02.09.13 Le Potentiel – La démocratie consensuelle au secours de la démocratie institutionnelle
Un soir, celui du 28
novembre 2011, un séisme électoral, dune magnitude jamais enregistrée
de mémoire dhomme, sabat sur toute létendue de la République
démocratique du Congo: lorganisation désastreuse des élections
présidentielles et législatives par la CENI (Commission électorale
nationale indépendante) provoque une hécatombe et une désolation
sociales et politiques dune ampleur telle que toute la vie de la Nation
se trouve désormais ébranlée, et plus particulièrement, celle des
institutions de la République.
Sincruste alors, dans la conscience du
peuple, une lecture des institutions basée sur une antinomie
fondamentale opposant la légitimité à la légalité, avec comme
corollaire, un chapelet de malheurs : déficit criant et inacceptable de
cohésion nationale, guerre de lEst, mal gouvernance.
Chacun de nous fait un constat amer : la démocratie institutionnelle est en panne.
DEMOCRATIE INSTITUTIONNELLE EN PANNE
Les quatre institutions majeures de la
République, à savoir le Président de la République, le Parlement, le
Gouvernement, les Cours et Tribunaux, demeurent, par la volonté du
constituant, le produit du peuple congolais qui sexprime par la voie
des urnes.
Lactivité électorale simpose donc
comme le moteur du fonctionnement vital de chacune de ces Institutions, à
tel point que la démocratie, dans son essence sociale, ne peut
sexercer en leur sein ni produire des effets à partir delles, sans
cette référence permanente au souverain primaire quest la population
congolaise.
Cette activité électorale sest trouvée
profondément viciée et a conduit à des déviations préjudiciables à
lharmonie sociale et à la réalisation des attentes justifiées de la
population. Conséquence inévitable : le peuple désespère de plus en
plus, une partie importante de la classe politique ainsi que de la
Société civile contestent sans cesse tous ceux qui détiennent les rênes
du pouvoir dEtat, à travers les institutions précitées.
La crise de légitimité de ces dernières
sest installée et prend les allures dune cristallisation progressive
qui empêche la RDC de sengager dans un véritable programme de
développement de son espace économique, social et culturel.
Quelle solution à envisager, face à
cette situation dramatique qui fait du peuple congolais lotage, le bouc
émissaire et la victime de la dualité, maintenue irréductible par les
acteurs sociopolitiques, entre la légitimité et la légalité des
institutions?
Deux solutions se présentent à la
nation. La première, radicale, nous contraint dannuler et de reprendre,
sans plus tarder, toutes les élections présidentielles et législatives
contestées, en vue de rétablir, à la satisfaction de tous, légalité
mathématique entre la légitimité et la légalité.
A lheure actuelle, procéder ainsi
appartient à une illusion assassine qui fait fi du manque manifeste de
force morale collective, de moyens humains adéquats, de ressources
financières disponibles, et dune CENI compétente, dont souffre
outrageusement notre pays.
La seconde solution, résolument
consensuelle, relève le déficit considérable pour la nation engrangée
par notre pratique vicieuse de la démocratie institutionnelle en termes
dintolérance des uns et des autres, de haine suscitée et entretenue par
lappât de lexercice du pouvoir au sommet de lEtat, et de conflits
interpersonnels et communautaires.
Elle en appelle à lamour patriotique de
tous les Congolais, en vue de sauver notre pays de son état actuel de
morbidité lente mais progressive. Cette solution consensuelle se veut
dialogue entre toutes les couches sociopolitiques congolaises, dans un
cadre thématiquement et géographiquement bien circonscrit.
Elle se profile à travers la tenue des
concertations nationales, au cours desquelles la pratique de la
démocratie consensuelle saccorde à prêter main forte à lidéal de la
démocratie institutionnelle, pour que celle-ci sinstaure
progressivement et solidement dans les rouages de lappareil de lEtat.
DEMOCRATIE CONSENSUELLE A LA RESCOUSSE DU MALADE
Nous devons tous reconnaître que notre
démocratie institutionnelle est profondément malade. Elle est malade de
notre culture politique trop marquée par la recherche effrénée du gain
individuel au détriment de celui de toute la collectivité nationale.
Et dans cette quête pour la survie et le
positionnement individuels, des camps se forment, des rivalités se
créent, des protagonistes se livrent une guerre sans merci : la guerre
des mots et des armes, dont la violence lamine une cohésion nationale
indispensable pour le développement de notre pays et laccès de tout un
peuple à son bien-être.
La démocratie consensuelle, soumise à
lépreuve du feu de nos passions et ambitions respectives lors des
assises des concertations nationales, nous introduit à lécole des
concessions mutuelles et des compromis, générés par la dynamique du
consensus.
Le consensus nest pas lunanimité, car
celle-ci se constate après le résultat dun vote. Il est le point de vue
commun partagé par la majorité de chaque composante présente aux
assises. Il met chaque fois en exergue lintérêt supérieur de la Nation.
Expression matérielle dune démocratie
vivante déterminée à placer lintérêt général du peuple au-dessus de
ceux égoïstes des individus et groupes particuliers, la prise de
décision par consensus ne connaît ni vainqueur ni vaincu. Elle se
nourrit du charisme de lécoute et du respect des interlocuteurs afin
den dégager ce qui les unit.
A un moment aussi critique et difficile
que traverse notre pays, la démocratie consensuelle, celle du centre,
permet danalyser les problèmes de la Nation avec détachement, en nous
libérant des élans belliqueux provenant de nos extrémismes de droite et
de gauche.
Elle prépare des solutions minimales
idoines susceptibles de recueillir lassentiment de tous, de manière à
asseoir les conditions optimales pour la pratique dune vraie démocratie
institutionnelle issue des urnes. La démocratie consensuelle, avant
dêtre une pratique, se veut dabord un état desprit, un comportement
politique à acquérir, spécialement lors de ces concertations nationales,
de manière à élaborer un programme minimum de la nation qui puisse
satisfaire les attentes de notre population.
Si nous réussissons, toutes les
composantes sociopolitiques ensemble, ce pari de parvenir à concevoir un
programme commun de la nation à réaliser par une équipe gouvernementale
ad hoc, lépineuse question qui devrait se poser à nous est celle de
savoir si cette équipe gouvernementale pourrait être issue des
différentes composantes sociopolitiques, afin de confirmer la
détermination de toute la Nation de sunir autour de ses leaders
politiques et sociaux et de sortir notre pays du marasme dans lequel il
se trouve empêtré. Cest une question importante qui mérite un débat de
grande facture, digne de la valeur indéniable de la classe
intellectuelle Congolaise.
MICHEL BONGONGO
Sénateur et haut cadre de lUFC