demande même pas pourquoi la communauté
internationale, dont
MONUSCO
engagement auprès des forces armées congolaises d'un côté alors qu'elle est
accusée de l'autre côté par les Congolais de jouer le jeu des rebellions
internes ou des agresseurs extérieurs censés soutenir ces rebellions.
Pour ne prendre que la dernière vague de la guerre
déclenchée par le M23 au Nord-Kivu, la facilité avec laquelle l'opinion
publique en a fait une guerre pour la balkanisation du Congo est effarante. Le
soutien de Kigali au mouvement a été perçu comme une volonté d'annexer une
partie du Kivu au Rwanda alors qu'il y a un mois encore, l'armée congolaise et
l'armée rwandaise étaient ensemble et luttaient ensemble contre les FDLR, dans
une unité d'action que Kinshasa, dans une rhétorique plantureuse pour la paix
et la concorde entre les deux voisins, magnifiait avec allégresse. D'un moment
à l'autre, sans qu'on nous ait expliqué le pourquoi de la rupture, les deux
pays sont devenus des ennemis et les menaces de la balkanisation sont
redevenues la monnaie d'échange du discours congolais, avec un soutien visible
et tonitruant de la communauté internationale.
compte qu'on a servi au public un disque déjà rayé. Une vision d'un Rwanda
militairement tout puissant, rationnellement organisé, prêt à dépecer le Congo
comme le ferait un ogre affamé devant une victime impuissante.
questions aussi simples que celles-ci :
dans ses actions stratégiques, pourquoi n'est-il pas arrivé, dans son alliance
avec l'armée congolaise, à mettre à genoux les FDLR sur le territoire congolais
et à offrir à Kabila Kabange un Congo pacifié à gouverner en toute sérénité ?
dans ses actions stratégiques, pourquoi le pouvoir qui le dirige n'a-t-il pas
maintenu l'unité de sa vision du pays et a-t-il suscité en son sein des
révoltes et des dissidences de la part de certains officiers avec qui les
dirigeants congolais ont, à un certain moment, pris langue ?
dans ses actions stratégiques, pourquoi n'a-t-il pas anticipé la réprobation
mondiale de son soutien au M23 et donne-t-il maintenant l'impression de ne plus
savoir quel est le véritable objectif de ce mouvement par rapport au pouvoir de
Kinshasa ?
dans ses actions, pourquoi n'accepte-t-il pas publiquement qu'il est impliqué
dans la guerre du Kivu au lieu de recourir à des dribles diplomatiques et à des
rencontres secrètes avec les représentants du pouvoir congolais sans que le
peuple du Congo en soit clairement informé ?
multiples discours sur la guerre du Kivu depuis 1997, la perspective d'une
grille d'interprétation unique que serait l'ambition de balkaniser le Congo
cesse d'être la seule grille possible, encore moins la plus puissante par sa
pertinence explicative. Surtout quand on fait du Rwanda le cœur et le maître
d'œuvre d'une telle balkanisation. Même quand on met derrière le Rwanda des
trusts internationaux et des " petites mains du capitalisme " qui ont
intérêt à la désintégration du Congo, on oublie vite qu'une telle
désintégration, qui pouvait être envisageable quand les Etats-Unis étaient le
seul maître du monde, ne l'est plus face aux nouvelles puissances que sont
aujourd'hui
et
et même l'Afrique du Sud dans son implication en RDC.
Quel intérêt ces nouvelles puissances auraient-elles à la
balkanisation du Congo-Kinshasa ? Quelle contrepartie les forces qui veulent
diviser le Congo offriraient-elles comme prix de la balkanisation de notre pays
? Et le Rwanda dans ce marché, est-il sûr qu'il gagnerait à intégrer dans son
espace intérieur des tribus de l'Est du Congo qui lui sont si manifestement
hostiles comme ses dirigeants peuvent le constater rien qu'en écoutant le
discours du petit peuple à Bukavu comme à Goma ?
parrains occidentaux, quand on sait comment ces parrains livrèrent piteusement
Savimbi à ses ennemis, lâchèrent Mobutu Sese Seko face à l'AFDL et pendirent
Saddam Hussein après l'avoir utilisé contre l'Iran ? L'exemple interne de
Juvénal Habyarimana qui crut que le bouclier français et zaïrois suffirait à
garantir l'éternité à son régime de marginalisation et d'oppression des Tutsi
au Rwanda ne suffit-il pas à faire comprendre aux maîtres actuels de Kigali
qu'aucune puissance n'est éternelle et qu'on récolte la tempête pour les
générations futures quand on sème le vent de la haine et du désespoir chez ses
voisins ?
j'éprouve une certaine gêne devant la manière dont tous les loups du Congo ont
hurlé contre le M23 et contre sa bataille actuelle qui n'est à mes yeux qu'une
nouvelle phase d'une longue guerre affreusement meurtrière avec ses six
millions des morts dans le Kivu, selon les estimations courantes, mais parce
que j'ai le sentiment que beaucoup de nos compatriotes ne veulent pas creuser
le fond du problème et saisir dans toutes ses dimensions le sens de cette
nouvelle guerre.
discours du pouvoir de Kinshasa sans se demander quelle est la responsabilité
des dirigeants congolais dans les calamités qui s'abattent sur l'Et du pays
depuis le génocide rwandais et surtout depuis la marche de l'AFDL sur Kinshasa.
souffrances indicibles, comment se fait-il que le Congo n'a pas encore une
armée digne de ce nom et qu'il est toujours à la merci de ces voisins à la
moindre escarmouche militaire? Pourquoi la condition de nos militaires au
front, depuis Mobutu jusqu'à ce jour, est-elle toujours misérable et
démobilisatrice pour des hommes appelés à donner leur vie afin de sauver leur
patrie ? La réponse à ces questions est que la sécurité des populations n'est
pas la priorité des dirigeants congolais. Nous devons avoir le courage de nous
dire cela au Congo et de ne pas nous voiler la face en hurlant avec les loups
de la victimisation de nous-mêmes. Aucun pays étranger n'est vraiment
responsable de notre situation de faiblesse et de détresse militaires. Si nous
sommes chaque fois vaincus dans les batailles où nous soupçonnons le Rwanda
d'être l'instigateur, nous devrions nous en prendre à nous-mêmes et n'avoir que
nos yeux pour pleurer. Crier à la balkanisation ne sert à rien quand on ne se
dote pas d'une armée capable de défendre efficacement le territoire et de se
faire respecter dans le monde actuel.
meilleure arme de défense contre les dictatures et permet de s'attirer les
soutiens d'autres pays qui croient aux valeurs de liberté et de droits
inaliénables de la personne humaine et des peuples, pour quelle raison
sommes-nous encore au Congo dans une structure de sauvagerie despotique et
d'oppression des populations par la fureur d'une armée au service du seul chef
que l'on nomme significativement le Raïs ? Avec ce système qui prive nos
dirigeants actuels de la légitimité nécessaire à leur crédibilité, n'importe
lequel de nos hommes politiques peut se tourner vers l'étranger pour chercher
des soutiens à ses propres ambitions. Il peut même se faire acheter pour servir
des ambitions étrangères, pourvu que ces ambitions le conduisent au sommet de
la nation. L'AFDL a-t-elle été autre chose ? Et ne sommes-nous pas encore
maintenant dans l'héritage de ce mouvement que le Rwanda et l'Ouganda ont mis à
la tête de l'Etat ? Oublier cela comme nous le faisons aujourd'hui n'est pas
seulement une faute intellectuelle, c'est une trahison de la nation dans sa
soif de liberté et de démocratie.
dispose pas de lieux de réflexion géostratégique sérieuse pour des propositions
de sortie de crise à l'Est de notre pays ?
A ce jour, l'opinion publique ne sait pas ce que le pouvoir
de Kinshasa et le pouvoir de Kigali se disent dans leurs discussions occultes
et dans leurs négociations secrètes. Tout se passe comme si le pays était entre
les griffes d'un pouvoir qui n'a de comptes à rendre à qui que ce soit.
a été scellée entre Kigali et Kinshasa pour les opérations militaires "
Umoja wetu " et " Amani leo ", sans même que le parlement
congolais et son président Vital Kamehre aient été au parfum des accords, si
l'on se souvient que ce président du parlement a perdu son poste dans cette
affaire sans que les Congolais protestent comme ils protestent aujourd'hui
contre le M23, on peut se demander si nous ne sommes pas en train de
perdre le sens de nos responsabilités citoyennes face au pouvoir qui nous
gouverne.
Enfin, n'oublions pas que le M23 dont tout le monde parle
aujourd'hui est la continuation de la dynamique CNDP, mouvement avec lequel le
gouvernement congolais a signé des accords pour la paix dans le Kivu. Que ces
accords aient été bons ou inacceptables dans leur forme comme dans leurs fonds,
notre gouvernement les avait signés et une paix relative avait pris forme sous
leur égide. Pourquoi les avoir remis en cause et pourquoi avoir donné
l'impression de rouler l'autre partie signataire dans la farine si nous
n'avions même pas la capacité de réduire cette partie au silence et de la
vaincre militairement ?
cela. Seul un manque de lucidité et du sens de l'intérêt national peut amener
des dirigeants à se tromper d'analyse et de choix à ce point. Quand on sème la
ruse et le mensonge, on récolte la fureur et la trahison. Cela vaut pour le
Congo comme pour le Rwanda.
Ces considérations que je viens d'exposer indiquent qu'il
est urgent de poser sur la guerre du Kivu dans ses différentes phases un regard
lucide qui évite d'y voir un phénomène unifiable dans son intention et dans son
enjeu de fond. On doit voir qu'en réalité, plusieurs logiques sont actuellement
en lice et ne sont pas réductibles à un dénominateur commun. S'il a pu y avoir
au début un projet visible qui pouvait être défini clairement comme projet de
balkanisation du Congo, la situation n'est plus la même actuellement. Il y a
éclatement de cette guerre en divers champ du sens selon les acteurs multiples
dans leurs ambitions et dans leurs stratégies. La guerre est aujourd'hui
fragmentée à travers l'émergence des milices aussi illisibles dans leurs
revendications les unes que les autres, comme si tout avait basculé dans
l'absurdité la plus totale.
guerre, ni
personne, personne ne peut dire aujourd'hui quelle est la visée de la guerre de
l'Est. On est, pour ainsi dire, devant un processus
de frankensteinisation qui se déchaîne dans ses folies sans qu'un
maître soit capable de tout contrôler.
furies d'enrichissement illicite partout visible dans des palais qui poussent
comme des champignons au sein d'une ville comme Goma, alors que la région du
Kivu saigne encore des cadavres de six millions des morts dont le sang crie
vers le ciel. La guerre, malgré ses charniers et ses désespérances, est devenue
un gros business qui se déroule sans que qui que ce soit cherche à savoir
comment arrêter cette machine insensée. Il ne s'agit même plus de guerre au
sens classique du terme, mais d'une situation sociale de guerre permanente dont
les acteurs et les intérêts sont tellement émiettés qu'elle ne mène nulle part,
sinon à la perpétuation de sa propre absurdité.
il est temps aujourd'hui de donner un nouveau sens à cette guerre, de
construire une nouvelle signification à des conflagrations qui ont échappé à
ceux qui les ont embrasées. Ce sens, cette signification, c'est l'urgence de
mettre fin à des aventures dont on a vu la stupidité inénarrable, en vue de
s'engager dans la seule logique qui ait du sens : la logique de la paix en vue
du développement durable et du bonheur partagé.
Sous cet angle, toute justification des actions guerrières,
d'où quelle vienne et quelle qu'en soit la pertinence apparente, ne sert qu'à
ajouter de l'eau au moulin de l'absurdité. Le problème aujourd'hui n'est pas de
savoir qui a tort ou qui a raison. Il n'est pas d'ameuter les esprits et les
consciences pour donner du champ aux carnages sans fin dont seuls les pouvoirs
en place et les aventuriers financiers de tous bords ont intérêt à les voir
continuer. Il est plutôt de créer les conditions concrètes de la paix et de
promouvoir toutes les initiatives porteuses d'une paix durable.
la paix et de leur engagement dans une nouvelle politique de rencontre et
d'alliance entre nos peuples et nos pays. A l'intérieur de la nation congolaise
aujourd'hui déchirée par des milices et psychiquement embrasée par de nouveaux seigneurs
de la division et de la sécession, c'est à ces forces de paix qu'il est bon de
confier la nation pour une politique capable de nous engager dans la seule
guerre qui puise avoir un sens aujourd'hui : la guerre contre le "
sous-développement durable ", pour reprendre l'expression du professeur
Théophile Obenga, dans notre pays et dans toute la région des Grands-Lacs.
qu'elles travaillent dans notre société comme dans les pays voisins, même si, à
certains moments, elles sont submergées et étouffées par les énergies
belliqueuses dont l'esprit de haine et l'envie du meurtre inondent parfois les
consciences.
autre politique dans la région des Grands Lacs, même si les pouvoirs qui
dirigent actuellement nos pays sont enfermés dans les ruses politiciennes et
dans la quête de fausses hégémonies dont le résultat à long terme ne pourra
être qu'un nouveau génocide ou une nouvelle guerre de destruction massive.
identités meurtrières pour promouvoir une culture de la non-violence et de
concorde de profondeur entre les peuples, entre les populations, entre les
êtres humains.
conflagrations de l'histoire de notre pays et de notre région, ces forces sont
notre vraie espérance et il faut investir en elles les quêtes ardentes des
générations montantes, grâce à l'éducation. C'est là notre chemin d'avenir.
si la société civile, les associations d'action politique et les énergies
religieuses se laissent entraîner dans les divisions, les discordes, les
conflits d'hégémonie, les manipulations par les pouvoirs en place, la recherche
des intérêts et les ambitions personnelles qui n'ont rien `voir avec la
construction d'une paix durable pour un développement durable au Congo dans la
région des Grands Lacs. Le temps n'est pas à des divisions et des discordes
destructrices. Il est le temps des synergies pour construire une civilisation
de paix et réussir un vivre-ensemble fructueux.
sociales comme dans les initiatives de transformation sociale, il faut
comprendre cela. Il faut affirmer haut et fort aujourd'hui que la paix est la
réalité la plus urgente à bâtir, `valoriser et à promouvoir. C'est à partir
d'elle désormais qu'il convient d'évaluer les différentes phases d'une guerre
qui n'a apporté à notre peuple que le néant et l'absurde. Si chaque Congolaise,
si chaque Congolais comprend cela, nous échapperons au piège de croire que la
solution au problème de la guerre du Kivu est militaire. Elle n'est pas et elle
ne sera jamais militaire. Elle est profondément dans la foi en la force des
valeurs d'humanité et dans notre détermination, au Congo comme au Rwanda et
dans toute la région des Grands-Lacs, à construire une société d'humanité : une
société heureuse.