Des « kuluna-non -cravatés » tués à Kinshasa Par Jean-Pierre Mbelu, analyste
"Si tu veux la paix, prépare-toi toi-même" R. Panikkar
Nous apprenons depuis hier, le 26 novembre 2013, que la police a lancé une « opération coup de poing » à Kinshasa. Cette opération consiste à traquer « les kuluna », « les voyous » et à les déférer devant la justice et/ou à les tuer. Certains kinois rapportent quils ont vu la police tuer ces « voyous » devant leurs domiciles. Ce que réfute lun des responsables de la police : il met cela sur le compte des dérapages liés à lopération susmentionnée.
Quelques petits rappels historiques. Ceux et celles dentre nous qui ont encore un peu de mémoire savent quaprès les élections-pièges-à-con de 2006, « une répression massive sest abattu sur les membres du MLC de Jean-Pierre Bemba » comme en témoigne un document publié par la FIDH[1]. Plusieurs militaires et civiles de la province de lEquateur avaient été pris pour cibles. Plus tard, aux environs des élections-pièges-à-con de 2011 et plus précisément le 26 novembre, plusieurs partisans de lUDPS ont été tués aux environs de laéroport de Ndjili. Pour quel crime ? Ils sétaient organisés pour aller accueillir leur leader, Etienne Tshisekedi, revenant dun voyage. Certains jeunes ont été abattus dans certains quartiers de Kinshasa aux environs de cette date par la police politique de Kinshasa. La justice aux ordres de nouveaux prédateurs na jamais fait la lumière sur ces meurtres et assassinats politiques. Que visaient-ils ? Semer la psychose dans « la ville frondeuse », casser toute forme de résistance populaire contre un « conglomérat daventuriers » ayant usurpé le pouvoir par la volonté dun réseau maffieux transnational de prédation, pousser cette ville à reconnaître ces nouveaux prédateurs comme « hommes dEtat », etc. Ce sont donc ces « kuluna » en costume et cravate ayant neutralisé une bonne partie des institutions congolaises qui, depuis la guerre dite de libération (de lAFDL), essaient de transformer la RDC en une jungle où règne la loi de la guerre de tous contre tous.
Et voilà quils récidivent après « les victoires ambiguës des FARDC » sur le M23, membre de la majorité dite présidentielle ! Jusquau 15 février 2014, la police politique de Kinshasa va traquer « les faux-vrais-kuluna-sans-cravate » sous linstigation des nouveaux prédateurs ! Et une partie de nos populations désabusée est tombée dans le larbinisme : elle applaudit ses bourreaux ; les bourreaux des « sans-voix » et des dissidents politiques.
Il y a là une tragédie ! Elle va en rajouter aux plus de 8 millions des morts Congolais(es) ! Cela, dans un pays où le 1% de « kuluna-en-costume-cravate » a confisqué les 99% de revenus des ressources du sol et du sous-sol aux dépens des 99% de nos masses populaires (se partageant le 1% et) doù naissent et grandissent « nos kuluna » abandonnés à leur triste sort, sans éducation, sans formation à un métier, sans un revenu minimum dintégration, sans famille, etc.
Après avoir mené une guerre de prédation pendant plus de deux décennies, les nouveaux prédateurs se sont enrichis sans cause. Ils ont creusé les inégalités et fabriqué lexclusion ; ils ont craché sur les droits socio-économiques, culturels et politiques de nos masses populaires avec lappui des Institutions Financières Internationales. Ils ont créé la pauvreté, la misère et la violence. Sans aucune boussole éthique et adeptes des méthodes de lélite néolibérale, ils ont été incapables de promouvoir un minimum dégalité de chances. Tel est le fond du problème ; tel est le vivier du « kulunisme » quils refusent danalyser en profondeur par mauvaise foi, cynisme ou voyoucratie. Et au lieu de sen prendre à eux-mêmes, ils trouvent des boucs émissaires : des « kuluna-sans-cravate ». Et les cravatés cités par les rapports des commissions Lutundula et Bakandeja, où sont-ils passés ? Et les cravatés cités par les différents rapports des experts de lONU, où sont-ils passés ? Pendant que leur police politique traque nos enfants quils ont abrutis et à qui ils ont volés toute leur jeunesse, ils sapprêtent à négocier un accord avec « les kuluna-cravatés » du Rwanda et de lOuganda sous la supervision de leurs « kuluna de parrains » pour quils intègrent les institutions congolaises et poursuivent leur « kulunisation » au grand dam dune bonne partie de nos populations impuissantée par lignorance, la sous-information, la propagande mensongère, la guerre dusure, la religiosité imbecillisante, etc.
Hélas ! Quils le veuillent ou pas, leur œuvre est vouée à léchec. « Tant que ne sélimine pas lexclusion sociale et la disparité sociale, dans la société et entre les peuples, il sera impossible déradiquer la violence, soutient le Pape François. On accuse les pauvres (…) de violence, mais, sans égalité de chances, les différentes formes dagression et de guerre trouveront un terrain fertile qui tôt ou tard provoquera lexplosion. » (Lire Evangelii Gaudium).
Cest vrai. Avec leurs parrains, ils ont réussi à créer, dans les cœurs et les esprits de plusieurs compatriotes, « une nouvelle culture », celle de « la tolérance à la violence et au meurtre ». Et cest bien dommage ! Il faudra, aux pacifistes congolais et aux autres réseaux dhommes et de femmes de bonne volonté, une mobilisation sur le court, moyen et long terme pour désarmer cette « culture », lieu dépanouissement du capitalisme du désastre ou de « la destruction créatrice » du nouveau désordre mondial. Un jour, en RDC, il faudra quune justice juste soit rendue à toutes les victimes des « kuluna-en-costume-cravate », ces nouveaux prédateurs occupant le pays de Lumumba depuis la guerre de lAFDL.