12/11/13 7sur7.cd: «Un gouvernement de cohésion nationale n’existe pas dans une démocratie», dixit Colette Braeckman

 

L’Armée rd-Congolaise a toujours été perçue
comme une armée indisciplinée et désorganisée. A quoi attribuez-vous les
prouesses réalisées par les FARDC?

Je pense que l’Armée rd-Congolaise a essayé de dépasser
les malédictions qui la tenaient dans le passé. Pour mieux comprendre cela,
parlons un peu de sa petite histoire. Sous le régime Mobutu, c’était une armée
avec à sa tête des chefs corrompus qui n’avaient pas le souci de combattre pour
le pays. A l’époque de Kabila (Laurent-Désiré), il n’y a pas eu d’armée parce
que c’étaient les rwandais et ougandais qui l’ont amené au pouvoir et qui
jouaient ce rôle. Après 2002, cette armée a été infiltrée par les différents
rebelles qui occupaient le pays. Cela à travers les opérations de brassage et
mixage. Après le dialogue inter-Congolais et l’accord de Sun City, l’armée
rd-Congolaise a intégré en son sein les rebelles du MLC, du RCD et d’autres qui
étaient manipulés et qui travaillaient pour les gens de l’extérieur. L’intérêt
du pays ne leurs préoccupaient pas. On se retrouve dans la fameuse formule de
Didier Reynder’s qui stipule que lorsque vous avez des bonnes et des mauvaises
pommes dans un panier, les mauvaises corrompent toujours les bonnes. C’est
exactement ce qui s’est passé dans l’Armée rd-Congolaise. Vous avez des soldats
qui ne sont pas loyaux, corrompus et qui n’ont pas d’éducation militaire. C’était
un grand désordre. Mais maintenant cette même armée rd-Congolaise a des
nouveaux chefs qui ont formés des nouvelles unités. Celles-ci ont appris l’art
militaire mais aussi la formation morale. Outre cela, il y a aussi la brigade
d’intervention de la MONUSCO
avec ses para-commandos qui ont appuyés l’Armée rd-Congolaise notamment avec
leur matériel sophistiqué. Une brigade dont il est important de rappeler
qu’elle a été déployée suite à l’action diplomatique menée d’une part, par la
rd-Congo surtout avec son ministre des affaires étrangères, Raymond Tshibanda.
Et d’autre part, celle des pays d’Afrique australe qui ont aussi envoyés des
éléments pour cette brigade de la MONUSCO. La communauté internationale se sentit
obliger d’intervenir surtout avec la prise de Goma. C’est comme une humiliation
pour elle de voir là où est une de ses missions tomber aux mains d’un groupe
rebelle.

 

Avec la fin du M-23. Pensez-vous que le
problème de l’Est est résolu?

Je pense qu’il est trop tôt pour dire que le problème de
l’Est est résolu. La stabilisation du Kivu est due aussi à la présence des FDLR
dans cette partie du Congo. Depuis 1994 après le génocide au Rwanda, cette
présence a toujours servi de prétexte au Rwanda voisin de s’aventurer dans le
territoire rd-Congolais. Il faut qu’on puisse faire partir ces FDLR du
territoire rd-Congolais. Et les groupes Maï-Maï estimés à quinze ou dix-sept
groupes vont se dire qu’il y a du sérieux et vont eux-mêmes abandonner la
guerre dans l’Est. C’est pourquoi les autorités rd-Congolaises doivent
accélérer les réformes sécuritaires. Il faut former les soldats et les
policiers, qu’on les motive avec une bonne rémunération et qu’on mette à leurs
dispositions du bon matériel. Construire des belles routes c’est bien mais si
les militaires sont mal payés, ils vont utiliser leurs armes pour rançonner la
population usagère des ces routes. Promouvoir l’agriculture c’est aussi bien
mais les soldats sont mal entretenus, ils commenceront à entrer dans les champs
pour piller et voler la population. Pour moi, je pense que l’approche militaire
est la meilleure pour résoudre le problème de l’Est.

 

Quelle chance accordez-vous à l’accord ou
déclaration finale de Kampala?

Toutes les guerres du monde se terminent toujours par un
accord. La Rd-Congo
a montré que militairement il est le plus fort. Cela doit être reconnu par le
M23 dans cet accord pour éviter que demain qu’il ait encore des M-24, 25, 26…
Avec cet accord, le gouvernement de Kinshasa devra également écouter les M-23
parce que tout ce qu’ils disent ne pas toujours faux. Ils revendiquent la bonne
gouvernance, le retour des réfugiés. Donc, cet accord est une façon formelle de
dire que la guerre est finie.

 

Selon vous, qu’est-ce que vous préconisez
comme solution pour finir une fois pour toute avec la crise dans l’Est de la Rd-Congo?

Je pense que si on veut mettre un terme avec cette
situation, on doit dissuader le voisin Rwanda par des actions diplomatiques et
surtout militaires pour qu’il ne s’aventure plus dans le territoire
rd-Congolais. Vous avez la
MONUSCO avec un dispositif de surveillance à la frontière,
des drones, le Rwanda n’entrera plus au Congo comme il veut. Mais bien avant,
il faut résoudre tous les problèmes qui se présentent à l’intérieur du pays
notamment la gouvernance, la stigmatisation de certains groupes ethniques, le
retour des réfugiés en Rd-Congo, le problème des enfants soldats et d’autres.
Tous ces différents problèmes qui servent de prétexte à certains rd-Congolais
pour faire des rébellions.

Joseph Kabila a annoncé la mise en place d’un gouvernement
dit de cohésion nationale. Pensez-vous que ce gouvernement peut résoudre la
crise multiforme que connaît le pays?

La population rd-Congolaise a plus besoin d’un gouvernement efficace qui va
résoudre les différents problèmes auxquels elle est confrontée. Un gouvernement
de cohésion nationale, j’en suis un septique parce qu’en démocratie, ce sont
les élections qui comptent. Ceux qui remportent les élections, ont le pouvoir.
Et ceux qui perdent, attendent les prochaines élections. C’est la règle de jeu.
Je me demande si ce gouvernement n’est pas une forme de faire renaître le 1+4?
Si c’est partagé les postes pour que les opposants se taisent, la population
qui a lONGtemps souffert n’en a pas besoin.

 

Vous avez publié il y a peu un ouvrage sur
le docteur Dénis Mukwege, réparateur des femmes violées. Qu’est-ce que vous
avez voulu dire dans ce livre?

Réparer est un terme qui choque. Mais quand vous voyez ce
qui est fait dans l’Est de pays, ce terme mérite d’être employé. Il y a des
choses affreuses qui sont faites par les groupes armés. Ils vont au-delà du
viol. Ils détruisent l’appareil génital de la femme. C’est vraiment affreux.
Moi, j’ai voulu surtout faire écho de son témoignage à travers le monde de ce
médecin qui répare l’appareil génital des femmes violées. C’est un technicien
réparateur de la femme violée.

 

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