Paix dans les Grands Lacs : BRUXELLES S’OPPOSE A UN DIALOGUE INTER-RWANDAIS (Pascal Debré Mpoko)

Pourtant il est un fait qu’il faudra
finir par une palabre à l’africaine au Rwanda et en Ouganda si l’on veut
vraiment une paix durable dans les pays des Grands lacs et, partant,
dans la région même. Les partenaires impliqués directement ou
indirectement peuvent avoir des formules pour y parvenir. C’est ce à
quoi on pouvait s’attendre d’un pays comme la Belgique qui a un passé
historique très important avec la RDC et le Rwanda-Urundi. Mais la
position que Bruxelles vient d’afficher a froissé les consciences tout
en suscitant des interrogations sur le rôle des pays occidentaux dans la
crise récurrente à l’est de la RDC.
 

En effet, interrogé sur la question au
sortir d’un entretien avec la Ministre rwandaise des Affaires
étrangères, le Ministre belge des entreprises publiques et de la
Coopération, Jean-Pascal Labille, a surpris l’opinion en tenant ces
propos : « je trouve qu’il est inacceptable que l’on demande à un peuple
qui a été victime d’un génocide de négocier avec un mouvement qui porte
encore en lui cette notion de génocide, c’est même aberrant…. ». On
croit entendre Mushikiwabo.

 

C’est donc avec émoi que certains
observateurs ont appris ces propos d’un pays qui était pourtant à
l’avant-garde de la recherche de la paix dans la région des Grands Lacs.
Mais doit-on dire que les intérêts priment sur tout, mais sur la paix ?
Bruxelles est libre de faire ses choix, mais dans le cas d’espèce, son
ministre des entreprises publiques a jeté un sacré pavé dans la marre
avec une telle position.

 

Pour avoir vécu en direct les événements
sanglants du génocide de 1994, la Belge est mieux placée pour connaître
la situation géopolitique de la région des Grands Lacs afin d’y
apporter des solutions efficaces. Il n’est, en effet, pas normal que la
RDC continue à faire toute seule les frais d’une crise interne au Rwanda
qui avait conduit au génocide. De même c’est faire preuve d’une
exigüité de l’esprit que de réduire la question rwando-rwandaise aux
seuls génocidaires. Le pouvoir de Paul Kagamé a produit tellement
d’opposant qu’il est dévenu aberrant de ne voir que les génocidaire des
FDLR comme partenaires à un éventuel dialogue politique interne.

 

En novembre 2011, Susan Rice avait tenu
ces propos à Kigali lors d’un de ses nombreux séjours : « La culture
politique du pays (Rwanda) reste relativement fermée. Les restrictions
sur la presse perdurent. Les activistes de la société civile, les
journalistes et les opposants politiques du gouvernement craignent
souvent de s'organiser paisiblement et de s'exprimer. Certains ont été
harcelés. D'autres ont été intimidés par des visiteurs nocturnes. Et
quelques-uns ont tout simplement disparu. L'approfondissement et
l'élargissement de la démocratie peuvent être les prochains
accomplissements de ce grand pays et de ses remarquables citoyens. »

 

Comment donc parvenir à relever ce
déficit de démocratie sans un dialogue entre les protagonistes ? Le
dialogue inter-rwandais est tellement incontournable que s’y opposer
devient tout simplement suspect. Ou bien Labille ne maîtrise rien de la
problématique de la paix dans les Grands Lacs, auquel cas il ne se
trouvait pas à sa place, ou bien il s’agit-là d’une commisération
consciente de Bruxelles envers l’une des dictatures les plus sanglantes
des Grands Lacs. Dans les deux cas, la Belgique a étonné le monde pour
ce genre de contractions dans son comportement.

 

Le Rwanda est le pays qui compte le plus
grand nombre d’opposants à l’étranger, et il n’y a que Bruxelles que
semble l’ignorer. Victoire Ingabire est un cas qui interpelle les
consciences et il n’y a que Jean-Pascal Labille pour être insensible…

 


Laissez un commentaire

Vous devez être connectés afin de publier un commentaire.