Défense & Sécurité du Congo – Wondo » La IIIème République Congolaise: Une Démocratie tripatouillée dans un Etat défaillant – Jean-Jacques Wondo

Depuis les
élections de 2006, la Constitution s’impose comme une référence légale
et politique incontournable en RDC. La légitimation du pouvoir en RDC a
conduit au vote en 2006 d’un référendum ayant adopté Une Constitution
qui a consacré l’institutionnalisation de la IIIème République. Cette
Constitution a également échafaudé une nouvelle architecture du pouvoir
bâti sur des structures dont les animateurs devraient être élus.
D’autant qu’après 15 ans d’instabilité sociopolitique et sécuritaire,
toutes les forces politiques, militaires et sociales ont convenu, de
manière consensuelle, que le pouvoir devait être conquis par le biais
des élections libres, démocratiques et transparentes. Ainsi ce pouvoir
devait être exercé au sein d’un Etat de droit démocratique.

Les
élections ont eu lieu, même si les conditions de leur organisation
laissent à désirer car ayant consacré afin des fraudes planifiées et
autres manipulations les rendant non transparentes et non crédibles,
d’où la crise de légitimité du pouvoir de fait qui dirige aujourd’hui le
Congo. Il faut reconnaître cependant que ce sont là des acquis et une
avancée politiques majeurs et indéniables, comparativement aux blocages
politiques des années Mobutu et Laurent Désiré Kabila, qui me pousse à
mettre avec humilité sur le compte de la nouvelle classe politique
émergeante en RDC, malgré ses errements d’enfance. Cela constitue une
des grandes valeurs ajoutées de cette Constitution qui introduit
désormais une nouvelle philosophie et culture politique d’accession ou
de maintien au pouvoir par la voie des élections libres, démocratiques
et transparentes. Chose inimaginable sous Mobutu encore moins sous son
bouillant successeur, Laurent Désiré Kabila. Mais le piège réside dans
le fait que cela ne suffit pas encore pour admettre que le pays est
réellement ancré dans une voie d’une réelle démocratisation. En effet,
l’effet pervers de cette nouvelle philosophie démocratique est de
remplacer l’accession au pouvoir par les armes par une ‘éternisation’ au
pouvoir par le tripatouillage des élections et de la Constitution en la
taillant sur mesure au gré du temps au profil du président sortant. Ce
qui consacre un nouvel ordre politique constitutionnel caractérisé par
l’institutionnalisation d’une démocratie tripatouillée.

La
période postélectoral de 2006 se présentait plutôt comme une occasion
idéale pour les autorités élues de mettre en place des mécanismes
durables de consolidation de la démocratie, de l’Etat de droit et de la
paix civile. Hélas, tout cela a été galvaudé par les démons qui hantent
l’Homme Congolais depuis 1960 : ‘Le mal et le mal-être Congolais’.

En
effet, la jeune IIIème République qui a suscité beaucoup d’espoirs en
2006, vient de subir deux affronts consécutifs en une seule année :
2011. Le premier étant la révision constitutionnelle en janvier 2011 et
le second, les élections ratées et chaotiques de novembre 2011. Cela
montre que ce nouveau régime, encore dans son stade de balbutiements,
éprouve des difficultés à trouver politiquement ses repères en raison
des fragilités institutionnelles liées à une situation sociopolitique de
crise de légitimité et économique des plus précaires et instables, pour
un pays en instabilité sécuritaire dont certains préalables à la
consolidation de son régime n’ont pas été réalisés. Ainsi, de l’espoir
suscité par la ‘démocratisation’ le pays replonge dans une situation
semblable à celle du début des années 1990 où la démocratie cède le pas à
la dictatocratie.

L’exposé des motifs de la constitution de 2006
dit : « Depuis son indépendance, le 30 juin 1960, la République
Démocratique du Congo est confrontée à des crises politiques récurrentes
dont l’une des causes fondamentales est la contestation de la
légitimité des Institutions et de leurs animateurs. Cette contestation a
pris un relief particulier avec les guerres qui ont déchiré le pays de
1996 à 2003. En vue de mettre fin à cette crise chronique de légitimité
et de donner au pays toutes les chances de se reconstruire, les délégués
de la classe politique et de la Société civile, forces vives de la
Nation, réunis en Dialogue intercongolais, ont convenu, dans l’Accord
Global et Inclusif signé à Pretoria en Afrique du Sud le 17 décembre
2002, de mettre en place un nouvel ordre politique, fondé sur une
nouvelle Constitution démocratique sur base de laquelle le peuple
congolais puisse choisir souverainement ses dirigeants, au terme des
élections libres, pluralistes, démocratiques, transparentes et crédibles
».

La question de la légitimité des acteurs politiques au
pouvoir a été une des raisons essentielles ayant conduit à l’élaboration
consensuelle de la Constitution votée en 2006, approuvée par un
referendum populaire. le fait que les dernières élections consacrent à
nouveau la question de l’illégitimité du pouvoir nous remet à la case de
départ. C’est ainsi que pour couper court à ceux qui prétendent que son
premier rapport ne remettait pas en cause l’ordre d’arrivée des
candidats, selon un extrait du premier rapport intermédiaire du dit
centre auquel les officiels belges, dont le ministre belge des Affaires
étrangères, M. Didier Reynders, se sont référé pour s’empresser de
reconnaître la validité de la réélection de Monsieur Kabila, le Centre
Carter a ouvertement reconnu dans son rapport final, l’existence d’une
crise de légitimité et a proposé soit de revoter ou de dialoguer afin de
doter le Congo des dirigeants politiques légitimes vu que les élections
de novembre 2011, jugées non crédibles, n’y étaient pas parvenues.

La
dictocratie (ou démocrature selon M. Ngbanda) désigne un régime qui,
sous l’apparence d’une démocratie de façade, fonctionne en réalité comme
une dictature. Une Constitution consacrant l’indépendance des trois
pouvoirs constitutionnels : Législatif – Exécutif (Présidence) –
Judiciaire – est en place, des élections, souvent truquées et manipulées
ont lieu régulièrement, la liberté d’expression est garantie dans les
textes légaux et non dans les faits, cependant les dirigeants au pouvoir
en place manipulent et pervertissent ces institutions afin de se
maintenir ad vitae aeternam au pouvoir et de conserver leurs privilèges
sociaux. . . C’est ce que le journaliste français Vincent Huguex appelle
« le mirage démocratique ». Pour ce dernier :

« On se contente
très souvent en Afrique d’un rituel démocratique qui ne correspond pas à
un enracinement d’une tradition pluraliste et d’alternance dans les
esprits. On va employer les lexiques et les outils de la démocratie pour
sauver les apparences. Et l’Occident, moitié par naïveté moitié par
calcul, et au nom de la sacro-sainte stabilité, se contente trop
aisément de ce théâtre d’ombre. Un candidat se fait élire et puis
réélire en usant des subterfuges : modification de la constitution
visant pour l’essentiel à obtenir de briguer un mandat de plus qui est
toujours un mandat de trop et le recours au scrutin à un seul tour qui
favorise le président sortant soutenu par la coalition des partis au
pouvoir. Donc, on peut parfaitement maintenir l’illusion d’une vie
démocratique  avec l’ouverture des partis politiques, dont la plupart de
ces groupements ne sont d’ailleurs que des partis satellites, mais ce
n’est pas ça la démocratie ! »

Les piliers de la démocratie

L’article
1er de la Constitution stipule que : « La République Démocratique du
Congo est, dans ses frontières du 30 juin 1960, un Etat de droit,
indépendant, souverain, uni et indivisible, social, démocratique et laïc
».

C’est essentiellement autour de cet article que nous allons articuler notre réflexion.

1. La République

Le
Congo est une République. Qu’est-ce à dire ? La République (en latin
res publica, chose publique) est « l’organisation politique de la
société, la chose publique », c’est-à-dire la reconnaissance d’un
intérêt  général placé au dessus des intérêts particuliers. Le passage
en force, politiquement et éthiquement indécent, de la nouvelle
Constitution modifiée relève-t-il d’un impératif national ou d‘un
intérêt général réellement supérieur aux intérêts partisans ou
inversement, cela résulte des calculs politiciens des enjeux électoraux ?
Sommes-nous encore dans la logique consensuelle qui a guidé l’Accord
Global et Inclusif signé à Pretoria en 2002. Comme si cela ne suffisait
pas, après la mascarade électorale de 2011, plutôt que concentrer son
action politique à rectifier le tir et à travailler activement pour
offrir aux populations la sécurité et le bien-être socio-économique qui
ne doit pas se résumer par les chiffres d’une crissance économique
stérile socialement, voilà le régime congolais dépenser  son énergie à
chercher des voies et moyens – constitutionnels ou via des concertations
populaires du type congrès stalinien ou du comité central du MPR de
triste mémoire – pour  se maintenir au pouvoir, au mépris de l’esprit de
la constitution de 2006.

Au XXVIIIè siècle, les philosophes et
notamment Rousseau définissent la république comme « tout Etat régit par
des lois » par opposition à la tyrannie et à la dictature. Aujourd’hui,
la république se définit comme « une forme de gouvernement où le
pouvoir et la puissance ne sont pas détenus par un seul individu, et
dans lequel le chef de l’Etat n’est pas héréditaire ». Le Congo se dit
être une République Démocratique. La démocratie qui se définit comme «
l’organisation politique dans laquelle l’ensemble des citoyens exerce la
souveraineté » a été inventée il ya 2500 ans, à Athènes dans la Grèce
Antique, c’est-à-dire dans un espace très limité, celui d’une cité qui
comprenait environ 30. 000 citoyens et pendant un moment assez court,
environs deux siècles. C’est là qu’ont été posés les principes
fondamentaux de la démocratie.

S’agissant de la construction de
l’Etat de droit, cela ne peut se réaliser que lorsque les gouvernants et
les autorités censés le rendre effectif commencent par respecter la
législation en vigueur. L’Etat de droit est demeure aujourd’hui au Congo
une formule incantatoire, vidée de toute sa substance et son essence.

2. Les trois pouvoirs constitutionnels sont le socle d’une démocratie

La
démocratie consacre trois pouvoirs fondamentaux : L’Exécutif (en ce
compris la Présidence), le Législatif et le judiciaire. Et pourtant
aujourd’hui en RDC, la démocratie escamotée, repose sur un mécanisme
politique asymétrique, où l’essentiel du pouvoir est confisqué par le
Président de la République (et ses différents cabinets officiel et
parallèle) et le Gouvernement auxquels sont assujettis le pouvoir
législatif et le judiciaire. Il suffit pour s’en rendre compte de voir
la manière dont la Constitution a été précipitamment révisée en 2011. De
même, la manière dont la Cour Suprême de Justice s’est comportée dans
le cadre des contentieux postélectoraux de 2011 prouve à suffisance que
le pouvoir judiciaire au Congo reste inféodé à l’Exécutif et au
Président. Ainsi, la dernière mise en place des membres de la
magistrature a corroboré le caractère clientéliste, tribaliste et
perverti des interactions entre l’exécutif et le judiciaire.

A
ces incohérences du régime dictocratique qui s’installe en RDC, se
greffent le système électoral vicié par une loi sur la CENI consacrant
la politisation dans le choix de ses animateurs ;   suscitant des
frustrations au sein de la population ; une administration inexistante,
une police partisane, une armée des milices, la persistance de
l’insécurité. Tout ce qu’il faut pour faire de la RDC un non-Etat de
droit démocratique.

2.1 Un Parlement dépossédé, réduit à une
caisse de résonance de l’envi du Président. Même si la Constitution et
la loi électorale confèrent à l’électeur un pouvoir effectif sur la
désignation de ses représentants, il n’en faudrait pas moins que ceux-ci
soient en mesure d’agir en toute indépendance au sein du parlement afin
d’exercer un pouvoir de contrôle réel sur la coalition politique au
pouvoir et la politique menée. Plusieurs analystes et observateurs de la
scène politique congolaise ne cessent de stigmatiser l’impuissance du
Parlement face au pouvoir écrasant du Président et de l’Exécutif. Ces
éléments de la fiction de la responsabilité politique du Gouvernement
devant le Parlement, escamotant le fonctionnement d’une démocratie,
accentuent un dysfonctionnement structurel de l’Etat, déjà défaillant
dans son essence, son fondement, ses attributs et sa fonction.
Aujourd’hui, les rapports de force entre les trois pouvoirs
constitutionnels sont sciemment déformés grâce à un mécanisme politique
insidieux rendant asymétrique l’équilibre démocratique entre ces trois
pouvoirs constitutionnels. En effet, l’essentiel du pouvoir a été
confisqué par le Président de la République (et ses différents cabinets
occultes) et le Gouvernement auxquels sont assujettis les pouvoirs
législatif et judiciaire. Au point que la RDC se trouve dans une
situation de fiction démocratique où le Parlement est devenu
l’antichambre du pouvoir exécutif, mettant à jour, avec encore plus
d’acuité à la suite des élections chaotiques de 2011, sa faiblesse et
son incapacité à jouer son rôle de pilier démocratique par le contrôle
effectif de l’action gouvernementale et des organes de l’Etat, notamment
les forces de sécurité, qui en dépendent. En conséquence, le rôle du
Parlement reste malheureusement réduit à entériner et valider les
décisions généralement prises ailleurs ; pratiques reflétant la notion
de ’parlement chambre d’enregistrement’. Ceci est davantage plus vrai
lorsque ces décisions concernent les forces armées- et de sécurité.
Celles-ci restent le domaine réservé du chef de l’Etat, de ses
conseillers en matière de sécurité, et de hauts gradés des forces armées
qui forment sa cour et le parlement  subit l’embargo de la notion «
secret-défense », au mépris même du principe sacré du contrôle de
l’armée par le civil.

Pour le constituant de 2005, l’indépendance
du parlement était la pierre angulaire de la IIIème République. Et
pourtant, en sept années de fonctionnement des institutions
républicaines, l’on aperçoit que le principe de la responsabilité
politique du Gouvernement devant le Parlement a été vidé de toute sa
signification originelle. Pis encore, ce qui devait être à l’origine une
possibilité pour le parlement de sanctionner l’action du Gouvernement,
dont les cas de mal gouvernance et de malversations sont légion, s’est
inversée. Aujourd’hui, les députés – du pouvoir comme de l’opposition
–  monnaient leurs motions de défiance ou les interpellations des
ministres et autres gestionnaires de l’Etat. Contrairement à la période
Kamerhe, le Parlement sous les présidences  successives de Boshab et
Minaku, tous deux juristes de surcroit- se réduit à un organe de
ratification de projets de lois et de budgets dont la confection et les
arbitrages techniques ont été élaborés au niveau des cabinets parallèles
de la présidence et du gouvernement et d’approbation des mots d’ordres
et autres consignes politiciens donnés par leurs instances de parti. Ce
qui fait de son président un commis du parti plus qu’un homme d’Etat.

La
faiblesse du Parlement et son incapacité à jouer son rôle de pilier
démocratique explique également l’absentéisme parlementaire, relevé
récemment par l’exclusion des opposants encombrants pour le pouvoir
(Tshilombo Félix, Ndongala Diomi…) alors qu’une majorité de députés
présidentiels notoirement absentéistes  ne sont pas inquiétés : deux
poids eux mesures. Dans ces situations où les intérêts partisans et les
calculs politiciens entrent en jeu, les parlementaires deviennent alors
très utiles pour la coalition au pouvoir dans des activités parallèles
et immorales où sévit un clientélisme excessif : les rencontres de
motivation des parlementaires, organisées  par le président dans sa
ferme à Kingakati avant l’élection de Boshab à la tête de l’Assemblée
Nationale et avant la révision de la Constitution ou lors de la récente
motion de défiance de Matata attestent l’état des lieux de la démocratie
en RDC. Dans ces conditions, la démocratie devient un leurre et
ressemble à un jeu démagogique qui la condamne tôt ou tard à un échec.

2.2
Une administration démunie, démoralisée où la politisation de la
fonction publique par des nominations tribales où le Katanga et les
Balubakat s’arrogent la part du lion dans le gouvernement et instituions
publiques ; partisanes et clientélistes ou autres favoritismes
(promotions canapés) deviennent la règle, condamne inexorablement l’Etat
à l’inefficacité. Des nominations des administrateurs dans les
entreprises étatiques ou paraétatiques ou à la territoriale ont
privilégié l’appartenance politique ou socio-ethnique par rapport aux
critères de compétence. C’est le cas du pharmacien mulubakat du
Katanga  Alexandre Tambo Luba qui occupe une fonction stratégique de
ministre de la Défense dans un pays ravagé par des conflits armés
interminables. A cela s’ajoute, l’absence de toute politique prospective
visant à moderniser et optimiser le fonctionnement et la gestion de
l’administration publique en tant que institution réellement au service
du public qui doit en être le premier bénéficiaire et non au service du
ministre ou ses représentants.

2.3 Un pouvoir judiciaire laissé-pour-compte et instrumentalisé à outrance par l’exécutif

Le
mal congolais s’est infiltré dans le monde judiciaire pour s’y être
confortablement installé avec de beaux jours devant lui. Une justice
qui, au lieu de devenir le gardien du système constitutionnel, devient
un haut temple de protection de la mal gouvernance et de la gabegie,
avec des nominations fantaisistes comme la dernière mise en place des
magistrats opérée par le président Kabila. Que dit le président
lorsqu’il a imposé à la tête de l’Assemble Nationale en 2006,
l’institution-pierre angulaire du régime démocratique, son ancien
directeur de cabinet, Evariste Boshab, impliqué dans l’affaire des
créances de 32.000.000 $ de la SNEL, un cas avéré d’abus de biens
sociaux et de corruption sans aucune poursuite judiciaire ne soit
initiée à son encontre ? A quoi servent la cour des comptes, la police
judiciaire près les parquets? L’ingérence de la Présidence et du pouvoir
Exécutif se manifeste aussi dans le limogeage, la nomination et la
promotion des magistrats. Le népotisme et la politisation obscènes qui
perdurent à tous les niveaux de la hiérarchie judiciaire est indigne
d’un Etat de droit. Il est inacceptable que dans un système prônant
séparation des pouvoirs, le pouvoir judicaire soit entièrement inféodé à
l’Exécutif. De plus, le pouvoir judiciaire est astreint à travailler
dans des conditions souvent archaïques, ne disposant rarement de
l’infrastructure élémentaire en matière de logistique, bureautique,
bâtiments, moyens de communication, sans parler de leurs salaires dont
le président nous a fait récemment preuve de sa grande ignorance en la
matière.

3. Les élections libres, transparentes et crédibles constituent un autre pilier de la démocratie

Elles
constituent un mécanisme permettant de concilier l’expression de choix
collectifs sur des thèmes concrets, la viabilité et la continuité de
l’Etat. La démocratie en RDC est appelée à être représentative et
participative et les élections doivent en constituer l’élément pivot. On
ne peut analyser le fonctionnement des institutions dans une démocratie
sans procéder au préalable à l’examen du mécanisme permettant la
légitimation du pouvoir qu’est le système électoral. Or la confusion et
la tension qui ont entouré les révisions de la Constitution et de la loi
électorale et l’organisation des scrutins de 2011 ne cessent de créer
un climat politique de grande suspicion politique. Cette ambiance
politique échaudée, exacerbée notamment par les tentatives d’une
nouvelle révision de l’article 220 de la Constitution, présente une
forte probabilité d’amplifier crise politique à laquelle personne ne
sera en mesure d’en mesurer les conséquences.

Conclusion

D’une
indépendance acquise dans l’impréparation à une démocratie mal conçue
et mal démarrée – entrecoupées par des périodes d’instabilité politique
et de conflits armés – ainsi que d’une conception de l’exercice du
pouvoir héritée de l’époque coloniale et des trente-deux ans de
mobutisme ;  le déficit démocratique dû principalement à l’inexistence
de l‘Etat, ne fait que s’accentuer en RDC. L’expérience démocratique
actuelle mal amorcée montre ses limites. Le jeune système semble
s’enrayer et éprouve des difficultés de tourner définitivement la page
du modèle dictatorial. L’absence de l’Etat et la corruption galopante en
sont des illustrations. L’élite politique congolaise continue à
éprouver des difficultés à proposer au peuple un modèle de gestion de la
chose publique devant lui procurer le bien être intégral ; tant les
racines du mal sont ancrées. Dans la situation actuelle, dans un
contexte post-électoral belligène, c’est la substance même du principe
de l’Etat démocratique, acquis aux prix des rébellions récurrentes et
des dictatures, qui risque de se désintégrer si l’on n’y prend pas garde
d’ouvrir une nouvelle période d’instabilité politique  qui va encore
ramener le Congo quelques décennies en arrière.

La non tenue des
promesses électorales par les détenteurs du pouvoir, la dérive de la
gestion publique, la paupérisation croissante de la majorité des couches
sociales congolaises malgré les avancées macroéconomiques induites par
la croissance conjoncturelle – il suffit de voir les derniers
classements de la RDC dans les différents rapports internationaux sur
les conditions de vie socioéconomiques et politiques pour s’en rendre
compte – et l’annonce des probables tripatouillages de la Constitution
et des élections vont certainement pousser beaucoup de congolais à de
nouvelles formes d’incivisme et d’indignation, qui pourraient prendre
des proportions imprévisibles. Et le Katanga est déjà en ébullition. La
misère est tellement profonde qu’elle risque de former un cocktail
explosif avec une situation postélectorale sous tension ayant généré une
crise de légitimité du pouvoir en place et qui se détériore
progressivement avec la situation sécuritaire de l’Est depuis l’Ituri en
descendant pas les deux Kivu pour atteindre le Katanga où les
Bakata  Katanga, soutenus implicitement par l’Unafec de Kyungu et par
John Numbi tiennent à l’autonomie de leur province. De plus, à côté de
l’opulence et des richesses amassées sans vergogne et frauduleusement
par des politiciens au pouvoir , des opposants corrompus (le cas des
députés MLC par exemple) et des mandataires publics, il y a une grande
pauvreté et un malaise social indescriptibles au sein de l’ensemble de
la population. La débrouillardise, autrefois ironiquement connue sous la
dénomination : « article 15 », ne suffit plus pour soulager un tant
soit peu le mal-être quotidien des congolais. Les honneurs et la
richesse s’acquièrent au détriment de l’Etat et du peuple, dépouillés de
tout. Les performances macro-économiques, par la croissance économique,
réalisées par le Gouvernement Matata ne se répercutent pas sur le
panier de la ménagère.

Le congolais n’est plus dupe depuis qu’il a
appris à faire valoir son droit d’électeur pris en otage par les
fraudes électorales de novembre 2011. Il observe et enregistre. Même
s’il ne semble rien comprendre aux manipulations politiciennes de toute
forme, il semble par contre intérioriser que les choses doivent
impérativement changer dans la bonne direction. L’Etat de droit
démocratique factice qui caractérise le régime politique actuel ne
résistera pas à l’indignation et à la volonté populaire qui appelle un
changement de cap audacieux, patriotique et responsable. Les émeutes de
janvier 1959 ainsi que les pillages de 1991 et 1993 sont là pour nous
rappeler que l’on ne manipule pas indéfiniment un peuple.

La
question que je pose aux lecteurs de cette réflexion est celle de savoir
si les élections en 2006 et 2011 ont-t-elles réellement contribué à
consolider la cohésion nationale, la paix civile, la Démocratie et
l’Etat de droit; et à amorcer une réelle dynamique de reconstruction du
tissu socio-économique de la RDC par la bonne gouvernance ?

Jean-Jacques Wondo Omanyundu

Analyste  des questions politiques et sécuritaires du Congo

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